La Station biologique de Roscoff, ce centre emblématique de la recherche bretonne en biologie marine, accueillait mardi 29 novembre, un colloque sur les algues, une ressource naturelle sur laquelle l'industrie agro-alimentaire bretonne est en train de construire un futur durable et oui, radieux. Intitulé La valorisation des macro et micro algues «Les biotechnologies bleues au service d'une industrie agro-alimentaire durable, de l'aliment à l'emballage.», le colloque était organisé par le Forum Blue Cluster pour le pôle Mer Bretagne-Atlantique avec la collaboration du Centre d’étude et de valorisation des algues (CEVA) basé à Pleubian, de Blue Train qui vise à positionner le territoire breton en tant que pôle d’excellence en formation professionnelle dans le domaine des biotechnologies marines, le projet ULVANS qui travaille à transformer les algues vertes en aliments pour les animaux et de Seaweed for Europe, une agence européenne auteur d'un rapport pour le développement de cette industrie en Europe
Un peu plus de 150 entrepreneurs et scientifiques (beaucoup sont les deux) se sont rassemblés pour écouter une demi-douzaine de présentations et de tables rondes. La crème des start-up, et des entreprises bien établies comme Olmix, créée en 1995, sont intervenues pour présenter non seulement leur produits mais asussi leurs recherches et leurs espoirs. On citera Aberactives (Roscoff), Agrimer (Plouguerneau), Algaia (Lannilis), Algawell (Sautron), Algood (Trégueux), Algosource (Saint-Nazaire), Eranova (Port-Saint-Louis-du-Rhône), Polaris (Quimper), Ceatech (Quimper), Notpla (London). Les problématiques des réglementations et les financements ont aussi été abordés.
Jusqu'à maintenant les polysaccharides, ces molécules aux propriétés étonnantes des algues brunes, étaient extraites par des procédés industriels coûteux et fastidieux, souvent en milieu acide agressif. Aberactives, une start-up fondée par trois biologistes de la station de Roscoff : Bernard Kloareg, Gurvan Michel et Robert Larocque, a mis au point une procédure d'extraction des polysaccharides basée sur les enzymes, appelée «bioraffinage par procédé enzymatique». Une innovation respectueuse de l'environnement et durable qui devrait faciliter l'extraction de ces molécules.
Au niveau des algues alimentaires, on ne peut que signaler une petite révolution en ce qui concerne l'offre. Jusqu'à maintenant il n'y avait que les tartares d'algues qui avaient séduit les consommateurs européens. Ils sont vendus dans les supermarchés. Algood, une start-up de Trégueux a opéré une petite révolution dans le processing de l'algue alimentaire on offrant des algues lactofermentées. La lactofermentation est un procédé naturel qui s'opère quand il n'y a pas d'oxygène. Les algues ne sont plus saumurées, déshydratées, cuites, tartarisées ou congelées, elles sont fermentées comme de la choucroute. Ça ne coûte aucune énergie et ces légumes de la mer se conservent plusieurs mois à température ambiante. Certes, la procédure de fermentation est plus lente qu'avec les légumes, mais il suffit d'ajouter le bon ferment pour accélérer le procédé (10 jours au lieu de 50)
Vincent Doumeizel, l'auteur de La révolution des algues, qui a clôturé la journée par une présentation de son livre, l'a bien compris. La biomasse des algues représente une énorme source de protéines. Les algues ne demandent ni arrosage, ni engrais, ni pesticides, juste de l'eau de mer et de la lumière. Si on y ajoute la lactofermentation, on aurait finalement la possibilité de nourrir la planète entière.
Au niveau des microalgues, il faut noter le développement de cultures de micro-algues pour en extraire des huiles riches en Omega-3. Ces compléments alimentaires qui contiennent de l'acide eïcosapentaénoïque (EPA) et de l’acide docosahexaénoïque (DHA) contribuent à la santé du système cardiovasculaire. La société Polaris, basée à Quimper, est passée maître dans la purification de ces huiles, y compris celles extraites de poissons sauvages. Elle a percé le marché américain. A noter deux autres start-up, Tinctura de Ploudaniel, qui produit de la spiruline sous forme liquide, et Algawell basée à Sautron dans le 44 qui produit à la fois pour l'alimentaire et la cosmétique.
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Damien Guiffant du groupe Vidon a présenté la situation mondiale des recherches. La Chine qui produit 10 millions de tonnes d'algues cultivées par an est loin devant avec environ 10 000 familles de brevets publiés, dont la priorité est Chinoise. Elle est suivie par la Corée du Sud et le Japon, puis les USA. La France est en 5e position mais avec seulement 430 familles de brevets dont la priorité est la France.
Philippe Argouarch
■«Les algues ne sont plus saumurées, déshydratées, cuites, tartarisées ou congelées, elles sont fermentées comme de la choucroute. Ça ne coûte aucune énergie et ces légumes de la mer se conservent plusieurs mois à température ambiante. Certes la procédure de fermentation est plus lente qu'avec les légumes mais il suffit d'ajouter le bon ferment pour accélérer le procédé (10 jours au lieu de 50) »
«Les algues ne demandent ni arrosage, ni engrais, ni pesticides, juste de l'eau de mer et de la lumière. Si on y ajoute la lactofermentation, on aurait finalement la possibilité de nourrir la planète entière.»
Dans l'absolu pour faire pousser des choux-fleurs, des oignons etc il suffit juste de d'eau de pluie, de lumière, de la terre avec ces minéraux non ?
Mais c'est dans l'absolu, car pour nourrir la planète entière, baisser les prix etc on ne se contente évidemment pas de laisser faire la nature, à sa vitesse. Vous parlez d'ailleurs déjà de ferments pour «accélérer le procédé».
In fine, si nous voyons bien une opportunité économique évidente pour le secteur agro-alimentaire breton d'exploiter de nouvelles ressources littorales, il ne faut pas penser que l'exploitation des algues va permettre un développement écologique. Il s'agit en réalité d'exploiter de «nouvelles terres», jusqu'ici exploitées avant tout comme des «réserves de chasse» (pêche traditionnelle, puis industrielle), et qui vont se transformer en gigantesques «champs» et exploitations agricoles