La fin du financement de l'Institut Culturel de Bretagne

Interview publié le 5/09/11 18:58 dans Cultures par Philippe Argouarch pour ABP
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L'Institut Culturel de Bretagne (Skol-Uhel ar Vro) est un organisme basé à Vannes. Créée en 1981, cette association est l'émanation de la [[Charte culturelle bretonne]] mise en place par le président Giscard d'Estaing. Sa mission est de coordonner le développement, la diffusion et la promotion de la culture bretonne. Elle reçoit des financements du Conseil Régional de Bretagne, du Conseil Régional des Pays de la Loire, de certains départements bretons, ainsi que de quelques communes.

L'Institut, divisé en 17 sections, a animé la vie culturelle depuis sa création. L'Institut a aussi relancé avec un succès notoire, l'[[Ordre de l'Hermine]]. La distinction est remise chaque année à quatre personnalités, engagées dans le rayonnement de la Bretagne. Il est aussi, par le biais de la section langue bretonne, à l'origine de l'Office de la langue bretonne (Ofis ar brezhoneg). En effet cette section, volant de ses propres ailes est devenue dans un premier temps l'Office que l'on a connu, puis cette année sous la forme d'un [[Établissement public de coopération culturelle]] (EPCC), l'Ofis publik ar brezhoneg, l'[[Office public de la langue bretonne]] .

Rappelons que le Conseil Culturel de Bretagne - KSB - est devenu il y a deux ans, le nouveau Conseil culturel de Bretagne, une chambre consultative liée au Conseil Régional. Le monde associatif a décidé de survivre à cette officialité et a créé "KEVRE" – vivier culturel de propositions, et au besoin, contestataire, de décisions qu'il estime aller à l'encontre du devenir et du bien vivre ensemble en Bretagne. L'Institut Culturel, dont le financement par la région Bretagne se termine le 31 décembre, se dirige-t-il vers ce dédoublement ? L'Agence Bretagne Presse l'a demandé à son président Patrick Malrieu.


[ABP] Quel devenir pour l'Institut Culturel de Bretagne - Skol Uhel ar Vro ?

[Patrick Malrieu] : La Région a décidé d'arrêter les financements attribués à l'Institut Culturel et à l'Agence Culturelle (sise à Josselin) pour les affecter à une nouvelle structure dont les missions concerneraient le patrimoine culturel immatériel, la diffusion au grand public des connaissances de bases en matière de culture bretonne, la mise en place d'une bibliothèque numérique bretonne, un soutien accru à la filière artistique et musicale.

Officiellement, le statut de cette structure (association ou EPR) ne serait pas encore décidé... Pour notre part, nous avons exprimé clairement les raisons nous faisant préférer la formule associative (forme à laquelle J.-Y. Le Drian s'était d'ailleurs plusieurs fois engagé). Mais les reports successifs d'annonce officielle sur la nature de cette structure ne peuvent qu'inciter à l'inquiétude et à croire que la décision semble bien difficile à avouer.


[ABP] Que pensez vous personnellement de cette évolution ? Un institut peut-il fonctionner correctement s'il est contrôlé par les politiques ?

[P. M.] : Sur le fond du projet, avec les quatre grands axes évoqués ci-dessus, nous en pensons du bien. Ils correspondent d'ailleurs en bonne partie à des propositions que l'ICB lui-même avait formulées et proposées au Conseil Culturel de Bretagne et à J.-M. Le Boulanger.

Par contre, nous pensons que ce projet doit être fédérateur comme l'a été la Charte culturelle en son temps, impliquer les associations bretonnes et les compétences multiples, universitaires ou autres, être relayé par les associations pour assurer sa diffusion auprès de dizaines de milliers de membres... Or l'expérience a prouvé que les formules institutionnelles (type EPCC ou EPR) sont des machines à évincer le monde associatif, et que leurs résultats sont loin d'être à la hauteur des financements qu'ils engendrent. Sans parler des risques d'avenir : passant sous présidence politique, les plus beaux projets peuvent devenir n'importe quoi au hasard des variations politiques (y compris à l'intérieur d'un même parti).


[ABP] La tendance en France de tout mettre tout sous la coupe de l’État, de la région ou de l'administration n'est elle pas contraire aux principes de subsidiarité et de construction d'une société civile responsable et indépendante des pouvoirs publics ?

[P. M.] : Si, bien sûr. En particulier en Bretagne où la vie associative est forte, dense.... et où les actions, aujourd'hui reconnues et soutenues par les pouvoirs publics, ont d'abord et avant tout été initiées par ces associations et les forces bénévoles qu'elles regroupent. Aujourd'hui encore, dans la plupart des cas, l'action bénévole reste essentielle et la compétence se trouve très largement dans ces associations.

En outre, au-delà des aspects techniques, l'important est surtout l'impact sociétal, la présence de ces milliers de relais dans la société bretonne... et en cela, aucune institution n'est capable d'avoir l'efficacité du monde associatif.

Dans un projet intéressant et important comme celui qui est en cause ici, il est essentiel de conjuguer le soutien financier de la Région, les compétences universitaires ou individuelles et la synergie associative. Or, pour se sentir concernées, ces dernières doivent avoir une réelle part dans les décisions opérationnelles. C'est-à-dire tout le contraire des pratiques constatées dans les établissement publics (EPCC, EPR...).


[ABP] Est-il vrai que le région Bretagne vous a demandé de “liquider” l'Institut Culturel de Bretagne pour la rentrée ?

[P. M.] : C'est aux membres de l'Institut de décider des suites à donner.

Par contre, il est vrai que la Région nous a dit ne plus vouloir financer le personnel et les projets actuels après la fin de l'année 2011.


[ABP] Les salariés de l'Institut ont-ils reçu une lettre de licenciement ?

[P. M.] : Non ! Pour l'instant tout est encore très flou dans ce domaine.

D'une part, jusqu'à présent, les responsables de la Région s'étaient toujours engagés à ce que le personnel ne fasse pas les frais de cette évolution. Une partie devait être reprise dans la nouvelle structure et l'autre partie trouver un reclassement dans le personnel territorial.

Aujourd'hui on nous demande effectivement de le licencier pour la fin de l'année, sans pour autant avoir de garanties de reprise.

Nous ne pouvons croire un tel "oubli" des promesses antérieures et allons écrire à J.-Y. Le Drian à ce sujet.


[ABP] Quelles sont les possibilités de continuer un Institut culturel sous forme d'association ?

[P. M.] : L'Institut est une association. Il lui appartient donc de décider de son avenir. De nombreux pans de l'activité actuelle de l'ICB ne se retrouveront pas dans la nouvelle structure telle qu'envisagée par la Région, à l'heure actuelle :

- Vie des diverses sections thématiques, en tant que lieu d'échange, de validation de projets, d'entraide, d'études, d'animation, pourvoyeur de personnes ressources, etc. ;

- Participation à la vie culturelle bretonne (salons du livre, réalisation d'expo, mise à disposition de conférenciers, organisation d'universités populaires ou de colloques, soutien matériel et intellectuels à de nombreux projets individuels...) ;

- Collier de l'Hermine ;

- Documentation : bibliothèque, site internet ;

- Informations, orientations... au fil des sollicitations.

Si les membres de l'Institut le veulent, l'ICB peut parfaitement poursuivre ses activités.

Et, en bonne logique, l'ICB devrait, comme toute association, pouvoir solliciter la Région au titre de ces activités.

Par contre il ne pourra plus soutenir de projets, comme par le passé. Chaque projet devra alors, par lui-même, trouver ses financeurs (département, Région...), ce qui veut dire au passage que ces projets, au lieu d'être instruits et validés par des sections spécialisées et compétentes, seront présentés en direct aux services de la Région. Et je pense que ce n'est pas leur faire injure que de considérer qu'ils ne pourront à eux seuls regrouper l'ensemble des compétences que réunissait l'ICB...


Une assemblée générale extraordinaire va avoir prochainement lieu pour statuer sur ce point. (voir notre article)

Philippe Argouarch


Vos commentaires :
Mercredi 1 mai 2024
@ Renée Mazé
- Pas de susceptiblité
- N’échange pas mon téléphone (fixe)- Numéros non plus.
- Bâcheliers Diwan ? Pas mon propos ! Mais Diwan est une réussite pédagogique
- Effectivement bac surfait. Tous diplômes aujourd’hui peuvent s’acheter ou s’obtenir par tricherie. Explique peut-être certains niveaux.
- Perso je lis tout avec intérêt. Long ou court. Si cela m’ennuie je zappe. Très rarement !
- Régulatrice sur ABP ?
- Mené de cette façon votre petit Monde …libre? ( :0)))
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