Réunifier la Bretagne au moyen du referendum : le nouveau miroir aux alouettes ?

Chronique publié le 16/10/20 8:59 dans La réunification par Yvon Ollivier pour ABP
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couverture du livre "lettre à ceux qui ont renoncé à la Bretagne"

Retour sur le grand débat politique du dimanche 11 octobre sur la réunification de la Bretagne, à Nantes et en présence de grands élus. Un aréopage de toutes formations a pris fait et cause pour l’indispensable réunification, autour du fameux referendum.

Difficile de faire la fine bouche et de ne pas saluer le gros travail effectué par la nouvelle asso « à la bretonne » , « Breizh civic lab » et la dynamique enclenchée à la mairie de Nantes par Florian Le Teuff entre autres. Ils ont apporté un renouveau à notre vieux combat dans la métropole nantaise et prolongé, à leur manière, l’excellent travail accompli par Bretagne réunie avec la pétition des 106 000 électeurs.

Et pourtant, il reste comme un arrière-goût amer, pour ne pas dire un peu rance.

Dans la salle a plané l’ambigüité Grand Ouest, cette manière si commode d’éluder la question bretonne tout en rassurant Paris et les métropoles soucieuses de prospérer aux dépens du reste.

Nous pensons réunification, un grand nombre de ces élus pensent Grand Ouest. C’est leur moyen à eux de désamorcer la revendication légitime à l’unité des Bretons. S’ils n’ignorent pas que les Bretonnes et les Bretons rejetteront toujours cette forme de suicide collectif, l’invoquer permet de paralyser toute évolution.

Le referendum leur donne aujourd’hui un argument de choix. Il est source d’ambigüité et de toutes les manipulations. Il pourrait aisément se retourner contre nous et signifier la fin de notre rêve d’unité et par la même, la fin de la Bretagne politique.

Ma crainte est que l’accord de façade sur le referendum ne dissimule que duplicité, coups tordus et in fine trahison grand ouest. Jouait-on à Nantes la dernière partition du grand bal des faux culs, dont la politique a le secret en Bretagne ?

N’oublions jamais le passé. En 2014, le parti socialiste disposait de tous les leviers. Rien ne s’opposait à ce que cette formation politique respecte sa vieille promesse de réunification alors qu’il était question de réforme territoriale.

Ils n’en ont rien fait. Sans doute avons-nous été trop naïfs en 2014. Sans doute avons-nous trop fait confiance à des gens qui ne vivent que du système et n’ont de bretonnité qu’un triste verbiage de « diversité ».

Notre principal défaut est de rechercher la confiance des élus, alors que c’est à nous, société civile bretonne, de leur dicter ce qu’il faut faire. Soyons lucides ! Le PS se préoccupe davantage de contrôler la société civile bretonne que d’émanciper notre vieux pays.

Nous avons vu le résultat en 2014. La plupart des élus PS, comme URVOAS, ont trahi la cause de la réunification à l’Assemblée nationale, en votant pour le statu quo.

Elément de discours : « Le Drian a sauvé la Bretagne de la disparition Grand Ouest ». Le Drian n’a rien sauvé du tout. Faut-il être naïf pour croire des choses pareilles ! Il y a eu un accord entre socialistes sur le dos des Bretons. Voilà tout.

Comme nous ne sommes pas rancuniers pour deux sous, nous allons jusqu’à redonner la parole à des gens qui nous ont trahis. Urvoas a pu s’exprimer ce dimanche 11 octobre. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas l’entendre. Je suis favorable au débat. Je dis simplement qu’il n’a plus aucun crédit sur le sujet de la réunification.

Bien sûr, tous les élus ne sont pas à mettre dans le même sac. Il en est qui ont tenu bon à l’Assemblée nationale comme Paul Molac, Marc Le Fur. Ceux-là méritent d’être écoutés.

Attention à cet autre miroir aux alouettes de l’Assemblée de Bretagne. Bien sûr qu’un jour il faudra passer par là, mais certainement pas avant la réunification. Le Département de la Loire-Atlantique n’acceptera jamais de disparaître dans le grand tout. Alors pourquoi nos élus de Bretagne administrative insistent-ils autant sur l’Assemblée de Bretagne ? Ont-ils à jamais renoncé à la réunification ? N’est-ce pas un moyen utile pour ceux qui , lorsqu'ils sont au Pouvoir n’ont pas la force d’agir, de promettre des lendemains qui chantent ?

La réunification est la clé de l’évolution politique institutionnelle bretonne. La décision mère. C’est là qu’il faut agir avant toute chose.

Le Grand Ouest trouvera toujours de bons défenseurs, car il permet à ses promoteurs de se dire démocrate et partisan de l’unité bretonne, tout en respectant la doxa du système soucieux de réduire la moindre source d’opposition. En retour, le système leur offre ses avantages.

Johanna Rolland, comme Ronan Dantec, nous ont montré qu’ils se situaient clairement de ce côté-là en 2014. Et si un document à l’écriture conjointe devait émerger pour solliciter de l’Etat le fameux referendum, il sera tellement ambigu qu’il n’aura plus aucun sens et aménagera les conditions d’un échec.

Il est si commode, ce referendum, qu’il a permis au Président du Conseil Départemental Grosvalet de troquer une demande de consultation signée par 106 000 électeurs contre un referendum local dont la procédure n’existe pas. L’important n’est il pas de se donner belle figure de démocrate ?

Il faut être fin politique ou magicien pour troquer une procédure qui existe contre une autre qui n’existe pas. Mr Grosvalet a su le faire. Pour un peu, il convaincrait presque quand il nous dit que la demande de consultation de Bretagne réunie n’était pas bien rédigée.

Au moins avec le président de la région Bretagne, c’est beaucoup plus clair. Il était absent ! Pas question de faire de l’ombre à Mme la Présidente des « Pays de la Loire ». A défaut de courage, il reste la parlote.

En 2014, alors que tous les voyants étaient au vert, et que l’heure de la réforme était venue, les forces du système n’ont pas voulu nous donner la réunification. Il faudrait donc penser que L’Etat et son Parlement vont se pencher aujourd’hui au chevet de la Bretagne pour voter la loi qui nous offrira sinon le referendum, du moins la réunification ?

Le système se moque de nous et nos élus ne l’ignorent pas. En sollicitant le referendum, ils savent qu’ils ne prennent pas de gros risques. Je pense sincèrement que nous ne méritons pas une classe politique pareille. Sans doute est-ce le produit du système France et de cette pyramide dans laquelle il faut se situer pour faire carrière.

On n’a pas encore pleinement mesuré la faillite de la classe politique bretonne, avec une incapacité à réunifier notre territoire, une politique linguistique en échec que l’on refuse d’affronter, une économie déliquescente faute d’avoir su réfléchir à temps aux bonnes orientations.

Et comme faillite il y a, le referendum vient à propos offrir à la classe politique bretonne une nouvelle virginité, la main sur le cœur. Voilà mon sentiment, nourri de l’histoire récente. Et j’aimerais tellement me tromper.

Comme il faut toujours proposer quelque chose, je n’ai d’autre idée que de renforcer notre capacité d’action, en tant que peuple. Nous devons faire communauté pour imposer nos vues à la classe politique et obtenir de l’Etat la légitime réparation historique. La réunification, à nous de la construire chaque jour un peu plus. A nous de la rendre incontournable en faisant de cette question fondatrice un problème politique de tous les instants.

Je rêve qu’un jour, plus aucun Breton n’osera devenir Ministre, avant que la Bretagne ne soit réunifiée et avant que ne soit mise en œuvre une véritable politique linguistique capable de sauver nos langues. Alors nous gagnerons.

Voici pourquoi j’ai la dent dure à l’égard du double discours et de toutes les compromissions ordinaires.

Et comme Mr Grosvalet détient les clés de la consultation des électeurs du 44, c’est vers lui qu’il faut mettre la pression. Il y aura bientôt des élections départementales... Nous sommes sans doute partis pour de longues années de lutte. Il faut s’y préparer et forger les armes qui nous donneront le succès de demain.

Yvon Ollivier

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Vos commentaires :
Samedi 20 avril 2024
Patrick ROGER conclue ainsi un article publié dans «Le Monde» (5 I 2021) p. 28 :
«Le référendum est devenu une question de confiance implicite»,
«D'instrument de régulation du pouvoir exécutif, le référendum, par sa nature binaire, favorise également une logique d'agrégation des contraires où les électeurs, en définitive, ont tendance à privilégier leur appréciation du pouvoir en place plutôt que de répondre à la question posée. Devenu une question de confiance implicite, il est de ce fait une arme à double tranchant.»
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