INTERVENTION AU NOM DE KEVRE BREIZH (COORDINATION DES FÉDÉRATIONS DE CULTURE BRETONNE) DE CLAUDINE PERRON AU CESER DE BRETAGNE, TRANSMISE PAR CELUI-CI AU CONSEIL RÉGIONAL DE BRETAGNE :
Je voudrais faire le point à l’occasion de la rédaction du BP 2021 sur la nécessité pour la région Bretagne de redoubler les efforts pour le maintien et je dirais même plus la sauvegarde de la culture et plus particulièrement des langues de Bretagne pour les années à venir. Je voudrais rappeler, en plus du désir de la langue exprimé par les breton·ne·s lors de l’enquête sociolinguistique de 2018, deux déclarations qui appellent de la part de l’Europe et de la France un engagement soutenu alors que l’actualité nous porterait à une certaine déprime.
-Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle :
« Article 1 - IDENTITÉ DIVERSITÉ ET PLURALISME
La diversité culturelle, patrimoine commun de l’humanité.
La culture prend des formes diverses à travers le temps et l’espace. Cette diversité s’incarne dans l’originalité et la pluralité des identités qui caractérisent les groupes et les sociétés composant l’humanité. Source d’échanges, d’innovation et de créativité, la diversité culturelle est pour le genre humain, aussi nécessaire qu’est la biodiversité dans l’ordre du vivant. En ce sens, elle constitue le patrimoine commun de l’humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures. »
- Le président de la République Valérie Giscard d’Estaing, auquel des hommages sont rendus pour avoir répondu aux aspirations des femmes notamment (droit à l’IVG) et des jeunes (majorité à 18 ans), avait aussi pris en compte la diversité culturelle de la société française en proposant la négociation d’une Charte culturelle bretonne le 9 février 1977 à Ploërmel en ces termes :
« Vous les Bretons de tous âges du Pays Gallo et du Pays bretonnant, vous enrichissez par votre spécificité la vie nationale et vous devez être encouragés à le faire. »
Et pourtant aujourd’hui, le gouvernement, et plus particulièrement le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer effectue un grand retour en arrière en portant, par la réforme des lycées, un rude coup a l’enseignement du breton et plus encore du gallo, dont l’option est la seule forme d’enseignement dans nos lycées.
Les effectifs sont passés, pour l’option gallo, de 290 élèves en 2018 dans cinq lycées à 27 en 2020 dans deux lycées (Guer et Bain-de-Bretagne). Pour le breton aussi la situation est préoccupante dans les lycées où l’option langue régionale est dévalorisée au bac et mise en concurrence avec d’autres langues vivantes ou disciplines, tandis que les langues mortes de l’antiquité peuvent être choisies en plus des autres et sont dotées d’un coefficient incitatif. L’ensemble des mouvements de France pour les langues régionales demandent pour elles, en vain à ce jour, un statut au moins équivalent à celui des langues mortes de l’antiquité au baccalauréat.
D’autre part, la crise sanitaire a entraîné de fortes difficultés tant dans les filières bilingues paritaires publiques ou privées que dans les établissements DIWAN en immersion. Ces difficultés sont certes financières, particulièrement dans la filière DIWAN qui a vu annuler toutes les manifestations qui permettent de financer une bonne part du personnel non enseignant nécessaire au bon fonctionnement des écoles. Mais elles sont aussi dues, pour toutes les écoles, publiques, privées et associatives, à l’impossibilité d’organiser des portes ouvertes et autres actions pour tout simplement se faire connaître des nouveaux parents. Elles sont encore pédagogiques, tant une langue vivante est d’abord une pratique sociale, mais on se doit de souligner aussi les initiatives de nombre d’enseignants et de parents pour favoriser cette pratique à la maison.
Pour la culture, le spectacle vivant, la musique, la danse, cette crise a fortement impacté tous les artistes professionnels qui n’ont pas pu se produire, ainsi que les techniciens qui les accompagnent. Mais elle a aussi touché les acteurs bénévoles qui ont beaucoup donné de leur temps et de leur conviction sans jamais voir aboutir leurs projets. Cette déprime ne sera jamais comptabilisée mais elle risque de déboucher sur une perte massive d’investissement de la part des bénévoles, gérants des associations culturelles. A l’inverse, cependant, de nombreuses initiatives ont été prises dans les fédérations culturelles pour développer des formations, des échanges, et des projets sur les réseaux sociaux.
Si le confinement a démontré, une fois de trop, que les émissions en breton servent de variable d’ajustement dans l’audiovisuel public, radio et télévision, en cas de crise, on doit aussi souligner que la demande du CESER en soutien aux personnels et aux auditeurs brittophones, n’a pu que favoriser la reprise rapide des émissions de France Bleu et de France 3 et leur maintien lors du second confinement.
En conclusion, si la Région veut réellement sauver cette « diversité culturelle » et pour nous « encourager à le faire » il va être temps de... valoriser ...cette culture en y mettant des moyens. La population va naturellement vers ce qui est moderne… Donc il est plus que temps d’utiliser des moyens modernes pour communiquer sur la beauté et l’utilité de cette spécificité bretonne que sont les cultures et les langues de Bretagne.
La région investit lourdement dans la publicité touristique pour vendre la Bretagne. Elle investit aussi dans la diffusion de petits films pour montrer les apports de l’Europe en Bretagne… Les scènes nationales sont toutes installées dans les centres villes avec des bâtiments de haute valeur architecturale... Il serait nécessaire que la Région se dote des mêmes outils, à l’aide de spots diffusés au cinéma et à la télévision, pour lancer des campagnes de valorisation de l’enseignement bilingue et de son intérêt comme le souligne l’annexe de la loi Peillon (2013). Que des quotas de diffusion bénéficient à nos artistes tant à la radio qu’à la télé. Que nos « ti ar vro » bénéficient de constructions architecturales au cœur des villes. Bref qu’il soit fait ce qu’il faut pour donner envie de culture bretonne à nos jeunes et moins jeunes générations.
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