Violé par un frère de Ploërmel quand il avait 11 ans, il demande 100 000 euros à l'Église en gu

Chronique publié le 27/02/23 11:04 dans Religion par Philippe Argouarch pour Philippe Argouarch
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Le lycée Notre Dame aujourd'hui (photo Paco)

Le photographe Alain Guillou a finalement étalé sur la place publique, en l'occurrence sur les réseaux sociaux, ce qu'il s'est passé il y a 62 ans alors qu'il était pensionnaire au collège Notre Dame de Guingamp.

Cette institution d'enseignement privé était gérée depuis 1957 par les frères de Ploërmel. Les Frères de l'instruction chrétienne de Ploërmel forment une congrégation laïque masculine de droit romain qui se consacre à l'éducation de la jeunesse et est présente dans une vingtaine de pays. Elle a été créée en 1819 par le Malouin Jean-Marie de La Mennais et son siège est à Rome. En 1959, Notre Dame de Guingamp passa sous contrat avec l'Éducation nationale et le dernier frère de Ploërmel quitta le lycée en 1988.

Alain Guillou raconte son histoire après des années de silence. Une histoire qui l'a marqué à jamais. Il s'agit d'un crime sexuel accompagné d'actes de torture et de menaces : « Le Frère Célestin, Proviseur de Notre Dame de Guingamp, j'avais alors 11 ans, m'a violé. Le frère Célestin se glissait dans le lit des gamins la nuit et les violait. Il convoquait le lendemain sa victime dans son bureau et leur demandait de joindre les doigts d'une main devant eux, et il tapait de toutes ses forces avec une règle en métal. Il menaçait de recommencer si les enfants mentionnaient ce qu'il s'était passé pendant la nuit.  J'ai une légère déformation de la dernière phalange de mon index gauche qui a dû être très probablement fracturé à cette occasion. » D'après Alain, au moins deux autres gamins ont été les victimes du frère Célestin, il a vu leurs bleus au bout des doigts. On ne sait pas combien d'enfants ont été abusés par ce pédophile car seul Alain Guillou a témoigné.

Entre 2500 et 3200 pédocriminels au sein de l'Église

Le rapport Sauvé de la Commission indépendante des abus sexuels dans l'Église (CIASE) fait 2500 pages et a été publié en 2021. Il a estimé le nombre de prédateurs entre 2900 et 3200, laïcs, prêtres ou religieux, sur une période de 70 ans. Une «estimation minimale » selon ce rapport commandité par l'Église. Le nombre de mineurs sexuellement agressés au sein de l'Eglise est estimé par le CIASE à près de 330 000.

Le rapport reconnaît les conséquences tragiques de ces crimes contre l'enfant car cet acte « imposé par l’adulte à un enfant en plein développement vient saper profondément des choses aussi importantes que l’estime de soi, la confiance en soi et en ses choix, la confiance dans l’adulte, et c’est tout l’univers de sens de l’enfant et ses croyances fondamentales qui sont profondément altérés, ce qu’un témoin désigne sous le terme d’une confusion qui ne l’a plus jamais quitté. L’enfant se retrouve abandonné par tout ce qui le soutenait, seul, dans un monde auquel il ne peut plus trouver de sens, et c’est ainsi qu’il devra grandir et devenir adulte.»

Et la Bretagne ?

La Bretagne n'a pas été épargnée par ces actes pédophiles en provenance de membres du clergé, d'autant plus qu'une grande partie de l'éducation en Bretagne était jusque dans les années 80 du domaine privé, gérée par des prêtres ou des frères, qui par ailleurs obtenaient d'une façon générale de très bon résultats scolaires, autant le reconnaître. Beaucoup estiment aussi avoir acquis là un système de valeur qui a donné un sens à leur vie.

Le Frère Célestin est aujourd'hui décédé, mais les faits sont reconnus par le responsable provincial des frères de Ploërmel, le Frère Yannick Houssay. Selon lui, une dizaine de personnes auraient demandé des réparations pour des faits similaires qui se seraient produits sous la tutelle des frères de Ploërmel en Bretagne.

ABP a aussi entendu le récit d'un Breton qui était abusé en pleine classe par un religieux pédophile alors qu'il était élève de l’école Saint-Tudy à Loctudy en Pays Bigouden au début des années 1970. Ce frère, lui, dépendait de l'Institut des frères de Saint-Gabriel. Une quarantaine de victimes se sont déjà déjà déclarées et une ne réunion publique a été organisée pour tenter de retrouver des victimes des violences et actes pédophiles du frère Gabriel Girard. Cet instituteur enseignait à l'école primaire Saint-Tudy de Loctudy, à Pont L'Abbé, mais aussi en Loire-Atlantique dans les années 50, 60 et 70. 14 victimes du frère Gabriel Girard,

alors au collège d'Issé, ont été entendues par la CRR l'année dernière

Le bilan sur la pédocriminalité en Bretagne reste à faire.

Reconnaissance et réparation

Les faits sont prescrits, mais la Conférence des religieux et religieuses de France ( la CORREF) a reconnu un dérèglement systémique et a créé une commission composée principalement de juristes,  la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) qui a déjà audité 450 cas en France, selon des chiffres publiés jeudi 1er décembre 2022 par le journal La Croix . Le frère Yannick Houssaie que nous avons contacté a déclaré « rester à l’écoute de toute victime qui voudrait se faire connaître. Je les invite également à prendre contact avec la CRR qui fait un excellent travail, reconnu par les victimes que j’ai pu rencontrer, certaines grâce à cette commission.»

La commission, présidée par le juge Antoine Garapon audite les victimes et propose des réparations entre 5000 et 60 000 euros. Selon leur site plus de 650 personnes ont contacté la commission. Sauf que pour Alain Guillou, la commission a tendance a minimiser les faits. Il estime que cette agression de la part du frère Célestin a eu de très graves conséquences dans ses relations avec sa famille, qui ne l'a jamais cru, et a causé le fiasco de son éducation puisque cet ignoble acte a fait de lui un rebelle. Il a été renvoyé de plusieurs établissements scolaires. Il parle  de « dégâts physiques, moraux et financiers occasionnés en cascade sur une vie entière gravement impactée par ce prédateur sexuel ».

Une enfance brisée

Alain envisageait de devenir pilote de ligne comme son père mais pour lui tout a foiré à cause de ce qu'il s'est passé au collège. A cette époque on ne croyait même pas les filles quand elles étaient violées ou juste tripotées, encore moins un gamin. Alain déplore que la relation avec son père s'est détériorée à ce moment. Il raconte : « En punition pour ma fugue et pour me faire taire sur ce qu'il s'était passé au collège, ma tante a demandé à un de ses amis de me rouler nu dans un champ d’orties…. il l'a fait et il avait des gants ! »

Alain Guillou estime que la destruction de ses rêves d'enfants et de la confiance qu'il avait dans les adultes n'a pas de prix. Il réclame 100 000 euros et déplore que la CRR ait tenté de minimiser ce qu'il s'est passé. Il déplore sur son site que la CRR soit « composée principalement de juges et d'anciens juges faisant preuve d'une reconnaissance minimisée et de mensonges flagrants, dans le seul but de limiter le montant des réparations.» Pour lui, 100 000 euros, c'est un minimum pour des choses qui malheureusement ne peuvent plus être réparées.


Vos commentaires :
Pascal Dazin
Samedi 23 novembre 2024
Alain Guillou a bien raison de souligner que la commission du clergé est sous la coupe du pouvoir judiciaire français. De façon plus générale qu'au sujet du viol de petits garçons par des pédérastes qui se camouflent volontiers dans les églises et confessent ensuite leurs viols, le clergé collabore tellement avec le pouvoir judiciaire français qu'à ses yeux, s'il ne se les masquait pas, il devrait confesser ce qu'il appelle un «péché mortel». En effet, tous les membres du management clérical (évêques, archevêques, pape, etc..) savent comment est exploitée et dénaturée la famille dans les tribunaux dits «des affaires familiales». Tout le clergé sait parfaitement les injustices et le traitement discriminatoire qui prive les enfants de leur père en tant que parent efficace, tout le clergé se tait au sujet du viol journalier et «banal» au sens qu'Hannah Arendt donnait au mot, des conventions ratifiées dans cet hexagone, exclusivement pour assurer que les AFFAIRES familiales tournent sans jurisprudences venant gripper leur machine d'exploitation. Oui, confesser qu'on a violé des gamins parce que l'on a eu des «pulsions» pédomaniaques, c'est devenu fréquent (du moins quand on est curé mais pas quand on est magistrat ou avocat pédoclaste). Mais le clergé a déshonoré de longue date l'idéal chrétien! Il n'est plus bon qu'à se prosterner et qu'à vivoter tant bien que mal...De plus, toute cette opération de communication sur le repentir des pédérastes au sein du clergé a pour but sournois de faire croire que l'appareil judiciaire français aurait quant à lui bonne conscience. Or cette mafia pseudo-légale est encore pire que le clergé!

Pascal Dazin, président de l'Alphabet du Respect des Enfants


Alain Guillou
Samedi 23 novembre 2024
Bonjour ,

Si vous m'envoyez un mail je vous donnerai l'adresse du site que j'ai créé : alain(at)guillou.com

Note : remplacer (at) par un @

Ce site explique par ailleurs comment je propage cette information auprès de plusieurs millions de personnes sur les réseaux sociaux.

Cordialement
Alain Guillou


p.brard@hotmail.fr
Samedi 23 novembre 2024
Alain,
Je vous souhaite tout le courage possible pour surmonter ce terrible passé. C'est notre devoir à tous de mettre ces faits en lumière, pour éviter leur reproduction, réparer autant que faire ce peu vis-à-vis des victimes et donner une image de l'Eglise conforme au message du Christ.
Fraternellement.
Pierre

Naon-e-dad
Samedi 23 novembre 2024
Je note que Marie Balmary, psychanalyste et bibliste, fait partie de la CRR. Assurément, un gage de sérieux - j'ai eu l'occasion et la chance de l'entendre à l'oral, en conférence ou intervention publique, il y a plus d'une vingtaine d'années: très éclairant - dans une affaire aussi grave et d'une telle ampleur....
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Le fait que l'Eglise ne soit pas seule (pensons aux milieux du show-biz, du sport, de l'enseignement public, du journalisme, voire de l'entreprise, sans oublier des familles elles-mêmes, nous dit-on) dans ces comportements destructeurs, n'est pas un argument atténuateur.
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J'oubliais les politiciens. Souvenez vous du « premier s’crétaire du PCF » qui a une époque avait défrayé la chronique en parlant de « droit de cuissage ». Plus près de nous, ces dernières années, nos députés discutaient pour décider à partir de quel âge une jeune fille pouvait être considérée comme consentante. Il était question de placer la barre à 13 (treize) ans, ce qui revient à institutionnaliser ou légaliser la pédo-criminalité! Quels lobbies masqués sont à l'oeuvre derrière ce genre de propositions ? Pourquoi les médias ont-ils été si faibles à réagir à ce moment-là?
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Au moins l'Eglise a-t-elle le mérite, tardivement et dans la douleur, de s'être emparée du problème. Mais les autres milieux évoqués plus haut, que font-ils sinon espérer qu’ils ne seront pas éclaboussés (surtout pas de vagues) dans ce genre d’affaires ? Notre société est-elle devenue malade à ce point ? Ou l’a-t-elle toujours été, dans les siècles passés ?
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Quand à M. Guillou, il «estime que la destruction de ses rêves d'enfants et de la confiance qu'il avait dans les adultes n'a pas de prix». J'ai envie de lui dire que je comprends quelque chose dans ce qu'il dit. Mais combien - même sans avoir été exposés à la pédo-criminalité - pourraient tenir un constat de cet ordre?
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Saint-Exupéry, quelque part, a une parole forte, au sujet des enfances endommagées, quand il écrit: «C'est Mozart qu'on assassine!». Combien de Mozart assassinés dans notre République? Qui le saura jamais?
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O c'hortoz, tud evel Marie Balmary eo hon eus ezhomm evit kompren penaos lenn ar Bibl.
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Naon-e-dad
Samedi 23 novembre 2024
En relisant mon premier post, je précise: c'est comme bibliste et rien d'autre que j'ai entendu Marie Balmary, à une époque où le sujet évoqué dans l'article était hors champ médiatique.
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Les lecteurs bretonnants - avec la phrase finale - auront compris mon propos initial. Les autres peut-être pas...
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Mil digarez. Mille excuses.

KLG
Samedi 23 novembre 2024
Quelle honte...
Pour bien moins que cela et pour 1 seul cas, des établissements et associations sont fermées.

La Laicité n'existe pas vraiment en réalité...


Alain Guillou
Samedi 23 novembre 2024
Bonsoir,
Je vous ai adressé un mail avec l'adresse du site que j'ai créé et dans lequel les écrits de la CRR démontrent que cette association ne mérite pas son nom !
Bonne soirée et merci pour vos encouragements
Alain Guillou

Piero Brogi
Samedi 23 novembre 2024
Comme je vous comprends Alain,

J'ai éprouvé exactement la même rage quand après plus de 40 années, la mémoire, hélas, m'a restitué ce que mon cerveau de bambin avait censuré, pour me protéger de l'inconcevable.
Alors, on se pose finalement la terrible question de savoir si notre destin est celui pour lequel nous nous sommes battus toute une vie, ou celui puant et collant qu'un pédophile en soutane nous a laissé dans nos consciences d'enfants, saccagées. Faire le tour de ces questions m'a presque achevé à plus de 50 ans, 60 maintenant, alors qu'à mon age tout être humain espère trouver un peu d'apaisement et d'équilibre.
En tous cas je vous souhaite bon courage Alain (et je le souhaite à moi même).
Il faut faire les comptes avec ce qu'on a pas pu être, et c'est difficile à accepter, sinon impossible.

Vous pouvez lire le témoignage que j'avais laissé sur le forum de la Parole Libérée en 2019.. Ma rage de l'poque et d'aujourd'hui ressemblent beaucoup à la vôtre.
Je suis aussi sur FB, avec mon nom si vous voulez me contacter (je n'ai pas à avoir honte).
Je vous embrasse fort, plein de solidarité.
Piero

Voir le site


Jean-Marc TARTOUE
Samedi 23 novembre 2024
Merci Alain Guillou
Je viens de témoigner auprès de CCR. Je constate à mon tour que notre parole provoque la surdité de nos interloccuteurs. Je vais corriger le compte rendu, attendre la suite.
Le viol, l'abus sexuel ou moral prive des hommes d'accéder à la compréhension. Le violeur, l'abuseur se privent de la connaissance.
Restons debout pour leur témoigner que levioleur est un menteur.
Arrêtons de leur prêter l'oreille.
Regardons ceux qui construisent les hommes.

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