Pour l’autonomie d’une Bretagne réunifiée : la mobilisation citoyenne et l’action politique

Tribune publié le 15/11/22 8:43 dans Politique par Christian Guyonvarc'h pour Christian Guyonvarc\'h
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Christian Guyonvarc'h

Le 8 avril 2022, 75 des 83 membres du Conseil de la Région Bretagne ont voté un vœu en faveur de l’obtention d’une autonomie législative, réglementaire et fiscale pour une Bretagne réunifiée. Seule la représentation du RN a voté contre. Les auteurs du texte initial, à savoir les 6 élu-e-s du groupe d’opposition Breizh a-gleiz, autonomie, écologie, territoires, ont été les premiers surpris par l’ampleur de ce vote favorable. Bien entendu, le contexte du moment a joué, à savoir le premier tour d’une élection présidentielle deux jours plus tard et des élections législatives dans la foulée. Pour autant, que les représentant-e-s de partis politiques hexagonaux au Conseil de la Région Bretagne, aussi différents que les Républicains ou le Parti communiste français, aient pu considérer qu’il était préférable, dans le contexte électoral en question, de voter en faveur d’un tel vœu plutôt que voter contre ou s’abstenir, il faut déjà y voir un événement politique en soi.

Depuis le mois de juin, un groupe de travail transpartisan réunit tous les groupes politiques du Conseil régional qui ont voté le vœu du 8 avril. Loïg Chesnais-Girard en a confié la présidence à Michaël Quernez, premier vice-président. La mission de ce groupe de travail est de produire des propositions d’actions et de prendre lui-même des initiatives pour traduire en actes le vœu du 8 avril. Ce groupe de travail s’est réuni trois fois. Ces premières réunions ont été l’occasion de définir une « feuille de route », d’auditionner quelques experts et de confronter les approches respectives des groupes politiques quant au concept d’autonomie.

Cette étape qu’on peut dire d’acculturation de groupes politiques aussi divers au principe d’autonomie d’un peuple ou d’une région, étape propre à l’institution régionale, était, selon moi, incontournable. Car si le vœu du 8 avril est le bien commun de tous les membres du Conseil de la Région Bretagne qui l’ont voté, si les 75 élu-e-s en question en sont les dépositaires, si ce texte les engage aussi bien à titre individuel que collectivement, pour autant le co-rédacteur du vœu du 8 avril que je suis n’a pas perdu toute sa lucidité. Le Conseil de la Région Bretagne ne compte pas subitement 75 élu-e-s autonomistes. Cela se saurait...

Alors, comment expliquer le vote du 8 avril ? Au-delà du contexte électoral que j’ai rappelé en introduction, les 75 élu-e-s en question ont compris que le « modèle » régional existant est arrivé en bout de course. Car la Région Bretagne n’a quasiment plus aucune autonomie fiscale – le pouvoir central l’ayant rognée au fil des années depuis le quinquennat Sarkozy – et les dotations d’État qui sont supposées la remplacer sont gelées tandis que les dépenses obligatoires de la Région, elles, connaissent en 2022, sous l’effet de l’inflation, une augmentation non prévue de l’ordre de 4 % (50 millions d’euros). Le vice-président aux finances ne cache pas qu’il ne sait pas comment la Région Bretagne pourra assumer ses compétences en 2023. Quant au budget 2024, c’est carrément voyage en terre inconnue… Et cette réalité-là est partagée par toutes les régions en France. Il faut savoir que les collectivités territoriales, contrairement à l’État, n’ont pas le droit de voter un budget en déficit, ni le droit d’emprunter pour financer des dépenses de fonctionnement, par exemple le fonctionnement courant des lycées ou le service des transports (TER, transport scolaire, desserte des îles…). Donc, si le «modèle » régional à la française n’est pas profondément révisé dans un futur proche, l’état de cessation de paiement viendra vite.

Face à cette situation que le pouvoir central a imposée aux régions, il n’existe que deux portes de sortie :

- soit une abolition pure et simple des Conseils régionaux (certains en rêvent toujours à Paris…) et une régression d’un demi-siècle,

- soit une refonte de la régionalisation pour rapprocher la France de ce qui existe depuis plusieurs décennies déjà dans les autres États européens de grande taille, à savoir des recettes fiscales ou financières sécurisées et la capacité d’intervenir sur le cadre juridique d’exercice des compétences reçues par la loi.

Je crois pouvoir affirmer, sans craindre d’être contredit, que les 75 membres du Conseil de la Région Bretagne qui ont voté le vœu du 8 avril sont toutes et tous des partisans de la seconde porte de sortie. De là à s’entendre sur le contenu d’une autonomie pour la Bretagne, il y a plus qu’un pas... Or, l’exercice de confrontation des approches de l’autonomie, dans l’optique de trouver un socle de convergences, est indispensable avant de vouloir entrer en négociation avec le pouvoir central. Sinon, c’est peine perdue. C’est ce que Gilles Simeoni, le président de l’exécutif de la Collectivité de Corse, a bien compris, lui qui, pourtant fort d’une majorité absolue des sièges, a choisi d’embarquer dans la négociation qui s’est ouverte avec le gouvernement français depuis juillet tous les groupes politiques de l’assemblée corse, mais aussi tous les parlementaires corses, les maires des deux villes principales que sont Ajaccio et Bastia et des représentants des communes plus petites. Ce premier résultat, Gilles Simeoni ne l’a pas obtenu d’un coup de baguette magique. C’est le résultat d’un processus d’affirmation politique de la Corse qui s’est construit sur plusieurs décennies. En Bretagne, nous devons suivre la même méthode… mais en accéléré !

C’est là un exercice complexe et délicat qui relève bien davantage de la broderie glazig que de l’entrée tonitruante d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Pour une Bretagne réunifiée et autonome : deux conditions à réunir

Pour que la Bretagne obtienne sa réunification et des avancée significatives vers son autonomie réelle, c’est-à-dire la faculté de dire le droit dans les domaines de compétence qui lui ont été ou qui lui seront transférés, il va falloir réunir deux conditions, indissociables l’une de l’autre :

1) construire un mouvement populaire en faveur de cette autonomie, un mouvement qui soit organisé par la société civile elle-même,

2) obtenir le soutien réel d’une majorité d’élu-e-s, non seulement au Conseil de la Région Bretagne mais aussi dans les autres collectivités bretonnes et parmi la représentation bretonne à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Que la société civile bretonne prenne des initiatives publiques pour faire valoir la revendication d’une Bretagne réunifiée et autonome, qu’elle prenne ces initiatives à l’instigation notamment d’associations citoyennes ou culturelles, c’est non seulement légitime, mais c’est indispensable. C’est indispensable pour peser d’un poids suffisant face au pouvoir central et face à tous les tenants du jacobinisme qu’on sait à la fois puissants et très jaloux des privilèges que le système en place leur garantit.

Voilà pour la première condition

Quant aux 75 membres du Conseil de la Région Bretagne qui ont voté le vœu du 8 avril, elles et ils ont une responsabilité partagée, celle de défendre les objectifs de ce texte et de le porter auprès des Bretonnes et des Bretons comme auprès du pouvoir central et des autres parties prenantes du dossier (conseils départementaux, communes...) d’une façon solidaire et coordonnée. Oui, d’une façon solidaire et coordonnée. Toute démarche politicienne qui consisterait à tirer la couverture à soi ne pourrait qu’affaiblir cet indispensable « front démocratique breton » car elle braquerait inévitablement les autres sensibilités politiques représentées au Conseil régional. Jouer collectif, ce n’est pas courant dans la vie politique, et pourtant c’est la règle de conduite à tenir si l’on veut parvenir à un résultat positif pour la Bretagne et le peuple breton.

Voilà pour la seconde condition

Le temps viendra où les deux démarches, celle de la société civile et celle des élu-e-s, devront converger pour que la revendication bretonne puisse avancer sur ses deux jambes. Et le plus tôt sera le mieux. En cela, l’exécutif du Conseil de la Région Bretagne a une responsabilité majeure. Mais hâter la rencontre ne servira à rien et sera même contre-productif si cela doit se faire au détriment du rassemblement le plus large des élu-e-s de Bretagne autour d’un projet commun à négocier avec le pouvoir central.

Christian Guyonvarc’h

membre du Conseil de la Région Bretagne,

membre du groupe de travail transpartisan sur l’autonomie d’une Bretagne réunifiée


Vos commentaires :
Jacques derouet
Vendredi 22 novembre 2024
Voilà une réponse claire. Le tract mentionnant des noms d'élus sans leurs consentements est une erreur grave, car il était préférable d'attendre leurs réponses avant de crier aux loups... ce tract a donné le droit à certains élus de s'affranchir sans se contredire et plus grave encore a fait un croche-patte aux élu-e-s de Breizh a-Gleiz !
Nag un druez !

AFB-EKB
Vendredi 22 novembre 2024
D'accord pour ce double mouvement mais il faudrait au préalable lever 2 obstacles:
1-que le Prêsident Chesnay Girard n'affirme plus vouloir plus d'autonomie pour la Bretagne à (et nous reprenons là sa déclaration à Lorient lors de l'ouverture du Fil) «Constitution constante» , c'est à dire sans changer quoi quece soit à la Constitution de la Vème République.
2-Bretagne Majeure , en dépis de ses «couacs» et maladresses de communication pourrait représenter ce pan de la société civile , quitte à devoir s'étoffer avec la venue de syndicats et autres organismes représentatifs,le second pan d'une vonlonté commune face au pouvoir central.
La crise que traverse actuellement l'Etat-nation français fournit l'opportunité de se mettre en place une gouvernance fédérale souple .C'est ces concepts qu'ilfaut dé dèvelopper.

Tiern e peb Amzer


jakez Lhéritier de Sant Nazer
Vendredi 22 novembre 2024
«Soyons nous même»

Avec une stratégie bretonne autonome ,en arrétant d'aller avec ceux qui ont besoin de nous aux élections et qui nous trahissent.
Et les postes de strapontins ne suffisent plus

Construisons nos structures sur la Bretagne à 5 et pas seulement sur la Bretagne amputée B4 .
L'Union Bretonne est indispensable sans compromissions.


Rafig e 44
Vendredi 22 novembre 2024
Enfin la Réunification est placée comme un préalable indispensable à l'obtention ou la récupération de notre autonomie !

Les 2 vont de paire et il faut le rappeler aux élus de B4 qui pense l'autonomie comme une augmentation de leur budget régional B4 et non comme un chance de mieux diriger la Bretagne (complète 5 départements)

Faut aussi le rappeler aux habitants de la B4 qui sont maintenus dans la désinformation et qui ne savent pas que la Loire-Atlantique et Nantes sont bretonnes et qu'elles manquent à la reconstruction de la Bretagne.

Qua se dossier aboutisse vite !


Burban xavier
Vendredi 22 novembre 2024
Je me méfie des commissions créées par des instances politiques ou partis politiques nationaux , le PS et les Républicains Lr) nous ont douché plus d'une fois .

Exemple la Commission mixte B4 Loire-Atlantique qui s'est réunie combien de fois sur le sujet de : « la réunification de la Bretagne» et pour quels résultats concrets ? Même le CRT a donné une image plus que brouillée de la Bretagne dans ses actions pour le tourisme ... Cartes tronquées , documents biaisés ect ...

Patrick Maréchal nous a dit « on créée une commission pour mieux enterrer le problème en politique » . 2014 la réforme régionale voulue par le président Hollande a écarté le sujet et résultat statu quo .

La demande démocratique fut forte , 3 manifestations organisées par Bretagne réunie avaient mis dans les rues de Nantes / Naoned entre 10 000 et 35 000 personnes demandant pacifiquement «la réunification de la Bretagne » sur le plan administratif , nous sommes alors loin de l'autonomie en 2013 ...

La société bretonne est -elle prête à opter pour l'autonomie ? Au sens le plus large la population est éloignée du sujet , elle a d'autres préoccupations ... Quelle confiance peut-elle accordée aux élu(e)s sur ce sujet pour mener ce projet ambitieux ?

Quant aux finances régionales , elles sont faibles en 2022 moindre que celles des départements parfois (des plus peuplés) ou des métropoles souvent hélas . C'est la réalité !

Les domaines d'actions attribués aux régions sont réduits actuellement .

Renaissance est un parti jacobin comme les autres partis nationaux (parisiens ) .

Le finances de L'Etat sont au plus mal , pour 2023/ 270 milliards d'euro seront empruntés pour faire face aux dépenses augmentant une dette colossale, chacun d'entre-nous doit 45 000 euro environ en 2023 dès sa naissance ...

Souvenons -nous que la France a fait défaut plusieurs fois dans son histoire 1815 , 1923 , 1945 ...

Le problème actuelle de la Bretagne c'est qu'elle est assujettie à ce régime centralisé qui ne lâchera rien ...

Nous pouvons espérer c'est certain , il faudra des décennies pour y parvenir , il faut être patient le Breton(ne)s prendront-ils leurs affaires en mains en allant à l'essentiel ? J'en sais rien .


BURBAN XAVIER
Vendredi 22 novembre 2024
Pour ce qui concerne la décentralisation , elle fut proposée au(x )peuple(s) français en 1969 par le biais d'un référendum organisé par le président de Gaulle ?

Les français ont répondu «non» et il ne s'agissait que de la décentralisation . Mais les partis de Gauche participèrent à l'échec du résultat sur le fond qui aurait pu conduire à une amorce vers l'autonomie , mais d'autres considérations jouaient comme une éventuelle prise du pouvoir dans les urnes après coup par celle-ci .

Les français ont répondu hors sujet car mal informés par la classe politique de l'époque car de Gaulle conditionnait cette réforme à son départ du jeu politique ...et une place était à prendre

Quant à la régionalisation , elle est un échec , nous sommes loin de la dévolution souhaitable . Rappelons -nous que ce sont les préfets qui gouvernent la France , la France est une préfecture en quelque sorte qui détient le pouvoir central au détriment des périphéries . Macron est un jacobin , ex disciple de Chevènement Jp (MRC) ce qui en dit long sur ses intentions à la fois ultra libérales et centralistes ...Macron a fait ses classes politiques au MRC à ses côtés et reçoit ce dernier à l'Elysée où il a son oreille semble-t-il ?

Le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen en dépit du «non » voté par le peuple souverain a marqué durablement la démocratie en France , depuis lors le peuple se détourne de la politique , la confiance est altérée , le pouvoir délégataire du vote des citoyens a été spolié en 2005 . La participation chute aux élections , aux régionales aussi d'ailleurs par exemple .

Quant à la Corse , elle a un statut gagné par des décennies de luttes depuis l'affaire d'Aléria en 1974 . Il y eut des épisodes aussi douloureux hélas .

Le citoyen français est suffisamment pressurisé par l'impôt , record mondial , si la région a l'autonomie fiscale fera -telle mieux que l'Etat central ? Créera -t-elle de nouveaux impôts pour ses besoins de financement ?

La vraie question est aussi la répartition des moyens actuels de l'Etat destinés aux régions et surtout des services publics offerts aux contribuables en zones rurales au regard de ce qui est donné aux métropoles superbement dotées de moyens de développement .

Il faut reconnaître que vivre en zone rurale c'est une difficulté , beaucoup ont le sentiment d'être des citoyens de seconde zone par le délaissement observé ... La vie y est dure au quotidien pour beaucoup ...

Bon, nous verrons si l'hémicycle breton sera se dépasser , espérons comme au temps du Celib mais l'époque a changé et les intérêts politiques également . Permettez moi un brin de doute sur cette volonté sincère d'aller vers l'autonomie des représentants régionaux du moins du plus grand nombre !

Biskenn eo !


Jiler
Vendredi 22 novembre 2024
Méfiez-vous Mr Guyonvarc'h, les bla-blas, l'enfumage, dont le PS est coutumier, ne mèneront à rien. Il nous faut du concret . Finis les faux semblants !
Le peuple breton vaut mieux que toutes ces turpitudes.
N'oubliez pas qu'il y a des milliers de militants qui attendent que ça avance.
Vous pouvez participer aux discussions, mais exigez qu'il y ait du concret, là, maintenant, tout de suite, un calendrier. Et il faut annoncer ce calendrier aux journaux, en disant quelles seront les actions concrètes pour y parvenir.
Les militants observent.

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