Pourquoi j'ai décidé de boycotter les Jeux olympiques de Pékin

Lettre ouverte publié le 8/08/08 8:12 dans Politique par Nil Caouissin pour Nil Caouissin
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Mon statut de conseillère régionale me valait le droit d'assister et de participer à la cérémonie inaugurale des JO de Pékin et de profiter de mon séjour en Chine pour y faire du tourisme et du shopping. J'y étais tout simplement invitée. Certains amis se sont étonnés que je ne veuille pas profiter d'une telle aubaine.

Mais, dès fin 2007, le groupe des élus régionaux de l'Union démocratique bretonne et de la Gauche alternative faisait savoir au Président de Région qu'ils boycottaient les JO 2008.

Pourquoi ? Parce que je pars du principe que : « S'il y a des gens qui observent les règles de l'honneur comme on observe les étoiles : de très loin », dixit Victor Hugo, il y va de notre honneur de cautionner par notre présence ou de dénoncer par notre absence certains événements symboliquement importants.

J'aurais pu aussi me réfugier derrière l'argument selon lequel la politique s'arrête aux portes du stade. Combien sont-ils ceux qui l'ont fait ? Ceux qui ne mélangent pas la politique et le sport ? Pilate s'en lavait bien les mains. Et je ne jette la pierre à personne, il ne m'appartient pas de juger, simplement d'observer et de constater.

Et je constate comme l'a fait avant moi le philosophe Robert Redeker que, si le boycottage n'a jamais eu d'effets positifs sur les dictatures organisatrices, par contre, la tenue des jeux renforce leur pouvoir. Qu'il s'agisse d'un régime autoritaire ne change rien au fond.

Si faire de la politique, c'est gérer la collectivité humaine, c'est donc aussi prévoir, mais c'est aussi se souvenir. Le fameux devoir de mémoire.

Alors, souvenons-nous

Les JO de Berlin, capitale du Reich, en 1938 furent cautionnés par les États, dont la France, qui, pour ne pas donner le sentiment qu'ils cautionnaient le régime hitlérien, utilisèrent l'argument avancé par le CIO : l'organisateur des JO n'était pas le gouvernement nazi, mais le Comité olympique et Berlin avait été choisie en 1931, donc avant l'avènement d'Hitler. Quelle hypocrisie ! Alors que ces déclarations de Baillet-Latour, président du CIO, intervenaient après les lois de Nuremberg et deux ans avant les Accords de Munich. Les esprits avaient été bien préparés.

La véritable leçon d'humanité fut donnée à Berlin en 1938 par le noir américain Jesse Owen qui remportait quatre titres olympiques dans une atmosphère de xénophobie et d'antisémitisme, au cœur d'une propagande dédiée aux théories nazies sur la prétendue supériorité de la « race aryenne ». Quant aux bénéfices financiers générés par les JO en Allemagne, ils servirent à financer le film de Leny Riffenthal……. Autre monument de la propagande nazie.


Plus tard, le CIO, toujours lui, choisit Moscou pour accueillir les JO de 1980. L'année où l'URSS envahit l'Afghanistan. URSS de 1980 où le Goulag existe toujours, où des dissidents considérés comme des malades mentaux sont internés en psychiatrie !

Choix courageusement dénoncé par le dissident soviétique Vladimir Boukoski : « Politiquement, une grave erreur ; humainement, une bassesse ; juridiquement, un crime ». Ses propos pourraient être repris pour le choix des JO 2008.

Enfin, aujourd'hui, je dénonce l'hypocrisie, le cynisme et l'inaction du Comité international olympique qui choisit d'accorder ses faveurs, entendez de choisir (mais au prix de quels marchandages ? ) un État qui ne remplissait pas les critères d'une démocratie, alors que des États démocratiques sollicitaient l'accueil des J.O. de 2008, alors que Paris et Londres avaient fait du forcing !


Le CIO n'a pas le droit de dire : “Nous ne savions pas”.

Nous savons que le régime chinois n'a pas tenu ses promesses faites en 2001 lors de l'attribution à Pékin des J.O. de 2008, d'améliorer les Droits de l'Homme en Chine. Nous savons que, si des espaces d'expression ont été concédés par le régime chinois dans le contexte de l'émergence d'une classe moyenne éduquée, malheureusement, de nombreuses régions sont interdites d'accès aux journalistes, l'usage d'Internet est très encadré et l'accès aux sites dits sensibles est impossible. Nous savons que les minorités, Tibétains et Ouïghours, sont victimes d'un système oppresseur et violent mais aussi les dissidents politiques ou syndicaux, les paysans sans terre issus de l'ethnie majoritaire Han : emprisonnement et torture sont leur lot commun.

Nous savons que la Chine a le triste privilège d'avoir la médaille d'or des exécutions capitales estimées pour 2006 à 8000 environ, soit 8 à 10 fois plus que le reste du monde...

Nous savons que si l'idéologie totalitaire maoïste a cédé la place à un régime autoritaire c'est pour mieux associer le parti unique avec le laisser-faire économique du capitalisme le plus débridé qui permet les pires abus sur le plan de l'exploitation des travailleurs et sur le plan écologique.

Il paraîtrait que ce sont là les lois et les règlements chinois, et que nous n'avons pas à en juger.

Nous savons que tout cela est en contradiction avec l'esprit et la lettre de la Charte olympique.

Nous savons, et nous avons décidé de boycotter cette édition des J.O. de Pékin.


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