Politique linguistique en Bretagne : quand le mur du mensonge se lézarde !

Chronique publié le 13/04/21 11:39 dans Langues de Bretagne par Yvon Ollivier pour ABP
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Mon livre « Chroniques d’un peuple oublié » (couverture de Marc Monnier)

Depuis si longtemps, on nous dit que tout va pour le mieux pour nos langues, que la région Bretagne fait le nécessaire, que nous sommes sur le bon chemin malgré les difficultés inhérentes aux blocages de l’éducation nationales et aux Bretons qui n’en feraient pas assez.

Depuis des années, maintenant, nous oeuvrons au sein de structures comme Breizh Impacte et Bretagne majeure afin de prendre à témoin le pouvoir régional sur l’échec de sa politique linguistique et lui rappeler qu’il suffit simplement de regarder les chiffres pour s’en convaincre. Et nous ne sommes pas les seuls !

Les yeux se dessillent aujourd’hui sur ce constat d’échec, encore évoqué par Guillaume Auffret dans une tribune récente du Télégramme ;

Entre 3 et 4 % de nos enfants sont scolarisés en classe bilingue, avec le plus faible taux de progression de l’histoire en 2020. Dans trente ans, avec les politiques actuellement menées, et même avec la Convention spécifique que s’apprêtait à signer Loïg Chesnais-Girard, nous ne ferons que constater leur disparition.

Les Basques du nord scolarisent déjà la moitié de leurs enfants en classe bilingue et souvent selon la pédagogie de l’immersion. Ils sauveront leur langue, pas nous. Pourquoi cette différence ?

Les Basques du nord n’ont pas eu besoin de la loi Molac pour avancer, puisqu’ils ont la volonté politique qui manque à nos élus du Conseil régional. Et le vote de la loi Molac ne servira à rien, si demain comme aujourd’hui, les élus Bretons n’ont pas la volonté de s’en saisir pour changer de cap.

Le mensonge commence par le refus d’affronter la situation réelle et l’échec d’une politique linguistique. Plutôt que d’affronter la réalité et de chercher à rectifier le tir, le Pouvoir régional a choisi de mentir aux Bretons en leur disant que tout allait bien. Lorsque les gens dorment, ils ne songent pas à consentir aux efforts qui s’imposent.

La politique linguistique ne figure aucunement parmi les priorités du Pouvoir régional. Il suffit de regarder la modicité du budget qu’y consacre le Conseil régional pour cette année 2021. Les partisans de nos langues ne sont qu’une clientèle parmi d’autres, et cette clientèle, il suffit de l’endormir avec de belles figures politiques et culturelles bretonnes tellement rassurantes. Le système a fait ses preuves. Alors qui viendra grossir les rangs des élus socialistes à la région Bretagne et lui donner la caution bretonne qui lui manque ? Les paris sont ouverts.

Le clientélisme condamne la Bretagne à demeurer la belle endormie, incapable de défendre ses intérêts et réduite à n’être qu’une variable d’ajustement au service de l’île de France. Car lorsque le Pouvoir a trouvé ses clients, à quoi bon mettre en œuvre les politiques nécessaires ?

Je me suis toujours demandé pourquoi aucun pouvoir politique breton n’avait conçu et soumis au vote de l’assemblée régionale un projet de statut particulier adapté à la Bretagne et prévu par l’article 72 de la Constitution. Il y eut des opportunités, pourtant, à l’issue de la révolte des « bonnets rouges ».

Nous n’avons droit qu’à de sempiternels discours sur les bienfaits de l’altérité , de l’Assemblée unique, de la décentralisation. Et lorsqu’il s’agit d’investir les potentialités permises par le droit, il n’y a plus personne. La collectivité régionale dispose de ressorts qu’elle pourrait utiliser à bon escient pour mettre la pression sur le Paris. Elle pourrait même organiser une consultation des électeurs de Bretagne.

On reste dans le « faire croire » que l’on défend les intérêts des Bretons, lorsque la Bretagne ne cesse de décrocher sur tous les terrains.

Même les associations qui ont appelé à manifester récemment à Quimper ont pu laisser entendre que la politique linguistique menée par Chesnais-Girard était une politique ambitieuse ! il reste à nous expliquer comment une politique objectivement en échec depuis des années peut être ambitieuse. N’est-ce pas là aussi l’expression d’une certaine forme de cécité collective et d’inféodation au pouvoir politique ? Nous devons aussi savoir balayer devant notre porte, car comment exiger du Pouvoir régional une autre politique lorsque nous affirmons que la politique qu’il mène est ambitieuse ?

Je rêve du moment où les militants culturels bretons ne se presseront plus pour devenir caution bretonne du Pouvoir socialiste et préfèreront démissionner plutôt que de légitimer son inaction.

Quelle était la motivation réelle de Chesnais-Girard lorsqu’il a annoncé le blocage de la signature de la nouvelle convention spécifique ? S’agissait-il de mettre la pression sur le gouvernement pour obtenir davantage ou de préparer au mieux les prochaines élections régionales en s’érigeant en défenseur de nos langues avant les élections ?

Ce qui est sûr, c’est que la politique qu’il a menée jusqu’ici est en échec, qu’il n’a jamais cherché à la modifier, ni annoncé publiquement des objectifs politiques qui soient de nature à sauver nos langues. Là est sa responsabilité politique et même historique car nous ne cessons de prendre du retard.

Loïg Chesnais Girard aurait pu s’investir personnellement dans cette politique, exiger un bilan impartial de la précédente de la Convention signée en 2015. Il aurait pu expérimenter une autre politique, le plurilinguisme par exemple.

Il aurait pu afficher l’objectif politique naturel pour un peuple qui est d’enseigner ses langues et son histoire à tous ses enfants !!!

Nous en sommes loin et ce n’est pas faute d’avoir sollicité des rendez-vous avec lui, de l’avoir interpellé dans la presse ! Que de l’autosatisfaction, toujours !

La Convention spécifique pour les langues est le fruit de la révolte populaire des « bonnets rouges ». Le Parti socialiste aura réussi à désamorcer ces revendications populaires dans une convention aussi creuse qu’inadaptée à l’objectif consistant à sauvegarder nos langues.

Chesnais-Girard n’a toujours pas compris que les Bretons aspirent à une vraie politique porteuse d’un grand dessein pour la Bretagne, avec nos langues comme premier facteur de réussite sociale, de bien être et d’ouverture à l’autre.

Ce plan Marshall pour nos langues, nous le mettrons en œuvre avec la liste « Bretagne ma vie » menée par Daniel Cueff. Il est temps que les Bretonnes et les Bretons reprennent leurs affaires en main. Après, il sera trop tard.

Yvon Ollivier

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Vos commentaires :
Jeudi 18 avril 2024
@ à penn kaled.
Oui la Bretagne *1 devrait reprendre ses lignes commerciales avec tous nos voisins, Londre, Dublin mais aussi les espagnoles et portugais qui partagent aussi le même espace économique ... comme de l'Alsace avec l'Allemagne * 2
1 - La Bretagne historique à 5 départements car la région bretagne de peux et ne fera rien pour les bretons.
2 - Comme l'Alsace que la France a fait disparaître en 2015, noyée dans le Grand-Est ! Voilà le sort réservé aux régions-provinces qui osent préparer leurs avenir !
Depuis 2015 nous avons 13 fausses régions et depuis peut 13 «Centres régionaux d'Administration» qui sont les remplaçants de l'ENA (Nationale). Préparation d'une future «élite» formaté aux Pays de Loire et à la B4 pire que ceux qui sortaient de l'école des ânes.
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