Il est évident que l’Histoire ne peut se limiter à l’événementiel. L’Histoire de la Bretagne c’est aussi l’histoire sociétale, l’histoire économique, culturelle, alimentaire, sanitaire et tant d’autres aspects de la vie quotidienne du peuple. C’est ce que Alain Croix définit comme l’histoire populaire. [[Bretagne Culture et Diversité]] a lancé une série de Podcasts diffusés par le quotidien Ouest-France intitulée l’Abécédaire. Dans le premier numéro, Erwan Le Gall et Arnaud Wassmer invitent l’historien Alain Croix et abordent la lettre « P » comme « populaire ». L’interview embraye sur le livre d’Alain Croix Histoire populaire de Bretagne publié en 2019.
Si on apprend des faits nouveaux, on sursaute à la minute 24. Alain Croix pense, bien qu’admettant ne pas pouvoir le prouver, que les saints bretons ont été inventés par les Bretons. Il sous-entend que ces saints n’ont jamais existé sauf dans l’imagination populaire. S'il ne peut pas le prouver, on aurait préféré qu’il s’abstienne. Dans tous les cas ces saints font justement partie de cette histoire populaire de Bretagne.
Selon Alain Croix, dans l’optique d’une histoire populaire, d’une histoire du peuple donc, 1532 n’est pas l’édit d’union du duché au royaume de France, mais une grande famine en Haute Bretagne. Il s’explique : « Aucun homme, aucune femme du peuple, n’a été au courant de l’édit d’union de 1532, ce n’est pas une date pour le peuple breton ». Alain Croix ne remet pas en cause l’existence d’un peuple breton, ce qu’il remet en cause c’est la conscience des Bretons d’appartenir à un peuple distinct. « Y-a-t-il un sentiment commun d’appartenance ? », demande Arnaud Wassmer « ma réponse est non », déclare Alain Croix et ailleurs « oui il existe un sentiment d’appartenance, non il n’est pas général ». On progresse.
Dommage que la question de l’identité ne soit pas du tout abordée. Le mot n’est même pas prononcé durant ce débat qui dure une heure. Selon la définition acceptée « L'identité nationale est le sentiment qu'éprouve une personne à faire partie d'une nation. Ce sentiment est propre à chaque personne. ». Oui ce sentiment est personnel, comme tous les sentiments d’ailleurs, c’est même un choix comme l’a très bien expliqué Morvan Lebesque.
Il est certain qu’au Moyen-âge cette identité nationale était le plus souvent dominée par une identité religieuse « je suis chrétien » ou même sociale « je suis un noble » ou « je suis un « vilain ».
L’aspect fondamental de l’identité serait qu’elle est définie par l’autre. On dit « qu’un homme vivant seul sur une île n’aurait pas d’identité ». Il semblerait que ce sentiment d’appartenir à une identité distincte pour les Bretons ait été causé par l’arrivée d’une administration française en Bretagne. C’est cette invasion qui aurait créé une identité nationale bretonne.
L’ identité bretonne a été définie le plus souvent par les administrateurs français, les grands écrivains français, les évêques français, les militaires, les fonctionnaires français de l’Education nationale, etc etc. Quand un Français, le trouvère Cuvellier écrit La Chronique de Bertrand Duguesclin, probablement en 1380, il débute par «Ici commence le roman a Bertrand Duguesclin jadis connétable de France et né de la nation de Bretaigne». On est en 1380 alors que le duché est indépendant et le royaume de France reconnait une nation bretonne.
L’administration et la littérature françaises ont défini d’abord le plus souvent négativement cette identité bretonne. L’ identité bretonne va être intériorisée par les Bretons, puis revalorisée par réaction et fierté, puis finalement extériorisée pour devenir un sentiment national qu’il est impossible de nier aujourd’hui. Contrairement à ce qu’ont longtemps affirmé les historiens communistes, le sentiment national n’est pas né avec la Révolution française. Le sentiment d’appartenance à une nation même tribale a toujours existé et il se révèle le plus souvent lors d’une invasion comme de toute évidence en Irlande avec les invasions anglaises et à une échelle plus petite en Bretagne avec le rattachement au royaume, puis à la république.
■En quoi ses opinions politiques ou ses intuitions partisanes nous importent ?
La vie de l'époque étant rythmée par la noblesse, et l'impôt qui leur était dû, on a du mal à y croire. Là aussi, simple intuition d'un historien communiste ?
Il y a 50 ans nous étions arrêté par la police quand nous mettions un BZH sur notre voiture. J'ai défilé à Brest, rue de Siam, devant 3000 sonneurs qui ne sonnaient pas et en portant avec les copains un Gwenn ha du de 100 M2 fabriqué la nuit. précédente. Nous étions entouré par la gendarmerie...(J'ai les photos)
Aujourd'hui toutes les voitures ont le Gwenn ha du, Les match de foot ou de rugby sont plein de noirs et blancs et l'ont y chante le Bro Gozh et regardez bien les bâtiments municipaux un peu partout, non seulement ils portent notre drapeau mais depuis quelques années vous voyez que l' Gwenn ha du et l'Européen sont passé au centre et le triliou et celui de la ville sur les côtés... Sans compter le nombre de maisons qui en mettent le nôtre dans leur jardin !
Même s'ils font de la »
De qui ou de quoi parle Alain Croix ? De la France contemporaine, ballotée dans une méchante tempête, qui dure, dure…un peu diaphane, apparaissant en pointillé dans le mol édredon européen ? Ben, non, apparemment Alain Croix parle de la Bretagne ancienne…dont il est entiché - on ne le lui reprochera pas - . Mais est-ce suffisant ?
Les « Saints bretons » titillent donc notre auteur. Normal, d’une certaine façon, les saints on toujours surpris, bousculé, marqué leur époque et imprégné la mémoire collective des époques à venir. Les Saints et saintes sont notre passé, notre présent, notre avenir. Ils sont éternels. Ou plutôt, tout un chacun a vocation à l’éternité, les saints et saintes ont simplement un peu d’avance…Ils nous montrent comment dans un contexte spécifique, ils ont su vivre et se laisser happer dans une trajectoire, parfois houleuse, vers notre divin créateur à tous.
Certains furent de grands homme (Saint Pol de Léon au VI° siècle, pour rester dans notre sujet) d’autres plus modestes. S’il s’agit d’un saint Diboan – celui qui enlève les peines et douleurs (poan/poanioù, e brezhoneg)- il est évident qu’il s’agit d’une désignation générique.
bien évident qu’il s’agit d’une désignation générique. Où est le problème ?
Pensons à une sainte Véronique (vera ikôn/ vraie icône), qui s’avança vers Jésus, au mépris de la soldatesque, pour lui tendre un linge apaisant et très certainement lui offrir un regard de foi et compassion. Quand la mort rôde et que les hommes se débinent, les femmes alors savent se montrer courageuses. Qui ne l’a pas observé ? Véronique n’est pas attestée dans les Evangiles, mais la tradition (par exemple dans les chemins de Croix oubliés de nos églises) évoque cette attitude, pas forcément rare. Où est le problème ?
Il s’imagine quoi, Alain Croix ? Que les Saints furent des hommes parfaits ? Mais qu’il regarde celui que Jésus a choisi pour être le premier boss de l’Eglise qu’il a lui-même voulu : saint Pierre, patron-pêcheur de son métier, entrepreneur et meneur d’hommes par tempérament. On ne peut pas dire que nos Evangiles en fassent un portrait sans peur et sans reproche. Au moment fatidique, saint Pierre a failli.
Si l’on considère les deux exemples ci-dessus, de portée planétaire, pour quelle raison alors nos saints bretons, qui vécurent à la période où la Bretagne pointait sous l’Armorique, n’auraient-ils pas droit à la reconnaissance…Parce que nous ne connaitrions pas ou pas suffisamment leur Curriculum Vitae (bien que nous ayons dans certains cas des Vitae un peu approximatives et un peu tardives), il faudrait que notre ignorance serve d’alibi foireux pour dénier leur existence ? Curieuse conception.
J’ai entendu une fois le regretté Jean-Christophe Cassard (+2013) expliquer qu’il n’avait pas réussi à trouver de trace documentaire de notre saint Gwénolé. Soit, pour le papier donc qui n’a pas traversé les affres de l’histoire, et leurs ravages. Mais l’oralité a aussi ses règles fonctionnelles qui ne le cèdent en rien à celles de l’écrit. Nous l’ignorons parce que nous en sommes sortis. L’oralité est le socle de nos récits évangéliques (première et deuxième génération chrétiennes), et c’est pour nous une chance car elle est un gage de sécurité dans la mise-au-point scripturaire. Bien supérieure à l’écrit.
S’imagine-ton que l’on peut raconter n’importe quoi en régime d’oralité ? Non. La transmission ultérieure en revanche tire avantage de l’écrit, stable (à la recopie près, ce qui est un sujet technique).
Alors, vivent les saints bretons. Ils ne furent ni des héros de mangas ou de jeux vidéo. Connus ou obscurs, ils furent et restent des hommes - quand l’on parle de saints, il faut aussi comprendre des saintes naturellement. Il n’y a pas deux humanités mais une seule. Cela va mieux en le disant - Et si nous estimons ne pas les connaître assez, nous pouvons encore les fréquenter dans l’amitié de la prière, ce luxe délaissé et pourtant gratuit, ce temps de la Présence…
« Malo, Brieg, Tudwal, Paol,
Samsun, Patern, Kaourintin… » (diskan ur c’hantik a-vremañ)
Setu ar seizh sant a zo hon Breizh a-vremañ diazezet warne. Voilà les sept saints fondateurs que l’histoire a retenu - parfois au prix d’approximations, mais peu importe! - et puis il y a les autres…Tous nous disent que la sainteté n’est pas un privilège mais notre chemin, notre destination. Et, par souci de cohérence et de réalisme, arrêtons de penser que les saints (dans leur vie terrestre) furent des êtres parfaits. Dans l’au-delà, c’est autre chose.
Nota : Patern à Vannes ne fait pas partie de ceux qui, venus des Galles ou du Kerne-Veur, ont traversé la mer de Bretagne (qui entoure toute la péninsule, et englobe donc la Manche ou English Channel actuel), non plus que Kaourintin à Kemper, né sur le continent.
Biskenn eo !