Politique linguistique : le "grand mensonge"

Chronique publié le 27/11/21 22:40 dans Langues de Bretagne par Yvon Ollivier pour ABP
t:1
https://abp.bzh/thumbs/53/53946/53946_1.jpg
couverture du livre "chroniques d'un peuple oublié"

Sommes-nous des illuminés à relever le fait qu’avec 3% ou 4 % d’enfants scolarisés en filière bilingue bretonne, et un taux de progression insignifiant malgré l’ouverture de filières, la politique linguistique que mène la région Bretagne est une catastrophe depuis plusieurs années ? Ou alors est-ce la Région et tous ceux qui ont été amenés à collaborer avec elle pour un résultat aussi mauvais, qui pratiquent ce que j’appellerais le « grand mensonge » consistant à soutenir que tout va pour le mieux alors que le bateau coule ?

Non, nous ne sommes pas quelques « illuminés » et les yeux s’ouvrent un peu partout. Au pays basque nord, ils en sont à 41 % (50% en maternelle) d’enfants scolarisés en filières bilingues et ils pratiquent même largement l’immersion. Pour évaluer une politique linguistique, il ne faut pas se contenter de belles paroles sur le nombre d’ouverture de filières, il suffit de regarder les chiffres essentiels et de faire toute comparaison utile. Sans même qu’il soit utile de faire une véritable évaluation de la politique linguistique – ce que nous demandons depuis des années avec Bretagne majeure et que la Région ne cesse de refuser et on comprend bien pourquoi – observons le nombre dérisoire de bacheliers qui sortent du lycée en capacité de maîtriser la langue bretonne chaque année. Ils sont aux alentours de 200 ! Il n’y a pas de continuité éducative. Regardons le temps qu’il nous faudra pour rattraper le niveau des Basques du nord avec le taux de progression insignifiant du nombre d’élèves scolarisés que nous connaissons ces dernières années. Ce taux de progression est en chute régulière depuis 2003 ( de 10% par an en 2003 à 0,89 % en 2021). A Bretagne majeure, nous avons calculé qu’il faudra 150 ans pour rejoindre le niveau des Basques du nord. Alors de qui se moque-t-on lorsque l’on nous dit que tout va bien et que les outils sont en place ?

Loïg Chesnais-Girard, qui incarne ce refus de mener une politique décente, a une lourde responsabilité. Quand on veut sauver une langue malgré l’Etat, on ne collabore pas avec M. le recteur qui, en sous mains, fait son possible pour multiplier les filières franco-anglaises au développement exponentiel, là où l’enseignement du breton pourrait croître. Non, on lance une épreuve de force, et on refuse de signer avec l’Etat toute convention qui ne serait pas chiffrée et qui ne comporterait pas des objectifs et moyens dignes et ambitieux. On réfléchit à la mise en place des filières plurilingues qui permettront de généraliser l’enseignement de nos langues et on prend à bras le corps la question de la formation des enseignants. C’est maintenant qu’il faut réagir.

La politique linguistique pour Mr Chesnais Girard et le système PS, c’est de nous faire croire que tout va pour le mieux, en recourant au bon vieux clientélisme, en recrutant de belles personnalités culturelles ou politiques bretonnes qui viendront utilement leur donner la couleur régionaliste qu’ils n’ont pas. Et ça marche. Pour se dispenser de mener une vraie politique, il suffit de recruter habilement. Inutile de préciser que nous portons tous une forte responsabilité dans cet échec majeur pour la Bretagne et ce manque criant d’ambition, à force de se laisser circonvenir de la sorte. La politique menée par Chesnais-Girard est une aubaine pour M. le Préfet car ce sont les Bretons qui prennent en charge l’éradication de leurs langues.

Pour que cela change vraiment, et que la région Bretagne soit forcée de changer de cap, il suffirait que l’ensemble des Bretons renoncent à cautionner l’inaction actuelle. Il suffirait que les grands élus -Paul Molac, Christian Troadec en tête- mettent leur démission dans la balance et que personne d’autre ne songe à les remplacer à leur poste. Il suffirait encore que le mouvement culturel breton se désolidarise clairement de cette politique en échec, et nous verrions alors Chesnais-Girard revoir immédiatement sa copie.

Alors quel budget la Région consacrera-t-elle à nos langues ? Le triplement du budget comme nous le sollicitions dans le « plan Marshall » des langues ? Ce serait un moindre mal. La Bretagne dépense près de 8 millions d’euros par an lorsque le Pays de Galles y consacrait récemment une enveloppe de 167 millions de livres. Que dire de plus ? Alors M. Chesnais-Girard, puisque c’est vous qui détenez la compétence institutionnelle, ne serait-il pas temps de lancer enfin ce grand chantier du statut particulier pour la Bretagne que nous attendons depuis si longtemps ? A ce moment-là peut-être, votre « régionalisme » voudra dire quelque chose. Et surtout, mettez un terme « au grand mensonge ». On se grandit toujours à reconnaître la vérité, surtout lorsqu’elle est connue de tous.

Yvon OLLIVIER

auteur


Vos commentaires :
Jeudi 25 avril 2024
Je salue avec beaucoup de respect,la lutte des «bretonnants» pour leur langue. Mais j'ai toujours pensé que l'union faisait la force.et en Bretagne il y a «deux» langues bretonnes : le breton et le gallo. Or non seulement elles ne travaillent pas la main dans la main (mis à part SUMDI) mais d'aucuns toisent le gallo, comme la France snobe le breton. Comment voulez vous que ça fonctionne ????. Il nous faut à tous, je pense, revoir l'histoire de la Bretagne et de ses langues parlées depuis 2000 ans. Car c'est notre histoire qui devrait être notre «mètre-étalon».et notre motivation commune.
0

Écrire un commentaire :

Cette fonctionnalité est indisponible en ce moment, mais existe sur votre ordinateur.

Combien font 6 multiplié par 7 ?
Note : Ce lieu est un lieu de débat. Les attaques personnelles ne sont pas autorisées. Le trolling est interdit. Les lois contre le racisme, le sexisme, et la diffamation doivent être respectées. LES COMMENTAIRES ÉCRITS DANS UNE LANGUE AUTRE QUE CELLE DE L'ARTICLE NE SERONT PAS MIS EN LIGNE.