David Petersen, qui a organisé depuis 28 ans la participation galloise au Festival interceltique de Lorient et qui a conduit lui-même la délégation du Pays de Galles au Festival depuis 17 ans, vient d'être contraint à la démission par le gouvernement de l'Assemblée du Pays de Galles.
Durant 20 ans, cet artiste qui vit à St Clears et qui forge des œuvres en métal, a été responsable de l'organisation des expositions d'art envoyées au Festival de Lorient. Il est ainsi l'un des plus anciens membres du comité d'organisation du Festival interceltique et, avec d'autres, il a contribué à en faire ce qu'il est devenu aujourd'hui.
Plus de 750 000 visiteurs se rendent chaque année au Festival interceltique qui voit aussi venir plus de 700 correspondants de presse du monde entier et qui jouit d'une notoriété vraiment internationale.
Ce festival qui se tient chaque année au début du mois d'août, est devenu un des plus grands festivals de la planète et c'est sans aucun doute le plus grand et le plus réussi de tous les festivals qui célèbrent la culture celtique. Chaque année, une nation celtique différente est spécialement mise à l'honneur. David Petersen a eu ainsi à deux reprises, en 1997 et en 2002, la responsabilité d'organiser la présence du Pays de Galles comme invité d'honneur à Lorient. Il a mené cette lourde tâche de manière totalement bénévole et sans exiger de budget spécial pour ses dépenses et ses voyages.
Le premier ministre gallois, Rhodri Morgan, ayant signé un accord pour que 2008 soit à nouveau l'Année du Pays de Galles au Festival interceltique, ce pays s'est engagé à prendre en charge cette année un grand chapiteau consacré à la culture galloise, à financer le concert de gala et également une exposition d'art. Tout ceci vient naturellement en plus de la participation habituelle consistant en l'envoi d'une harpiste, d'un chœur d'hommes, de plusieurs groupes folkloriques, d'un professeur de langue galloise et d'autres acteurs du monde culturel gallois. C'est à la Division des affaires européennes et extérieures du gouvernement issu de l'Assemblée galloise qu'a été confiée, sous la responsabilité du premier ministre, la mission de choisir les entreprises privées qui devront réaliser le chapiteau du Pays de Galles et s'occuper de son contenu. L'équipe chargée du projet au nom du gouvernement gallois est constituée d'une Irlandaise, Ifona Dealy, et d'une Anglaise, Jill Clements.
La conception et la construction ainsi que la réalisation du contenu ont été confiées à une société privée basée à Barry, qui porte le nom de Push 4. Son devis pour la réalisation du chapiteau gallois s'élève à 250 000 £ (environ 370 000 €). C'est cette même société qui avait été choisie précédemment par le gouvernement écossais pour réaliser le chapiteau de l'Écosse l'an dernier, dans le cadre de l'Année de l'Écosse.
Beaucoup de gens furent mécontents du chapiteau de l'an dernier. «Bien qu'il fut assez grand et situé vraiment au cœur du Festival, il laissa beaucoup à désirer» selon Mr Petersen. «Le contrat portant sur le chapiteau du Pays de Galles fut passé avant le dernier Festival interceltique de Lorient et donc avant que les deux représentants du gouvernement gallois puissent voir la réalisation de Push 4» (pour l'Écosse).
«La Division des affaires européennes m'a expliqué qu'à la différence de ce qui s'était passé en 2002, quand nous avions travaillé tous ensemble à l'Année du Pays de Galles, avec un énorme succès, je n'aurais cette fois strictement rien à voir avec le contenu du chapiteau».
La totalité du contenu du chapiteau ainsi que le choix des groupes qui s'y produiraient, seraient de la seule responsabilité de Push 4.
Quand il devint manifeste que Push 4 était en train de prendre contact au Pays de Galles avec des groupes jouant de la musique irlandaise, Mr Petersen proposa d'apporter ses conseils à Push 4 pour le choix des groupes appropriés qui seraient appréciés au Festival de Lorient, mais ses conseils furent ignorés et, dans la plupart des cas, il fut procédé à des choix diamétralement opposés à ses suggestions.
Push 4 engagea alors Danny Kilbridge comme «conseiller musical» avec un salaire de 4 500 £ (env. 6 700 €). C'est lui qui a la responsabilité du budget de 63 891 £ (95 000 €) destiné à la programmation musicale sous le chapiteau. Sur la liste initiale des groupes devant s'y produire, on trouvait, selon Mr Petersen, sept formations dans lesquelles jouent Danny Kilbridge ou ses frères. Par exemple, le groupe SILD qui se vante de compter parmi ses musiciens 'le meilleur violoniste d'Estonie«.
Une somme supplémentaire de 20 000 £ (près de 30 000 €) a été »trouvée« pour le concert de gala qui doit être donné dans le Grand Théâtre au centre de Lorient. C'est un nouveau rendez-vous qui a permis les années précédentes de donner à la nation à l'honneur l'occasion de commander une nouvelle œuvre dont la création mondiale a lieu pendant le Festival.
En raison du délai nécessaire à l'écriture d'une œuvre, Mr Petersen avait proposé, quatre ans plus tôt, à Alan Osborne, talentueux compositeur lyrique, de Merthyr, d'écrire un opéra pour le concert de gala du Festival de Lorient. En 2002, le gouvernement gallois, alors dirigé par une coalition Libérale-Travailliste, avait apporté son entier soutien à la commande passée par Mr Petersen d'une œuvre de théâtre et de danse appelée 'Coedan Dan' et celle-ci avait été unanimement saluée par la presse et les autres médias comme une réussite faisant honneur au Pays de Galles en tant que nation.
Quand le premier ministre gallois fit savoir que son gouvernement ne financerait pas l'opéra projeté, mais souhaitait qu'il y ait à sa place un concert de musique traditionnelle, il fut demandé à Mr Osborne d'écrire un oratorio qui serait joué pendant le festival et dont le financement serait trouvé auprès de mécènes privés. Le comité du Festival insista en effet pour que l'œuvre présentée soit une création, même si ce devait n'être qu'un oratorio. La recherche de fonds rencontra un certain succès, mais, malheureusement, les événements ont rendu impossible cette création cette année.
De la même façon, en raison des délais nécessaires pour préparer une exposition artistique de qualité, des contacts avaient été pris avec plusieurs artistes de niveau international pour qu'ils puissent présenter des œuvres dignes de l'Année du Pays de Galles. En 2002, le gouvernement gallois avait soutenu les propositions de Mr Petersen et financé une exposition intitulée 'Ystyr y Tir' conçue par Shelagh Hourhane et réunissant des œuvres de plusieurs artistes gallois de très haut niveau.
»Pourtant, c'est l'organisme Wales Arts International qui a été chargé cette année par le ministre du Patrimoine, Rhodri Glyn Thomas, d'organiser l'exposition d'art, à nouveau sans jamais me consulter« indique Mr Petersen. »Au cours d'une réunion chez le directeur de Wales Arts International, Eluned Haf, il m'a été indiqué que «Wales Arts International ne soutiendrait qu'un seul artiste cette année, partout dans le monde, et que son nom était Iwan Bala». C'est lui dont les œuvres allaient représenter le Pays de Galles au Festival interceltique. Le choix d'œuvres qu'il a fait, aura pour titre «Hon».
«Dans la lettre que m'a adressée le premier ministre, celui-ci m'a écrit que »Iwan Bala est l'un de nos meilleurs artises contemporains qui tire son inspiration des mythologies celtique et grecque«.
»J'ai eu l'occasion d'aller voir cette exposition et j'ai été horrifié en prenant connaissance de la «déclaration de l'artiste» présentée dans l'exposition. Il y affirme que «les Celtes n'ont jamais existé, qu'ils sont une construction moderne, fondée sur une une fausse ethnicité générique, et qu'ils auraient aussi bien pu se désigner eux-mêmes sous le nom d'Atlantes». Plusieurs de ses dessins ont pour titre 'Nid Celt' (non celtique).« »J'ai écrit à Eluned Haf pour lui faire observer que si cet ensemble d'œuvres devait être présentée au Festival interceltique pour représenter le Pays de Galles, il risquait de susciter des remous et serait certainement considéré comme inapproprié dans le cadre d'un tel événement. J'ai téléphoné à John Howells, le directeur de la culture au gouvernement gallois, qui m'a dit «que mon attitude était contreproductive et que n'avais pas à envoyer de telles lettres à ses collaborateurs !» «J'ai dû ensuite prendre contact avec les artistes auxquels j'avais demandé initialement de préparer des œuvres pour »l'Année du Pays de Galles« et j'ai dû leur expliquer que leurs œuvres ne seraient pas exposées.»
«En dépit des assurances qui m'avaient été données selon lesquelles, je devait être tenu informé »de manière permanente« par l'Administration, je n'ai reçu aucune information de la part des fonctionnaires durant plus de trois mois et les organisateurs du Festival interceltique ont commencé à poser des questions très pressantes sur la participation galloise».
Le directeur du Festival, Lisardo Lombardia et l'ancien directeur, Jean-Pierre Pichard, se sont rendus spécialement à Cardiff en septembre pour rencontrer le premier ministre et le ministre du Patrimoine afin de s'assurer que toutes les personnes concernées étaient bien tenues informées de ce que qui se préparait pour l'Année du Pays de Galles (en 2002, un groupe de travail avait été mis sur pied et avait fait un excellent travail).
Mr Petersen a alors rencontré le ministre du Patrimoine, Rhodri Glyn Thomas, avec John Howells et Antwn Owen Hicks, du Conseil des arts du Pays de Galles, pour essayer d'avancer dans les domaines pour lesquels il n'avait cessé de demander des informations sur qui et quoi allaient représenter le Pays de Galles à Lorient.
Au cours de la semaine précédant cette réunion, Mr Petersen avait donné trois interviews à la BBC (radio) à propos du Festival interceltique. «Je me suis trouvé dans une position très embarrassante pour parler des musiciens qui s'y rendraient et de ceux qui ne s'y rendraient pas !», explique-t-il.
«Lors de la rencontre avec le ministre du Patrimoine, il m'a été dit que »mon attitude était intolérable et que je n'avais pas à écrire aux fonctionnaires de cette manière !«. J'ai été traité d'une manière tout à fait déshonorante, contre laquelle j'ai protesté. Aucun des représentants du gouvernement gallois ne me manifesta la moindre reconnaissance pour le travail passé, pour l'organisation très réussie de la dernière Année du Pays de Galles, ni pour les 17 années durant lesquelles j'avais été responsable de la délégation galloise à Lorient. On ne me laissa pas d'autre choix que de présenter ma démission».
«J'ai informé le directeur du Festival interceltique de ma démission et des raisons qui m'y avaient conduit. Il m'a supplié de la reprendre, mais a compris la situation impossible dans laquelle le gouvernement gallois m'avait placé. Non seulement on a refusé de me communiquer la moindre information sur ce qui avait été décidé, mais on ne m'a jamais consulté sur aucune des décisions prises. J'ai travaillé bénévolement durant toutes ces années et maintenant mes fonctions ont été distribuées à des gens qui n'ont aucune connaissance de ce qui est attendu au Festival et qui bénéficient, eux, de coquets appointements».
Lors d'une récente réunion du comité du festival à Paris, David Petersen a officiellement présenté sa démission de chef de la délégation galloise et elle n'a été acceptée qu'à contrecœur. Antwn Owen Hicks qui est employé à plein temps par le Conseil des arts du Pays de Galles, a été désigné pour lui succéder.
Mr Petersen est toujours impliqué dans I3C la société de production issue du Festival pour organiser et mettre en scène des événement celtiques de grande envergure à travers l'Europe. Le tout dernier concert a eu lieu le 15 mars au stade de Bercy, à Paris, et le harpiste virtuose gallois Robin Huw Bowen en a été une des têtes d'affiche à côté d'Alan Stivell. Le prochain grand concert aura lieu en mai à Rennes au stade de la route de Lorient et le chœur d'hommes de Flint y chantera notamment devant 28 000 spectateurs.
Mr Petersen prépare aussi le déplacement de 150 patrons bretons qui se rendront à Cardiff pour une mission économique au mois de septembre.
Gwyn GRIFFITHS
Traduction Bernard Le Nail. Voir (voir notre article) pour le texte original en anglais.
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