Le grand poète Édouard Glissant, le penseur des minorités, est mort

Editorial publié le 6/02/11 14:23 dans Politique par Fanny Chauffin pour Fanny Chauffin

Celui qui disait que c'est “l'ignorance du monde qui dirige la politique de la plupart des grands pays” dans un G7 où il n'y a que des hommes blancs, l'homme à la source de ce formidable élan novateur, ce “deux mètres” selon l'expression d'Edwy Plenel s'est éteint à Paris à l'âge de 83 ans. Né en Martinique, il était « Distinguished Professor » en littérature française, à l'université de la Ville de New York.

Mais sa pensée est toujours bien vivante et devrait inspirer nombre de pays et de théoriciens qui ont négligemment oublié de lire ce grand penseur antillais du XXIe siècle et sa théorie du rhizome, de la relation.

La culture française est une culture unique, une racine qui tue toutes les autres qui voudraient s'installer à côté d'elle. La culture du rhizome est plurielle, en réseau, elle s'allie aux autres pour vivre.

Pour lui : “au départ, il n'y a pas de question noire, il n'y a qu'une question blanche”. Il faut combattre trois maladies de l'identité (qui est elle-même une “identité extrêmement variable”) : celle de la mémoire, de peuples qui n'ont plus d'histoire, puis celle du comportement et enfin et surtout la terrible maladie de la méconnaissance du reste du monde.

Il dit lors d'un entretien à Avignon : "«les nations qui dominent le monde sont des nations qui ne connaissent pas le monde, dont les dirigeants ne connaissent pas le monde. C'est étonnant qu'un président qui va envahir l'Irak ne sache même pas où ce pays se trouve. Il ne savait pas qu'il y avait des Chiites, des Sunites, qu'il y avait là-bas une civilisation de plus de 3000 ans».

Les années à venir seront celles de la relation, du “tout-monde”, l'identité racine de la France créée en 1789 venait de l'Ile de France et de la Picardie. “Elle s'est étendue en écrasant les identités bretonne, basque, catalane .... à la faveur du jacobinisme centralisateur parisien” au moment de la constitution de l'Etat-Nation.

Mais aujourd'hui est un autre temps et il faut que chaque pays du monde se pose comme “une multiplicité, une complexité, quelque chose qui donne le vertige”. Une nation qui cesse d'avoir des relations avec le monde et qui cesse d'avoir du génie dans ses rapports avec le monde, “cette nation-là s'effondre, meurt et disparaît”. L'identité nationale est un “bonheur évoluant, qui peut changer, qui peut accepter autrui. Ce n'est en aucun cas un bonheur qu'on peut filtrer. Un pays qui filtrerait ses migrants est un pays qui va devenir aseptisé, non productif, mort. Ce qui produit de la mort, c'est la prétention à la fixité de l'identité”.

Pour en savoir plus, voir les vidéos de juillet 2007, dernière apparition d’Édouard Glissant lors du festival d'Avignon au Théâtre du Tout Monde : (voir le site)


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