Jean-Marc Huitorel, critique d’État

Papier publié le 12/08/18 17:15 dans Cultures par Frank Darcel pour Breizh Europa
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C’est l été : de nombreux journalistes de Libé étant en vacances, on fait appel à des supplétifs pour remplir les colonnes. Samedi 2 août c’était au tour de Jean Marc Huitorel, critique d’art rennais, de mettre le pied à l’encrier pour nous conter la genèse de la Vallée des Saints. On avait déjà eu le droit aux élucubrations, dans la même veine, de son amie Françoise Morvan au moment de la breizh touch !, et on pensait qu’il s était agi d’une erreur de prescription chez l’auteure ou d’un problème d’appréciation à la rédaction, mais non, il y a une logique !

Car si JMH est critique d’art, il est surtout, comme son acolyte, spécialiste en complots triskellisés : leur dada c’est le triptyque libéralisme-chrétienté-nationalisme qui se trouverait engagé, en lousdé, derrière la plupart des événements et mouvements politico-culturels créés en Bretagne ces dernières années (Festival Interceltique, Ecoles Diwan, Bonnets Rouges, Produit en Bretagne, etc.). À les écouter, il vaudrait mieux d’ailleurs évoquer un trident, car le phénomène les inquiète terriblement, d’autant qu’à la tête de ce néfaste dessein prospère l’institut de Locarn, think tank que Morvan assimile dans son réjouissant grimoire Le monde comme si à une émanation bretonne de l’Opus Dei, liée aux Hasbourg autant qu’à la finance mondiale, sans oublier les éleveurs de porcs. Mais les néo nazis ne sont jamais loin non plus. Ça fait du monde !

Huitorel, sans doute lui aussi diplômé de l’école de Poudlard, joue légèrement plus petit bras que sa consoeur, mais il est néanmoins en pleine forme car il devine derrière cette vallée des saints : « culte des héros, des morts et… des saints, reconstruction d’un passé mythifié, renouveau spirituel, revendication identitaire face aux dangers du multiculturalisme amplifiés par les récents phénomènes migratoires. Vieille antienne. Articulé à l’antique irrédentisme breton, tout cela se plaît à flatter le sentiment d’appartenance, sinon le nationalisme. Et quid de la proposition «artistique» ? » . JMH nous indique également que l’institut de Locarn est une entreprise « dont l’idée fondatrice est que le développement économique revêt intrinsèquement la forme de la guerre ». Ça phrase, ça farte et ça ne rigole pas chez ces instruits des bords de Vilaine ! Ça devrait forcer le respect !

À suivre, JMH nous explique que les statues n’ont aucun intérêt, qu'elles sont toutes moches et ne s'emboîtent dans aucun concept digne de ce nom. Et au-delà, comme le projet découle du funeste complot décrit plus haut, rien ne trouve grâce aux yeux de l'acide critique. Rien de rien. Et JMH de s'acharner sur la vallée avec la fougue désordonnée d'un Zadiste lâché dans les rues de Nantes…

Pourtant, sur le lieu de la discorde, l’approche postmoderne de l’ensemble implique une certaine distanciation ; et si on n’aime pas la vue sur les Saints on bénéficie par ailleurs d’une perspective imprenable sur le Centre Bretagne. Tout cela aurait pu calmer l'auteur. Mais non ! Au contraire ! Et pour ce qui est de l'emplacement justement, JMH, à qui on ne la fait décidément pas, fait remarquer que la Vallée des Saints est en fait une colline : une autre preuve que le projet n’est pas net ! En tant que critique d’art, il devrait pourtant savoir que si une pipe n’est pas toujours une pipe, il peut en être de même avec les vallées.

Au fond, il se pourrait que les instigateurs de ce concept, ainsi que les sculpteurs, soient beaucoup plus futés que JMH ne l’imagine. D’ailleurs, au détour de son texte labyrinthique, dans lequel il cite des intellectuels qui ne sont plus là pour protester (Althusser, Marx, Eco, en vrac), il annonce qu’un autre projet est dans les tuyaux, celui d’« une Cité de la paix, reconstitution d’habitats traditionnels des cinq continents, en lien avec les milieux missionnaires, dans le nord du Morbihan. » Avec derrière, suppute l'auteur, les mêmes puissants maléfiques (les chrétiens ultralibéraux nationalistes bretons), et en tous cas le même maître d’oeuvre: « Philippe Abjean, ancien prof de philosophie, (…), fervent catholique, proche des missions africaines. »

C’est là qu’on commence à décrocher, car de grâce JMH, sachez que trop d’info tue l’info ! Parce que s’il s’agit maintenant de villages des cinq continents et de missionnaires africains installés en Morbihan, quid du supposé repli sur soi qui gangrènerait ces projets ? Quant au nationalisme, serait-il finalement panafricain ?

Après une nouvelle salve d’arguments dont la cible paraît toujours incertaine, dans un rare moment de clarté, l’auteur reconnaît cependant que l'événement amène foule de visiteurs et pourrait dynamiser l’économie d’un Centre Bretagne qu’il estime sinistré. Mais il s’inquiète malgré tout car, sur la colline « (les) services archéologiques tirent la sonnette d’alarme quant à la préservation de la zone et se réservent la possibilité d’investigations futures ». C’est un rappel à l’ordre cinglant pour les zazous du granit ! En effet, il se pourrait bien qu’avec leurs statues « pas si solidement si l’on raisonne en termes de sécurité, comme il commence à se dire ici et là » précise JMH dans une approche du genre scientifique cette fois, les agités du burin soient en train de souiller une zone qui recèlerait des trésors archéologiques ! Des trésors authentiques !

Alors, que fait la police ? Semble demander l'auteur au bord du collapsus, et comment a-t-on pu laisser le lieu se transformer en Mandarom breton où « ce n’est pas de l’art qu’on vient chercher ici, comme le montre clairement la teneur des visites guidées, ce sont des histoires à entendre, des légendes comme les enfants les aiment. Et par-dessus tout du spectacle, de l’effet spécial, un décor où le granit, paradoxalement, devient carton-pâte. » ?

Là, on commence à mieux comprendre où veut en venir le flingueur de pierres : ainsi tous ceux qui rêvent d’une Bretagne autre que celle que l’État français nous garantit authentique (entre autres par des fouilles archéologiques estampillées « sérieuses » ou encore par une interdiction d’utiliser des consonnes déviantes telles le ñ), tous ceux-là sont des enfants, des niais, des attardés.

Et pour JMH, on peut compter sur les penseurs d’État, dont il fait partie, pour mettre fin à la gabegie et aux enfantillages sur la colline et dans les arrière-cuisines de la culture bretonne dite populaire. Il est en tous les cas de la plus haute importance d’écouter les gens de sa bande, qui ont l’insigne honneur parfois de passer sur France Culture, d’être publiés dans Libé, d’être adoubés sur les bords de Seine. Eux savent et nous démontrent à longueur d’interventions : que la langue bretonne n’est pas vraiment une langue, parce qu'elle était diverse mais qu'il ne fallait surtout pas l’unifier (Ah bon, c'est pourtant comme ça qu'on a fait ailleurs non ?), qu'en tous les cas l’accent des enfants de Diwan n’est pas le bon, puisqu’il ne serait pas authentique ; que la Bretagne n’a rien de celtique (ce n'est rien qu’une invention pour vendre des disques et des drapeaux). Et que si l’histoire de Bretagne s’éloigne du roman national français, c’est parce que les universités bretonnes ont été noyautées par des enseignants « nationalistes ». Même l’institution Région Bretagne en prend pour son grade, à soutenir ainsi les déviants dans les vallées.

Et l’antenne des penseurs d’État installée à Rennes n’a pas confiance non plus dans le mécénat, jugé en l’espèce louche, et couteux ! « Mais si on utilise les dispositions de la loi mécénat, c’est deux fois moins cher, ce qui fait que, par ricochet, ce sont tous les contribuables qui payent » se plaint JMH, parce que ce mécénat-là permet non seulement à la finance mondiale bretonne de pervertir l’art, mais surtout met finalement en partie l’État à contribution. Sacrilège !

Au débotté, on découvre dans la biographie de l’auteur, que JMH est également commissaire d’exposition, à Calais puis à Bordeaux ces dernières années. A-t-il eu lui recours au mécénat pour ces expositions, ou sont-ce nos impôts qui en payent l’intégralité ? Quand les journalistes de Libération reviendront, ils pourront toujours lui poser la question. Ici, en Bretagne, la réponse nous intéresse. Rappelons au passage à JMH, fier pourfendeur du libéralisme corrupteur à la mode bretonne, que le journal qui lui a ouvert ses colonnes appartient aujourd’hui à un banquier. Mais celui-ci vit à Paris, alors pour Jean-Marc c'est la classe !

Enfin, après d’autres circonvolutions qui nécessitent parfois que l’on fasse pivoter de 45° le quotidien fondé par Jean-Paul Sartre (qui doit bien se marrer parfois) , JMH, spécialiste en art authentique réellement authentique, livre sa conclusion finale, qu'il imagine apothéotique :

« Certes, n’était ce sentiment diffus d’une subtile escroquerie qui consiste, sous couvert d’un soi-disant art soi-disant populaire, à nous faire prendre les vessies pour des lanternes, l’idéologie pour l’art, l’économie touristique pour la culture, le tout avec la bénédiction admirative des diverses représentations économiques et politiques régionales dont on peut légitimement se demander ce qu’elles soutiennent et défendent vraiment dans ce type d’initiative. »

Ça se précise, ainsi tous ceux qui vivent et imaginent la Bretagne autrement, afin qu’elle ne disparaisse pas, étouffée par les décrets préfectoraux, les diktats de l’Éducation Nationale, l’incompréhension parisienne et les penseurs d’État, sont, en plus d’être des enfants, rien moins que des escrocs, et les institutions qui les soutiennent ont sûrement une idée nauséabonde derrière la tête.

Nous évoluons dans le monde comme si (jugé non authentique par JMH et sa clique), quand eux arpentent le monde comme ça, le seul, le vrai. Comme ça et pas autrement. On devrait circuler, mais non, on insiste, on ne comprend décidément rien… N'en jetez plus Jean-Marc, la vallée est pleine.

Et si tout cela n’était, chez notre critique d’État et ses amis, qu’une histoire de frustration finalement : celle de ne pas être prophète en ce qu’ils considèrent tout de même un peu comme leur pays, tant tout ce qui se passe en Bretagne semble les gratter jusqu'au sang, celle de n’être écoutés que quand Paris leur tend le micro, celle de faire partie des « rares voix discordantes (qui) semblent de peu de poids. »

Alors, comme nous, les Bretons du bout du monde comme si, nous ne sommes pas revanchards, nous proposons que l’on octroie une autre colline à JMH et à son posse estampillé France Culture. Ils pourraient ainsi créer, en Centre Bretagne, une exposition qui soit enfin artistique, validée par l’État et ses services. Et sans mécénat breton surtout ! Vade retro, rien qu’avec de l’argent public ! Cerise sur le Paris-Brest, chaque jour, avant la fermeture, JMH pourrait donner une conférence d’une heure ou deux, pendant que ses amis vendraient leurs livres sur des tables de camping made in France. Ambiance, rires et affluence garantis !

Frank Darcel, président de Breizh Europa

Entre guillemets on trouve des extraits de l’article paru dans Libération


Vos commentaires :
Mardi 7 mai 2024
Bonjour , j’étais sur la Nébuleuse quand elle a ramené Piran depuis Falmouth. Cette aventure m’a fait rencontrer des gens extraordinaires , de tous horizons , de toutes confessions. Je ne vais pas vous faire un discours , je n’userai pas les touches de min clavier pour critiquer l’article de Mr Huitorel . Je n’ai que ceci à vous dire : Il n’a rien mais rien compris . Sa bêtise se cache derrière des mots qui se veulent tranchants . La vérité n’existe pas car comme toute chose dans ce bas monde elle est subjecte à l’interprétation.En fait je trouve l’article très drôle , c’est pour moi comme si un politicien essayait de donner des leçons de cuisine ou une sardine qui voudrait nous expliquer comment voler.En tout cas il ferait bien de retourner astiquer ses colonnes de Burenne ...
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