Urbanisme à la Nantaise, ou comment concilier développement et patrimoine

Article publié le 24/03/12 12:30 dans Société par Louis LECOMTE pour Louis LECOMTE
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Lever de soleil sur la Tour de Bretagne à Nantes le 9 janvier 2010 à 9 h 14. Vue prise du Breil-Malville.
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Le pigeonnier des Dervallières du XVIIe siècle. Seul vestige de la propriété de comte de La Brosse acquise en 1952 par la ville pour construire et reloger les familles après la 2e guerre mondiale. Le château du XVIIe a été discrètement démoli en 1987 contre la volonté des habitants.

Nantes est une ville en pleine expansion. Chaque année depuis 1999, c'est près de 35.000 personnes qui choisissent de venir y vivre ; c'est aussi environ 4.900 emplois créés par an, un pôle étudiant dynamique, et des centres commerciaux florissants. Le développement est la priorité numéro 1 des collectivités, qui est prête à beaucoup sacrifier pour lui (rappelons-nous l'affaire du projet très controversé de l'aéroport de Notre-Dame des Landes). Outre un développement économique, c'est un développement démographique qui est en cours. Bien sûr, le fait que Nantes réussit à se faire attirante n'est absolument pas pour nous déplaire : mais pas à n'importe quel prix.

Aujourd'hui, il existe à Nantes près de 169.331 logements. La plupart sont des pavillons, situés dans les quartiers tranquilles qui jouxtent les grandes artères. Depuis une dizaine d'années, la banlieue est grignotée par des lotissements, dont de plus en plus répondent aux normes HQE, (Haute Qualité Environnementale) bien sûr encouragés par la municipalité. De nouveaux quartiers voient le jour un peu partout, dans le prolongement de la Loire en aval et en amont, et sur les bords de l'Erdre. Le profil type du bâtiment autrefois recherché par les arrivants était le pavillon avec jardin, de préférence dans un endroit calme. Maintenant, ce profil a considérablement évolué : la priorité est la proximité d'une ligne de bus ou de tram, et le fait d'habiter un immeuble ne fait plus hésiter les acheteurs.

Du coup, les promoteurs immobiliers ont des cibles bien plus précises : ils cherchent un pavillon bien placé, et une fois ce dernier en leur possession, il le détruisent pour construire une batterie de logements collectifs. Pourquoi pas si ils trouvent des acheteur ? Et bien voilà : il est indéniable qu'une façade d'immeuble XIXe est tout de même plus jolie à voir qu'un immeuble construit en 6 mois en béton apparent. Disons-le, ils dénaturent le paysage. Dans plusieurs quartiers comme Bellamy, route de Vannes, Petit Port, Procé en partie, Saint-Clément, Saint-Félix et tant d'autres, les petits immeubles contemporains de l'industrialisation du XIXe (ex. rue de la Fontaine de Barbin sous le tram de la Motte Rouge) ou du lotissement au XXe sont en train d'être remplacés par des blocs-immeubles du XXIe siècle assez impersonnels. Un style standardisé qui menace la spécificité de l'identité urbaine nantaise, une ville dont le développement a explosé entre 1848 et 1880, quand la ville a pu enfin s'extraire du carcan de ses remparts et s'étendre sur les coteaux alentours. Ce développement s'est poursuivi jusque dans les années 1930 grâce aux campagnes de lotissements et à la création de l'Office de l'Habitat nantais en 1913 qui a lancé la construction d'habitat à bon marché (HBM) dans les quartiers périphériques. Pour beaucoup de Nantais, notre ville est «une ville de maisons» dont les rues sont formées d'interminables alignements de maisons individuelles, absolument différents des lotissements actuels. Bien des quartiers lotis à la fin du XIXe et au début du XXe recèlent une très grande richesse de styles (voir le site) d'autant plus qu'ils ont été relativement épargnés par les bombardements et les grandes opérations des années 1960 et 1970.

Ces opérations s'étaient en effet concentrées sur le comblement des «dents creuses», c'est-à-dire des lacunes dans le tissu urbain constituées par les propriétés encore existantes. Ainsi le quartier Château de Rezé remplace le château qui existait encore, les Dervallières se sont construites à la place du domaine du même nom dont le colombier existe encore, Bellevue remplace le château de la Musse.

C'est un problème réel, comportant des dangers et des enjeux, mais aussi un débat qui doit être mené et pas à la légère. Nantes doit-elle suivre l'exemple des grandes villes comme Shanghai, qui a littéralement sacrifié sont patrimoine historique pour se développer, risquant ainsi de perdre un véritable trésor - qui, soit dit en passant, est le moteur d'une économie touristique indispensable au centre-ville - ? Ou doit-elle conserver son identité mais se handicapant du coup en matière de développement ? Comme tout dilemme, on serait tenté de répondre qu'il y a un juste milieu. Reste à le trouver, et une chose est sûre : ce ne sera pas facile !


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