L’autonomie, pourquoi, comment ?

Communiqué de presse publié le 7/06/23 15:43 dans Politique par Yves Lebahy pour Bretagne Majeure
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Le 22 mai 2023, des représentants de Bretagne Majeure (1), dont moi-même , étions reçus pour une audition par la Commission chargée de réfléchir à la question relative à l’autonomie de la Bretagne. Cette entrevue, programmée depuis le mois de décembre 2022 était demandée de notre part avec insistance et attendue avec intérêt (voir courriers échangés avec le Pdt et le vice Pdt de Région). Une partie des échanges a été reprise par la presse sous la forme d’une tribune rédigée par Yvon Ollivier relative à la question constitutionnelle (2) . Pour ma part, je reviens par ce texte à la nature des propos que j’ai tenus, justifiant à nos yeux la nécessité d’une réelle autonomie pour la Bretagne.

Le 8 avril 2022, l’Assemblée régionale de Bretagne votait à une large majorité un vœu exprimant le besoin réel d’autonomie fiscale et législative pour la Région. Ce vœu, auprès de nos milieux militants et de nombreux citoyens, soulevait un immense espoir tant nombre de situations semblent, à l’heure actuelle, totalement bloquées et grèvent largement l’avenir de notre société. Le colloque du 19 novembre 2022 à Carhaix, mené conjointement par notre collectif Bretagne Majeure et l’autre Bretagne Autonome, explorait sous différentes facettes cette question de l’autonomie.

Pourquoi ce besoin d’autonomie en Bretagne ?

Déjà dans notre manifeste de mai 2020, nombre de questionnements sur l’état et l’avenir de la Bretagne interpellaient les représentants régionaux sur ce sujet. Car cette autonomie revendiquée apparaît comme une nécessité évidente et cela sur deux registres de temporalités.

Dès maintenant tout d’abord de nombreuses questions de la vie quotidienne et des engagements politiques régionaux posant problème, toutes questions soulignées dans le manifeste et restées jusqu‘à cette date sans réponse. Cela concerne la Réunification de la Bretagne, la question de l’enseignement de ses langues et cultures, du logement, des politiques énergétiques, celles d’aménagement, de transports, d’organisation territoriale. En tous ces domaines, l’impossibilité pour la Région de définir des politiques, de mener des actions originales et adaptées aux spécificités de notre territoire régional, à l’originalité de sa société, se heurtent à une vision centralisée, autoritaire et unitaire de l’Etat et de ses services. Tout cela au nom de l’unité du peuple français et de sa prétendue égalité citoyenne. Soumise à des choix et intérêts venus d’ailleurs, notre société s’étiole, meurt à petit feu, et bientôt disparaitront sa spécificité, son originalité. Vaste question pour une Nation de plus de 1500 ans d’existence, un peuple reconnu partout en Europe et dans le Monde. L’uniformisation sous les lois conjointes du marché et d’un Etat centralisateur serait-elle inéluctable ?

Mais ce besoin vital d’autonomie se trouve plus profondément posé dans le contexte amorcé et futur d’adaptation de notre société bretonne à la crise climatique tant dans ses effets directs (environnementaux) qu’indirects (problèmes migratoires et sociaux et politiques). Cette crise climatique constitue un horizon obligé de l’action publique et individuelle. Elle est exceptionnelle par son ampleur et sa rapidité ; elle suppose une mutation sociétale d’une ampleur inégalée dans l’histoire de l’Humanité, une véritable révolution avec des horizons à moyens (2050) et longs termes (cad au-delà de 2100), finalement très proches. Si la société bretonne ne réagit pas dès maintenant, ne s’adapte pas aux nouvelles contraintes, elle sera balayée de la planète dans les quelques décennies à venir. Réagir en tant que société face à ce défi nécessite de remettre en cause l’unique lecture économiste qui guide actuellement tous les domaines de notre société occidentale. Y répondre impose une réponse globale, holistique, prenant en compte la complexité des faits environnementaux, sociaux et économiques. Suppose aussi de la part de la population et de ses représentants une humilité et une responsabilité retrouvées pour faire face aux nombreux défis à résoudre. On aborde là le domaine de « la gestion intégrée » telle que définie lors de la conférence de Rio de 1992, laquelle doit conduire à la préservation prioritaire de nos milieux de vie, à l’autonomie maximale de décision des populations à l’égard de leur territoire de vie, à cette relation intime de « l’Homme-habitant » avec son milieu.

Se trouvent là posées, et dès maintenant, les questions essentielles et vitales telles que : la question de la ressource en eau (accès et qualité), de l’énergie, de l’alimentation, dans leurs formes les plus autocentrées et résilientes. Mais aussi des questions plus complexes de migrations /intégration car la Bretagne, territoire préservé par rapport à d’autres, et qui devra faire face aux immenses mouvements de populations que cette crise va générer. D’autres questions telles que l’éducation des jeunes générations à la spécificité de leur société ou de celles accueillies (histoire, cultures, enjeux), l’organisation du territoire, la mobilité des hommes et marchandises, l’autonomie énergétique laquelle devra être la plus endogène possible, etc… Les défis sont multiples. Survivre en tant que société particulière suppose de répondre à chacun, de construire peu à peu un véritable projet de société, d’élaborer « un nouveau contrat social » (3).

L’autonomie comment ?

Qu’impliquent ce projet de société, ce nouveau contrat social ? On l’a dit, tout d’abord une approche globale des problèmes. Ensuite une vision à long terme à laquelle le monde politique actuel est peu habitué. Mais aussi une spatialité limitée de l’action pour mieux intégrer la complexité à gérer : l’échelon local semble le plus approprié ; celui de la Région n’ayant au mieux qu’un rôle d’impulsion de l’action et de chef d’orchestre pour orienter les politiques à mener. Cela suppose donc une réelle démarche participative qui responsabilise les populations, premières concernées par les mutations en cours, dans les choix à opérer et doit tenir compte de leur avis ce qui suppose des instances et démarches participatives au niveau des entités de Pays et de la Région. C’est en cela et pour cela que nous, Bretagne Majeure, militons pour l’autonomie, qu’elle soit locale et régionale.

Si le citoyen redevient le premier acteur concerné, retrouvant ce rôle qui lui manque actuellement, ce projet de société nouveau implique aussi des actions relevant du domaine politique et des systèmes de représentation d’une vie réellement démocratique.

D’abord en dotant de compétences législatives et normatives la Région, seule apte à prendre en compte les enjeux locaux et y apporter des solutions. Exemple : alors que la question de l’eau est et sera une question cruciale, comment l’Agence de bassin basée sur la Loire peut-elle comprendre les spécificités de notre milieu péninsulaire et sa spécificité hydrologique tant continentale que maritime ? Comment le district des Eaux et Forêts dont dépend la Bretagne, basé à Orléans, peut-il saisir le sens du talus arboré et de la forêt linéaire qu’il porte, spécificités atlantiques d’aménagement des espaces ruraux. Deux questions vitales pour limiter l’impact de la raréfaction des précipitations ! On peut multiplier les exemples de cette nécessité de gestion au plus près des lieux où se trouvent posés les problèmes. Notre société y gagnerait en souplesse et rapidité de décision, en indépendance des choix marqués par l’originalité de ses milieux (terre/mer et leurs interactions) .

Mais doter la région d’une autonomie implique nécessairement de la doter des moyens financiers afférents. Quand on sait que les prélèvements fiscaux en Bretagne tournent actuellement autour de 67 Milliards d’€ (4), que le budget annuel de la Région ne dépasse pas le 1,7 milliard… il y a un problème. Mener des politiques, impulser des choix, imposent de doter la Région de moyens financiers à la hauteur de ses besoins, en dehors des domaines régaliens propres à l’Etat. Vaste et épineux sujet !

Se trouvent donc posées les questions législatives soulevées par Yvon Ollivier lors de l’audition et dans sa tribune : le fait que la Bretagne puisse accéder à un pouvoir normatif, le fait que la Bretagne obtienne des moyens financiers à la hauteur des compétences qu’elle doit obtenir. Vaste combat à mener auprès de l’Etat central, de nos représentants mais aussi des populations concernées.

Yves Lebahy

(1) Représentaient Bretagne Majeure : Jean Claude Le Ruyet, Yvon Ollivier, Agnès Le Nan, et Yves Lebahy.

(2) Ollivier Yvon journal Le Télégramme du 26/ 05/2023, Tribune : « Vœu voté au mois d’avril 2022 de faveur de l’autonomie législative et fiscale de la Bretagne.

(3) LEBAHY Yves, Défis pour la Bretagne. Un nécessaire « nouveau contrat social », éditions Skol Vreizh, 2ème trimestre 2000.

(4) Etude menée par un groupe d’étude de Bretagne Majeure conduite par Gwenaël Hervé


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Vendredi 17 mai 2024
Pour réduire sa Dette à un niveau comparable à celui de ses voisins (l'Irlande est la Croatie sont en excédent), l'État français, malgré ses discours devenus BlaBla, ne peut compter ni sur les facilités et largesses de l'UE, ni sur la croissance. Certes, l'inflation («l'euthanasie des rentiers» selon Keynes) lui est très profitable mais la BCE nous en protège et doit lutter contre. En tant qu'héritière de la Buba, elle sera prochainement capable d'augmenter le pouvoir d'achat dans l'EuroLand en obtenant sur une période assez longue, une baisse généralisée des prix de marché. Sans que de pseudo économistes y crient à la déflation et à la fin du monde. Ceci fut réalisé avec succès en Allemagne quelques années avant la création de l'€.
(De manière incidente, on se souvient que contre la fusion des PDL et de la Bretagne souhaité et «demandé» par certains maires de grandes villes bretonnes en 2014 - «OF» 26 V 2014 -, l'important différentiel de Dette entre les deux régions fut un contre-argument décisif. Les Bretons n'avaient évidemment pas à participer au remboursement de la beaucoup plus importante Dette/hab des PDL.)
L'État pourrait facilement obtenir une diminution de son énorme Dette par affectation aux régions désormais (le plus tôt possible), enfin, dotées de compétences explicites, impératives et exclusives, de sa part dans les co-financements par ailleurs et jusqu'ici, trop souvent imposés depuis les préfectures sinon Paris. En effet, l'autonomie des régions devra s'accompagner par le refinancement financier et fiscal même rétrospectif de leurs investissements. Evidemment, pour la part de la Dette de l'État ayant servi à payer une partie du fonctionnement, ce raisonnement serait impossible. Selon les grands principes, l'on finance un investissement par un capital (généralement une dette) de même durée. Ainsi, via les salaires, les aides sociales ou les pensions retraites, l'on ne doit jamais financer des consommations courantes (yaourts, ...) avec des emprunts sur dix ou quinze ans ! Mais les ponts, garages et tunnels, se financent évidemment par la Dette.
Pour rétablir les grands équilibres dans l'UE, l'État devenu impotent car drogué à l'emprunt, pourrait d'ailleurs être contraint à s'imposer une vitale cure d'amaigrissement. Il vaut mieux que cette injonction vienne de la BCE plutôt que du FMI ...!
AV
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