Le décret d'application de la loi Morin (reconnaissance et indemnisation des victimes des essais nucléaires) consolidée au 18 décembre 2013 est paru au JO le 17 septembre dernier.
Ce décret 2014-1049 du 15 septembre confirme quelques améliorations mineures par rapport au précédent texte.
Le CIVEN (comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires) devient une autorité administrative indépendante dotée de moyens et prérogatives supplémentaires. Ses décisions seront indiscutables et indépendantes de tout ministère. Ainsi, il ne sera plus possible de former un recours gracieux ou hiérarchique contre une décision qui apparaîtrait injuste. Le demandeur, affaibli par le cancer, devra introduire un recours bien aléatoire devant le tribunal administratif de son domicile. La procédure n'est ni simplifiée ni accélérée.
Un médecin désigné de concert par les associations siègera au CIVEN, mais seul face à 9 confrères, sa voix portera-t-elle ? Le demandeur peut être entendu au CIVEN d'Arcueil avec un accompagnateur de son choix. Quel médecin ou avocat peut prendre une demi-journée pour accompagner un patient ou un client ? Les frais de déplacement du spécialiste restent à la charge du demandeur. Notons que le principe du contradictoire était déjà prévu par l'ancienne réglementation.
Le volet reconnaissance (décoration, diplôme, TRN…) est oublié.
Grande nouveauté : la commission consultative de suivi sera présidée par la ministre de la santé et non plus celui de la défense. Satisfaction morale pour quelques antimilitaristes et antinucléaires. Cela ne change rien du tout sur le fond. Le CIVEN produira un rapport annuel d'activité mais aucune date limite n'est imposée.
Ce décret fait la part belle au CIVEN dont on rappelle ici les performances. Au 1er avril 2014, sur 772 dossiers complets, valables et examinés, le CIVEN a accordé 14 modestes indemnités (barème ONIAM discutable) dont 9 pour les Polynésiens dont le dossier est préparé par un médecin militaire en poste à Papeete! Le taux des rejets reste figé à 98,5% à cause de la rédaction perverse de l'article 4 alinéa 2 de la loi initiale de 2010 qui invente, sans rien prouver, la notion de risque négligeable. C'est le cancer de la loi Morin et les parlementaires de la majorité présidentielle ont refusé de modifier cette rédaction scélérate. Par conséquent, en dépit de quelques habillages mineurs, on peut craindre la reconduction d'un système qui ne remplit pas ses objectifs. L'obligation pour le CIVEN de justifier sa décision de rejet n'est même pas reprise dans le décret.
Depuis 5 ans, l'ANVVEN est la seule association vraiment représentative à dénoncer cette disposition « guillotine » qui exécute 98% des demandes valables qui répondent aux 3 conditions posées par la loi : cancer radio induit + secteur géographique + période d'exposition. Pour éviter une déconvenue quasi certaine, l'ANVVEN a déconseillé à ses adhérents et sympathisants d'envoyer leur dossier au CIVEN…. ce qui a provoqué l'agacement du ministre. Envoyer des dossiers au CIVEN c'est reconnaître, admettre et encourager sa méthodologie. La responsabilité des autres associations, plus ou moins représentatives, est engagée. Aujourd'hui, l'ANVVEN constate que la disposition insupportable de risque négligeable est toujours en vigueur et par conséquent on ne voit pas comment les statistiques du CIVEN pourraient s'améliorer. Les mêmes causes produisent généralement les mêmes effets.
Pierre Marhic
Président de l'ANVVEN
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