Réunifier la Bretagne ? Régions contre métropoles ? Des questions plus que jamais d'actualité

Présentation de livre publié le 3/07/15 11:29 dans Société par STEPHANE PEAN pour Bretagne urbaine, Bretagne moderne
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Bocage breton

La publication par le Collectif Géographes de Bretagne d’un ouvrage se proposant de lier ces deux questions importantes pour l’avenir de la Bretagne pouvait sembler être une bonne nouvelle. Malheureusement, au-delà de quelques contributions sérieuses et intéressantes sur la géographie bretonne, quoique n’apportant pas nécessairement d’éclairages nouveaux pour répondre à ces questions, ce livre met surtout en avant le projet de société des deux principaux auteurs et co-directeurs de cette publication, Yves Lebahy et Gaël Briand, projet de société qui nous apparaît idéologiquement inquiétant.

Puisqu’il est question de réunification de la Bretagne, ce nouveau livre n’échappe pas dès son premier paragraphe à l’évocation du fameux décret du 30 juin 1941, avec toujours le même raccourci historique, puisque Yves Lebahy nous précise doctement que “cette rupture, problématique pour la société bretonne, met fin à une très longue période de stabilité politique et administrative (...)”. Les amateurs d’une lecture rigoureuse de l’Histoire apprécieront...

Vient ensuite un chapitre intitulé « Réflexions sur les notions de frontières » écrit par Gael Briand, militant de l’Union Démocratique Bretonne et rédacteur en chef du Peuple Breton, qui présente surtout sa vision critique du modèle français d’Etat-Nation, “qui cherche à fondre des peuples divers dans un moule commun”. Il tente d’illustrer son propos en évoquant la politique coloniale française et donc l’imposition arbitraire de ce modèle à des peuples africains :

“Faisant fi de la géographie et de l’histoire, que signifient les identités malienne, ivoirienne, syrienne ou irakienne ? Comment concevoir l’organisation des Etats avec une vision aussi dogmatique ? Les peuples ne peuvent pas se fondre sous l’étiquette artificielle d’un Etat à moins que chaque Etat n’émane de la volonté d’un peuple. (...) Le Mali par exemple est peuplé de Bambaras, de Peuls, de Songhaïs, de Dogons, de Touaregs, de Toucouleurs et de bien d’autres peuples vivant dans une Etat calqué sur le modèle français d’Etat-Nation, héritier de la colonisation”.

Si cette critique n’est pas nécessairement dénuée de tout fondement, l’exemple du Mali, qui n’est absolument pas une construction coloniale, l’illustre particulièrement mal. Cette ignorance du sujet traité est même particulièrement inquiétante de la part de quelqu’un qui publie au même moment un essai dédié à la question coloniale, mais cette fois-ci pour parler de la Bretagne (“France-Bretagne, une relation coloniale”). Elle traduit surtout une vision très ethno-différentialiste du monde et une vraie difficulté à penser la possibilité d’espaces civiques ou politiques en dehors de ce prisme.

S’agissant de la Bretagne et de ses métropoles, c’est principalement Yves Lebahy qui détaille au travers de longs chapitres son projet de société et les raisons pour lesquelles il faudrait s’opposer à une métropolisation qui selon lui menace la spécificité bretonne.

A travers la critique de la métropolisation, c’est tout d’abord à la “mondialisation libérale” que s’attaque Yves Lebahy. La multiplication du nombre de métropoles à l’échelle mondiale traduit selon lui une soumission aux logiques néolibérales de marché et de libre concurrence, mais aussi de “mobilité sans contrainte” que la Bretagne se doit de refuser. En reprenant les propos de Jean-Pierre Garnier, sociologue, il critique cette volonté des métropoles d’attirer “les investisseurs” et “la matière grise” et surtout les moyens mis en oeuvre pour y parvenir, qui reviennent pour le sociologue à “dérouler le tapis rouge (...) devant les exploiteurs et la petite bourgeoisie intellectuelle, grosse consommatrice d’ « évènements culturels ».”

Mais cette critique de la mobilité, loin de se limiter à un rejet aux accents gauchistes d’une forme de bourgeoisie mondialisée, s’étend aux flux migratoires sous toutes leurs formes. Yves Lebahy reprend en effet à son compte les thèses très controversées que Christophe Guilluy développe dans son ouvrage Fractures françaises. Il considère que son analyse “décrit à la perfection les phénomènes que nous pouvons ressentir sur nos territoires et les dynamiques observables (...)”. Les éléments qu’il met en avant comme constituant les points clés de l’analyse de Guilluy tournent presque tous autour des questions migratoires, reflétant une obsession en la matière tout à fait stupéfiante. Ainsi pour lui, la métropolisation se traduit par la “connexion de ces métropoles aux dynamiques migratoires internationales”, à une “intensification des flux migratoires”, créant un système dans lequel “les inégalités sociales laissent la place aux inégalités ethnoculturelles au grand bénéfice des classes dominantes”, “comme si ces tensions ethniques étaient souhaitées pour faciliter un meilleur contrôle du marché”. Il reprend ainsi la prédiction de Guilluy “d’une meilleure intégration de ces nouveaux migrants de l’économie monde”, pendant que les autochtones sont relégués dans des “zones péri-urbaines et rurales [qui] deviennent des foyers résistance sociale et culturelle”.

Chacun pourra juger par lui-même du fondement, tout particulièrement en Bretagne, d’une telle obsession. S'interrogeant sur la capacité à “concevoir une identité culturelle si la population ne cesse de bouger au gré de ses intérêt particuliers”, il déplore que “l’identité de ces territoires (...) se dilue au gré des nouveaux arrivants aux origines géographiques, culturelles et sociales hétérogènes”, y voyant là “un processus d’uniformisation sociale et culturelle dans lequel [la Bretagne] perd originalité et identité”.

Au-delà de l’homogénéité sociale et culturelle que Yves Lebahy prétend défendre dans son projet de société, c’est aussi l’environnement, qui se trouverait directement menacé par cette immigration, puisque selon lui “l’actuelle poussée démographique vers l’Ouest de la France, reposant sur l’attrait de ces territoires en termes de villégiatures, de vie urbaine et d’activités, se traduit par une consommation excessive de terres agricoles”. Mais en la matière, les nouveaux migrants ne sont pas seuls coupables à ses yeux et c’est finalement l’augmentation de ces “populations urbanisées, coupées de la nature”, qui lui pose vraiment problème et donc le fait de confier davantage de pouvoirs à des métropoles “coupées des réalités du milieu naturel”, quand l’enjeu fondamental serait de garantir “des espaces ruraux vivants et productifs [et] des milieux naturels équilibrés”.

Ce projet de société et la vision pour l’avenir de la Bretagne qui en ressort sont parfaitement cohérents. Ils s’inscrivent dans la droite ligne d’une écologie profondément conservatrice, anti-libérale, anti-urbaine et anti-moderne. Ils traduisent un refus de penser le monde autrement qu’en entités territoriales ethniquement et socialement homogènes, hermétiques au cosmopolitisme.

Pour Yves Lebahy, dans le contexte de perte d’homogénéité sociale et culturelle qu’il croit percevoir et qui serait même d’après lui voulu par les élites, “la question de la réunification ne se posera bientôt plus”. A ce titre, il le reconnaît d’ailleurs, “les partisans de la Bretagne historique à 5 départements font déjà figure de nostalgiques passéistes”. Pour lui, l’opposition est simple et impossible à dépasser : “métropolisation contre réunification, le jeu semble clair et semble, dans ce processus, inéluctable”.

Il existe pourtant une alternative à ce fatalisme aigri et à la vision effectivement passéiste et rétrograde que nourrit Yves Lebahy pour la Bretagne, vision suscitant forcément le rejet de ceux qui, à Nantes comme ailleurs, refusent de voir leur ville entrer dans un moule visant à limiter développement et rayonnement, ainsi qu’à imposer une politique d’homogénéisation sociale et culturelle.

Cette vision, c’est celle d’une Bretagne moderne, qui voit la perspective de sa réunification et d’une assemblée de Bretagne, comme l’ouverture d’un champ de possibilités démocratiques nouvelles et l’affirmation d’une véritable citoyenneté bretonne. C’est aussi celle d’une Bretagne confiante dans sa capacité à s’insérer positivement dans la mondialisation et qui voit dans l’affirmation de ses métropoles des opportunités supplémentaires pour y parvenir. C’est enfin celle d’une Bretagne qui ne voit pas son identité comme une expression figée et purement culturelle, menacée par les coups de boutoir de la mondialisation, du développement urbain, ou des diverses migrations, mais qui la considère au contraire comme une identité avant tout civique, en évolution et en constante réinvention.

Source: (voir le site)


Vos commentaires :
Mardi 30 avril 2024
Monsieur Pean, vous êtes l'auteur d'un article supposé démontrer quelque chose. Ensuite les intervenants réagissent par des posts logiquement plus courts que l'article et plus proches de l'exemple.

Je constate que votre article est à l'image de vos posts.

Une longue première partie pour dénigrer autrui.

Puis à partir de "Il existe pourtant une alternative à ce fatalisme aigri et à la vision effectivement passéiste ... , la chute finale : un sermon de 10 lignes creuses.

Vous ne démontrez rien, rien sur la fiscalité, rien sur les budgets, rien sur le droit, rien sur l'économie, rien sur la finance ... Aucun chiffre.

Je précise que la mondialisation ne me fait pas peur, je suis à 100% dedans. Je ne travaille pas en français, je n'ai rien à voir avec la France, pas de sécu, pas de retraite, rien ... Je suis un entrepreneur 100% indépendant.

Paris et le 7ème arrondissement, j'y ai habité quelques années.

Dans la vraie mondialisation, la vraie, la dure, tout le monde s'en fout de votre classification d'extrême droite.

Pour sortir de ce que je considère l'extrême creux. Démontrez moi quelque chose et je vous donnerai mon opinion.

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