À la pointe du combat breton, observateur fin et théoricien de la désagrégation française, l'homme aux multiples ouvrages, on ne présente plus Yvon Ollivier. Il fait partie de notre paysage littéraire, de notre cadre de réflexion. De notre monde militant. Mais cet homme n'est pas qu'un théoricien. Dans son dernier ouvrage, très agréable : Le Livre Blanc de l'unité bretonne, éd. Yoran Embanner, il rassemble les contributions de nombre de nos contemporains, chacun spécialiste de son domaine : (voir notre article) et (voir notre article).
D'une façon pragmatique, on y découvre ce que nous perdons à ne pas être Un, du point de vue économique, sportif, culturel. Nous y apprenons aussi l'histoire administrative de notre découpage et ses dessous, pas forcément jolis-jolis.
Chaque contribution est un bijou en soi.
Ce livre devrait être connu de toutes nos élites, et nous invitons le président Macron, qui en a reçu un exemplaire, à en faire son livre de chevet à Brégançon ou à l'Élysée, et venir ensuite nous expliquer comment il peut encore justifier son comportement jacobin, et le maintien de Bretagne entre deux régions administratives.
Nous avons rencontré Yvon Ollivier, et l'avons interrogé sur ce dernier ouvrage.
Agence Bretagne Presse : Bonjour Yvon Ollivier. Quel a été l'élément déclencheur de cet ouvrage ?
Yvon Ollivier : Certains ont essayé de faire passer la réforme territoriale de la Bretagne comme une victoire, car nous n'avons pas été fondus dans un Grand-Ouest. Non ! Cette réforme territoriale est un échec. Le statu quo, la partition maintenue de la Bretagne, est un échec. Il nous fallait le démontrer. A l'heure où l'on peut penser que l'Alsace va revivre, se retrouver, il nous faut agir.
J'en veux aux élus. Le PS a montré qu'il était capable de ne rien faire. Nous avions cru en eux, il y a des années. Avec tous les pouvoirs en main, ils n'ont rien fait.
ABP : Donc ?
YO : Je me suis dit, «qu'est-ce que je peux faire? ». On ne peut plus faire confiance dans le politique. Ils ne suivront que si la société civile avance. À l'époque [les années Hollande, ndlr], il fallait leur mettre la pression, aux élus PS. Leur faisant confiance, les laissant faire, on a fait leur jeu. Aujourd'hui, il faut faire plus, ça ne suffit pas. Il ne faut pas faire confiance à la démocratie pour la Réunification de la Bretagne. D'ailleurs, ils ne nous ont rien demandé.
ABP : Qu'est-ce qui vous a guidé dans le choix des thèmes
YO : Il fallait balayer tout. Commencer par l'Histoire, puis le contexte général, la politique, les Droits de de l'Homme : comment on constitue une entité artificielle. C'est un principe colonisateur. On découpe, on met des chefs jacobins, puis on domine. Il nous faut donc avancer, nous Bretons. Combien d'argent la région des Pays de Loire a dépensé pour sa communication ? La Chambre régionale des Comptes l'a dénoncé, qui a envoyé alors son rapport à la Région. Cette dernière s'étant déclaré «droit dans ses bottes», comme diraient d'autres politiciens. Ensuite, nous avons un regard sur l'économie, les médias, le sport, le culturel, intimement liés.
ABP : Pouvez-vous nous préciser le rôle du Préfet Paul Camous ?
YO : Il fut Préfet de Loire-Atlantique de 1973 à 1976, à ce titre, Préfet de la région Pays de la Loire. Préfet, titre officiel. Ce fut l'homme des basses œuvres. Avec les documents que nous publions, nous voyons bien comment ils font, comment créer un sentiment artificiel d'appartenance. On s'attaque d'abord aux jeunes, on leur enseigne ce sentiment. Cela vient de la loi. Donc les structures suivent, administratives, mais aussi structures officielles sportives, culturelles... Ceci s'appelle la déshumanisation. C'est bien le même principe que celui qui régit la colonisation. Mais cela ne peut pas marcher. PDL n'existe pas. Cela se voit avec les trois départements (Mayenne, Sarthe et... Anjou [on voit ici que Yvon Ollivier a eu du mal à dire Maine-et-Loire, ndlr], lesquels demandent à se regrouper, pour faire contrepoids à Nantes.
Il a tout compris, ce Préfet. Il aurait été parfait colonisateur. L'homme des basses-oeuvres. Cet ancien directeur de cabinet d'Olivier Guichard alors ministre, retrouve son mentor à la Présidence de PDL. Il demande à ses services, et autres organismes proches, d'appliquer ce qu'il appliqua quand il fut préfet délégué du Val de Marne, département créé de l'éclatement de celui de la Seine le 1er janvier 1968. Tous ces outils de propagande, de déshumanisation, en vue d'une création d'une identité qui n'existe pas.
[ndlr : cette contribution sur le pouvoir du préfet, utilisé à ces fins de basses-oeuvres est particulièrement édifiant, sur la connivence entre État et Conseil régional, par copinage (pardon, par «respect républicain», sur l'utilisation des deniers publics, à des fins de propagande, sur l'autoritarisme d'un seul homme sur ses fonctionnaires, sur les courbettes des responsables d'organismes du premier cercle]. J'en recommande vivement sa lecture et ses annexes, les fameuses «notes» du préfet.
Voici un des objectifs du livre : nous avons un devoir d'alerte, en matière de déshumanisation. On n'a pas le droit de toucher aux droits (culturels, d'identité, de l'Histoire).
ABP : Y-a-t-il des thèmes que vous auriez aimé aborder en plus ?
YO : Nous n'avons pas pu tout aborder. Le livre aurait été trop épais ! C'est un ouvrage collectif, à un moment, il faut savoir arrêter et publier. Oui, il y a un thème qui me tient à cœur, celui des transports, et de l'aménagement du territoire. On peut ruiner une région avec une politique des transport et d'aménagement désastreuse. C'est à dessein qu'il n'y a pas de bonnes liaisons ferroviaires Rennes-Nantes. En revanche, on a créé des relations Angers-Nantes totalement artificielles. Elles ont été créées de toute pièce. Ce mauvais aménagement du territoire est également dramatique pour l'ouest de la Bretagne, ainsi que pour Kreiz Breizh. La France n'a pas de volonté d'aménagement du territoire. C'est un fait. Un aménagement du territoire, ce serait moins regarder Paris... Voila un thème qui pourrait être abordé plus tard.
ABP : Le thème de l'économie est-il suffisamment abordé ?
YO : Nous abordons beaucoup l'économie, avec un regard général grâce à Malo Bouëssel du Bourg, directeur de Produit en Bretagne (voir le site) , on parle du vin avec Alan Coraud, ancien vigneron et chef d'entreprise marketing (voir notre article), du sport avec Fañch Gaume, directeur général de Bretagne Football Association (BFA) ; on y parle aussi, bien entendu, de la maritimité de la Bretagne, avec Yves Lebahy, géographe (voir les nombreux échos sur ABP). Donc oui, nous parlons beaucoup d'économie. Un nouvel ouvrage nous permettrait peut-être de réfléchir plus précisément sur les nouvelles technologies, un des points forts de la Bretagne. J'aurais aimé aussi faire appel à un politologue.
ABP : Yvon Ollivier, vous êtes optimistes pour la Bretagne ?
YO : Difficile de répondre. Si je pense au fait que jamais la France ne nous donnera rien, je suis pessimiste : on étouffe à petits feux, au profit du système de Paris. Il y a une cassure qui est en train de se faire. C'est la responsabilité de la France. C'est une bêtise, car la majorité des Bretons se sentent aussi français.
En revanche, je suis optimiste quand je vois le comportement de certains. Regardez ces jeunes qui ont osé tenir tête, risquant leur bac ou leur brevet, pour gagner le droit de s'exprimer en breton. Les Bretons sauront se prendre en main, car notre salut est là. Il faut mettre la pression. Le système est contre nous philosophiquement, depuis longtemps. Cela se voit avec la maritimité de la Bretagne qui a disparu. Notre premier fournisseur est le port du Havre ! Il faut se prendre en main, sinon, c'est la mort de notre culture. Tout est lié, la culture, l'économie. Il faut se prendre en main, sinon, c'est notre disparition.
ABP : Jean Blaize, le Monsieur Culture de Nantes vient de dire dans Bretons qu'il est pour la Réunification. Qu'en pensez-vous ?
YO : Je n'ai pas encore lu son interview. Cela semble être un signe. Comme quoi il faut mettre la pression. La société bretonne est obligée de réagir, sinon, c'est l'étouffement. Il faut trouver ce qui va déclencher cette prise de conscience.
ABP : Un pouvoir central qui donne plus de pouvoir aux actuelles régions administratives, n'est-ce pas un risque de rupture encore plus forte en la région Bretagne et le Pays Nantais (la Loire-Atlantique) ?
YO : Au contraire, plus de pouvoirs à la région Bretagne, c'est encore plus de prise de conscience potentielle pour la société civile nantaise (du Pays Nantais). L'avenir de la Bretagne, c'est la maritimité. Nantes-Saint-Nazaire y a toute sa place. Nantes, c'est l'identité bretonne, et Nantes, c'est l'ouverture. La Basse Bretagne a besoin de Nantes.
Le Livre Blanc de l'unité bretonne est publié chez Y. Embanner
Yvon Ollivier est auteur, juriste et porte-parole de la coordination des juristes de Bretagne
Il est l'auteur de :
- Les Frères Kerveguen : (voir notre article) Et si le pire nous attendait ? Pour Yvon Ollivier, Le pire, c'est l'extrême droite au pouvoir et (voir notre article) Avec 'Les Frères Kerveguen' d’Yvon Ollivier, les Bonnets Rouges ressortent. La Bretagne se défend. Et ça fait mal
Proella (voir notre article) «Proella», l'événement littéraire breton de l'année. Rencontre avec l'auteur : Yvon Ollivier (voir notre article)
- La France comme si : (voir notre article) Quel avenir pour la République ?
- Gueule cassée: (voir notre article) : « Gueule cassée - Lom ar geol », Yvon Ollivier chez Yoran Embanner
-La Désunion française : (voir notre article) La Désunion française, essai sur l’altérité au sein de la République. Présentation du livre d’Yvon Ollivier à Nantes
et tout récemment :
- Playdoyer pour nos communautés (voir notre article) De la servitude volontaire
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