Venu dans le cadre de Taol Kurun, Yvon Le Men a d'abord répondu aux questions des collégiens et des lycéens, pour ensuite lire quelques extraits de son oeuvre abondante (soixante livres), le lendemain, il était à la médiathèque de Mellac pour présenter ses deux derniers ouvrages.
Yvon Le Men débute sa carrière en 1974 avec un concert historique à Plémet en compagnie de Servat et Kerguiduff. Il est tout jeune, mais il a décidé : il sera poète. Cinq au bac de français en se plantant le bec dans l'Albatros de Baudelaire, voici l'apprenti poète qui se fait éditer par PJ Oswald pour son premier opus franco-breton : Vie. Mais déjà, quand il tague sur les murs de Rennes «À bas les patrons !», il rajoute en dessous, en Ps, la phrase de Malrieu, un de ses «pères» en poésie «le bruit court qu'on peut être heureux».
Il vit alors intensément cette période où la poésie s'écoute, se lit. Il fait partie de toutes les luttes, à Plogoff, dans les manifs... Mais la traversée du désert de 1980 à 1990 est douloureuse. Au deuil de son père, trop tôt dans sa vie (il avait douze ans) s'ajoutent les deuils des femmes aimées, des amis... Inspiré par Guillevic, Xavier Grall, François Cheng, il se tourne vers une poésie plus intimiste comme dans «L'Échappée blanche», puis vers la prose «La clef de la chapelle est au café d'en face», allant dans le quotidien des artistes bretons, mais aussi du voisin, de l'ami... Il devient le responsable de la Poésie aux Etonnants Voyageurs à St Malo, et du festival «Il fait un temps de poème» à Lannion. Il voyage dans le monde entier, publie ses poèmes en plusieurs langues, organise des ateliers pour enfants et adolescents dans les écoles, tout va bien...
Mais Pôle Emploi lui réclame 30 000 euros, et il ne comprend pas. On lui dit qu'il n'est pas un artiste, mais un conférencier, son statut d'intermittent est contesté. Il écrit alors «fin de droits», un long poème écrit en trois jours, publié par son éditeur fidèle, Bruno Doucey, illustré par Pef. Le livre fait mouche, et il rassemble des soutiens innombrables. Le poète va s'en sortir, son livre est lu et devient le manifeste de tous les incompris de Pôle emploi avec «ses mots de pauvre, ses pauvres mots»; humour et cynisme, quotidien de tant de personnes dans ce pays...
Alors Yvon va bien, il continue, édite, reçoit le Prix Goncourt 2019 des mains de Tahar Ben Jelloun en présence de Bernard Pivot, dans les salons parisiens, c'est la consécration. On le demande partout, il a de multiples projets. Sa résidence à Maurepas l'a fait connaître, «Babel» sort, magnifique livre illustré, plaidoyer pour toutes les banlieues du monde... Adapté par Brigitte Chevet, le film rencontre aussi son public et on parle de plus en plus de ce poète étonnant, discret, à l'écoute des autres et du monde...
Puis, c'est le confinement. Tout s'arrête ? Presque. Yvon reste dans sa maison, fait le tour du jardin, observe les oiseaux, lit les astrophysiciens, les cosmonautes, relie le plus petit au plus lointain... Et deux livres sortent en ce mois de février morose qui redonne des couleurs à la littérature : «La baie vitrée» et le réjouissant «La Bretagne sans permis» qui fait rire, qui lève les préjugés sur les conducteurs de ce type de véhicule, et qui emmène dans un road movie désopilant et grave par moments (l'ascension à ste Tréphine, avec l'enterrement de Yann Fañch Kemener, par exemple, ou le couvent de l'île de Batz...) un lecteur qui en redemande...
On ne peut que vous recommander, en ces temps de crise et de re-création d'une société malade, d'un virus et de tant d'autres choses... de lire et de relire Yvon Le Men...
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