Elisabeth Clanet était l'invitée du séminaire Ermine CRBC, le 3 octobre 2014 pour aborder la difficile question de l'histoire de ces minorités maltraitées par l'histoire.
«Luttes mémorielles des Tsiganes : entre approche historique et fictions romantiques» : la conférencière annonce le sujet, très sensible aujourd'hui avec un amalgame entre ces différentes populations de plus en plus fréquent dans les media.
Ayant travaillé de nombreuses années sur leur histoire, sachant le romani qu'elle a appris à l'INALCO, elle est responsable aujourd'hui de la scolarisation des 10 000 enfants des gens du voyage au CNED. Elle reprend l'histoire de ces peuples venus d'Inde, en vagues successives pour la plupart des historiens.
En France, les saisonniers ont toujours été très nombreux, venant travailler de toute l'Europe aux travaux des champs. Certains se sont spécialisés dans les fêtes foraines, les professions du cirque, les Yéniches sont venus pendant les guerres de trente ans et de cent ans grossir les entreprises de guerre privées.
Au XIXe siècle, avec la révolution industrielle, la mobilité s'intensifie, les manouches et yéniches alsaciens arrivent, les premières roulottes se construisent, rendant visible la mobilité de ceux que l'on va appeler les «gens du voyage» en 1938.
En 1895, on recense 400 000 personnes qui circulent en France regroupées en quatre catégories, on les interne pendant la deuxième guerre mondiale et on les libère bien après. La loi de 1969 est toujours en action : si on vit dans un logement mobile plus de six mois au même endroit, on risque une amende et la prison si on récidive. Un tiers des gens du voyage aujourd'hui ne voyage plus, est loin des écoles et vit dans un statut très précaire.
Selon l'intervenante, les personnes qui s'occupent en France des Rroms et des gens du voyage peuvent se diviser en trois catégories : les romantiques fascinés par l'exotisme et la misère,les normopathes qui «tsiganisent et infantilisent» et les pragmatiques qui prennent en compte les réalité et associent les intéressés à la réflexion, en cherchant à favoriser l'insertion économique et sociale.
Selon elle, l'histoire actuelle racontée par les media est fausse. Il n'y a pas eu de vagues successives, car la langue utilisée par ces différentes minorités a des emprunts au persan et à l'indien très similaires, comme s'ils avaient émigré à la même époque. Il y aurait eu une déportation massive d'esclaves indiens au 9e siècle pour les besoins des armées turques (des dresseurs d'animaux de combat comme les éléphants, des forgerons, des musiciens, des jeunes hommes et des jeunes femmes). Aux 13e et 15e siècles, les invasions mongoles poussent ces personnes dans des statuts d'esclaves militaires, ils vont dans toute l'Europe, cherchent leur affranchissement, parfois en devenant musulmans. Les «gypsies» viendraient d'Égypte, les bohémiens de Bohême, au Brésil on les appelle les «gringos», les Manouches en Allemagne (de «Mensch», homme, en allemand).
En 1971 a lieu le premier congrès Rrom avec un premier drapeau, une langue commune. L'Union Romanie a son siège à Prague et fédère trente pays. Les 500 000 Rroms et gens du voyage français sont en majorité des gitans espagnols. La plupart sont des évangélistes, qui se rassemblent lors de grands rassemblements spectaculaires.
Ces groupes discriminés adoptent de nouvelles habitudes, ils multiplient les pèlerinages en Israël. Aujourd'hui 585 millions d'évangélistes existent dans le monde chrétien.
Pour en savoir plus :
■Mensch (German for human being) is a Yiddish word for a person of integrity and honor.
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