Suites à donner au rapport d’étape du GT Autonomie

Lettre ouverte publié le 18/11/23 14:49 dans Politique par Aziliz Gouez pour Aziliz Gouez

Monsieur le Président,

Le 12 octobre 2023, vous avez souhaité organiser un débat en session sur le rapport d’étape que le groupe de travail Autonomie, présidé par M. Michaël Quernez, vous avait remis en juillet. Nous vous remercions de cette initiative qui a contribué à éclairer le public sur la démarche transpartisane qui s’est engagée il y a plus d’un an au sein de notre assemblée en faveur de l’indispensable renforcement des capacités à conduire des politiques publiques en Bretagne au service des Bretonnes et des Bretons.

Le rapport d’étape du GT transpartisan contient, dans son introduction générale, le paragraphe suivant :

« S’agissant de réflexions intéressant toute la Bretagne, l’ensemble des acteurs publics et plus largement l’ensemble de la population bretonne, convaincu que des propositions portées par le seul Conseil régional pour la seule Région n’auraient pas de sens, le groupe a très tôt souligné la nécessité de partager ses travaux avec les autres niveaux de collectivités, puis avec la société civile et enfin avec le grand public. Ce partage est à l’agenda des mois à venir. »

Cette réflexion a été complétée dans le préambule qui est venu s’ajouter au rapport d’étape à l’occasion de sa communication à l’assemblée :

« Les propositions qui sont ici faites sur le plan des principes appelleront, presque toutes, des approfondissements techniques et un dialogue élargi pour se concrétiser.

Elles n’ont pas encore pu, dans le calendrier contraint, être mises en discussion au-delà du groupe de travail, en particulier avec les autres niveaux de collectivités locales, les acteurs de la société civile, notamment ceux que représente le CESER, et au-delà, avec l’ensemble de nos concitoyens sans l’adhésion desquels rien ne sera possible.

Cet élargissement du travail et de la réflexion dresse ainsi le cadre des suites qui pourraient être données à ces propositions. Par ailleurs, elles connaîtront des développements en fonction des réponses

données par le Gouvernement et de la traduction réelle des diverses prises de parole de Monsieur le Président de la République qui a récemment annoncé vouloir rouvrir l’agenda de la décentralisation. »

Maintenant, il s’agit donc de concrétiser les suites à donner au rapport d’étape du GT transpartisan sur l’autonomie.

Nous ne croyons pas qu’il faille attendre une hypothétique réponse formelle de la part du Président de la République ou de la Première ministre au rapport d’étape du Conseil régional pour engager le nécessaire travail d’élargissement du débat public en Bretagne. La raison en est simple. Dans l’hypothèse où M. Macron confirmerait les intentions affichées dans le discours tenu devant les membres de l’assemblée de la Collectivité de Corse le 28 septembre, le chef de l’État a fait savoir que le volet décentralisation du projet de révision de la Constitution serait finalisé avant le printemps prochain. C’est donc dans le laps de temps relativement court qui nous sépare de cette échéance qu’il convient de peser auprès de l’exécutif à Paris afin que le projet de révision de la Constitution à venir, s’il devait répondre explicitement à la demande corse, ne ferme pas pour autant la porte à la possibilité pour la Bretagne d’accéder à une forme de pouvoir normatif dans l’exercice de ses compétences présentes ou futures. Et pour peser, nous pensons qu’il convient de maintenir et d’amplifier la stratégie de rassemblement transpartisan qui a permis au GT du Conseil régional de produire son rapport d’étape.

Comme vous le savez, la question du modèle d’autonomie à promouvoir en Bretagne a rapidement fait consensus au sein du groupe de travail : l’autonomie doit servir un modèle de gouvernance qui sera non pas la transposition du modèle jacobin à une échelle régionale mais au contraire une Bretagne vraiment décentralisée. D’ailleurs, les graves dommages causés aux biens publics et privés par l’ouragan Ciarán sont venus confirmer, s’il en était encore besoin, qu’une autonomie bien pensée en Bretagne devra renforcer la capacité à conduire des politiques publiques efficaces et efficientes à toutes les échelles de notre territoire péninsulaire, au plus près des réalités et des besoins. C’est un enjeu de cohésion territoriale, donc de cohésion sociale. Et ce faisant, c’est un enjeu majeur pour la survie de la démocratie face à l’attraction que les fausses solutions démagogiques des extrêmes exercent auprès d’un nombre croissant de nos compatriotes, par perte de sens ou par dépit.

S’agissant d’une autonomie qui soit pensée pour une Bretagne vraiment décentralisée, l’actualité politique nationale apporte de l’eau à notre moulin breton, si l’on peut dire, au travers des discussions qui ont débuté il y a quelques semaines entre le Gouvernement et les associations nationales de collectivités autour d’un projet de loi sur le logement qui pourrait aboutir au printemps 2024. Si nos informations sont bonnes, il s’agirait de remplir la coquille vide que sont pour le moment les Autorités organisatrices de l’habitat (AOH), avec les orientations suivantes :

- élargir le périmètre des collectivités concernées pour qu’il coïncide davantage avec les bassins de vie,

- ajouter des compétences : encadrement des loyers, modification du zonage zone tendue (via le Comité régional de l’habitat et de l’hébergement), introduire la taxe additionnelle sur les résidences secondaires et en fixer le taux librement, fixer la fiscalité et le nombre de nuitées autorisées pour les meublés touristiques,

- et pour les territoires qui ne seraient pas couverts par une AOH, renvoyer la compétence aux conseils départementaux.

Sur un sujet aussi fondamental que l’accès au logement, identifié comme prioritaire par le GT autonomie et pour lequel 90 % des 40 milliards de dépenses publiques annuelles en France sont actuellement entre les mains de l’État, n’y a-t-il pas matière à faire entendre une voix bretonne, aussi coordonnée que possible, afin que le projet de loi à venir renforce réellement la capacité à décider en Bretagne ?

Ainsi donc, pour donner au rapport d’étape du GT transpartisan sur l’autonomie les suites que celui-ci annonçait, nous vous soumettons les propositions suivantes :

► réunir le GT autonomie dans les meilleurs délais pour qu’il travaille aux nouvelles démarches à engager pour « partager ses travaux ». Nous pensons que le GT transpartisan du Conseil régional est une instance particulièrement indiquée pour réfléchir d’une part à la façon de sensibiliser les parlementaires bretons (députés, sénateurs, députés européens), et d’autre part aux moyens à mobiliser pour élargir le débat à l’ensemble des Bretonnes et des Bretons ;

► inscrire la question de l’autonomie d’une Bretagne réunifiée et décentralisée à l’agenda des travaux de la Conférence territoriale de l’action publique (CTAP). Ici, l’initiative vous revient.

Le Conseil régional ayant souhaité lier la question de l’autonomie et celle de la réunification, il nous paraîtrait judicieux d’inviter, à cette occasion, le Conseil départemental de Loire-Atlantique, la métropole de Nantes et les autres EPCI du département. D’ailleurs, la production annoncée de l’étude d’impact sur la réunification que la Région Bretagne et le Conseil départemental de Loire-Atlantique ont confiée au cabinet PwC, via l’Union des groupements d’achats publics, fournit une occasion complémentaire d’ouvrir les travaux de la CTAP aux collectivités de Loire-Atlantique ;

► proposer au CESER de travailler à l’élaboration d’une méthodologie pour recueillir les attentes des Bretonnes et des Bretons en matière d’amélioration et de décentralisation de la décision et de l’action publiques. Pour ce faire, le CESER pourrait s’appuyer, avec l’aide du Conseil régional, sur un certain nombre de chercheurs et de conseils en sciences sociales, dont la Bretagne n’est pas dépourvue. Ici aussi, l’initiative vous revient.

Le rapport d’étape du GT transpartisan sur l’autonomie a permis de dégager un large consensus autour du diagnostic d’un dangereux essoufflement démocratique en France et de la nécessité d’y remédier par une action publique à la fois plus efficace et plus efficiente, qui sera possible grâce à une décentralisation aboutie. Il s’agit maintenant de concrétiser et, à cet égard, le Conseil régional porte la responsabilité d’entraîner dans un même élan le plus grand nombre de collectivités et de forces démocratiques et sociales. C’est tout le sens des propositions que nous vous faisons.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l'expression de nos sincères salutations.


Vos commentaires :
Jean-Louis Pressensé
Dimanche 22 décembre 2024
« - ajouter des compétences : encadrement des loyers, modification du zonage zone tendue (via le Comité régional de l’habitat et de l’hébergement), introduire la taxe additionnelle sur les résidences secondaires et en fixer le taux librement, fixer la fiscalité et le nombre de nuitées autorisées pour les meublés touristiques,» : alourdir encore et toujours la fiscalité, ça c'est une sacrée avancée !
Ce «point d'étape» n'augure rien de bon, c'est encore et toujours tendre la main pour remplir la sébile ou, sinon, encadrer, encadrer, au nom de la démocratie bien sûr. Il n'y a que des élus à penser ainsi.
Est-ce qu'un vrai débat public aboutirait à ses résultats ? Je reste dubitatif.
Quant à «élargir le périmètre des collectivités concernées pour qu’il coïncide davantage avec les bassins de vie», cela revient à reconnaître, sans le dire, la consistance des 20-21-22-23 «Pays» qui devraient être la pierre de touche de la démocratie locale

Alain E. VALLÉE
Dimanche 22 décembre 2024
L'autonomie est d'abord un principe, puis un catalogue et des moyens.
Outre la conscience des Bretons à être autonomes, le principe pour devenir constitutionnel nécessite une forte implication de l'État, tant apparent que profond, afin d'obtenir une modification de la constitution.
Ensuite, la Bretagne étant réunifiée, il convient d'expliciter l'autonomie et de la définir, de manière impérative et exclusive pour des domaines de compétences ne relevant sans quelconque tutelle, que des élus Bretons eux-mêmes. S'inspirer des bonnes pratiques en oeuvre dans les démocraties parlementaires voisines, s'impose.
Enfin, outre l'absolue interdiction des co-financements, les moyens devant rester soumis aux grands principes constitutionnels, sont de nature législative et réglementaire. L'autonomie doit signifier que l'entité autonome produit des lois et règlements à la place de l'État. Sinon, elle serait dénaturée. La démarche serait foutue et ce ne serait pas la peine !
Dans l'état de l'État de la France qui s'observe depuis deux siècles, l'autonomie impose à tous une révolution mentale.
AV

Anne Merrien
Dimanche 22 décembre 2024
Si le CD 44 est compétent pour demander l'avis d'un cabinet de conseil au sujet de la Réunification, alors ce même CD 44 est compétent pour demander l'avis de son électorat au sujet de la Réunification.

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