Les films sur les grands personnages historiques bretons sont inexistants sauf pour des personnages qui ont aussi existé dans l’Histoire de France. Anne de Bretagne a eu même l’honneur de figurer dans plusieurs opéras. Par contre, Armand-Charles Tuffin, marquis de La Rouërie (1751-1793), le fondateur de l’Association bretonne à l’origine de la contre-révolution de 1792-93, va bientôt faire l’objet d’une série télévisée américaine pour la simple raison qu’il fait aussi partie de l’histoire des Etats-Unis. Un peu moins connu que Lafayette, il a quand même joué un rôle important dans les opérations militaires qui ont conduit à la création des Etats-Unis d’Amérique.
La Rouërie, plus connu de l’autre côté de l’Atlantique sous le nom de « Colonel Armand », est un héros de la guerre d’indépendance des Etats-Unis. Débarqué à 25 ans à la nage, après que le vaisseau qui l’amenait a fait naufrage, il finira la guerre sept ans plus tard avec le grade de général de Brigade. Tous les témoins ont dit qu’il s’était battu comme un lion en particulier le major Georges Schaffner, son ami américain, qui le suivit jusqu’en Bretagne et bien sûr le général en chef Georges Washington, le leader des troupes rebelles qui lui vouait une admiration sans égale et était devenu son ami comme l'atteste la correspondance entre les deux hommes, une correspondance qui a survécu. Parmi ses nombreux faits d’armes, c’est La Rouérie, sabre au clair dans la grande tradition des corsaires bretons, qui, à la tête de ses troupes, s’empare de la fameuse redoute numéro 9, la clé de la défense de Yorktown. Et on sait que c’est la capitulation du général Corvalis à Yorktown qui mit fin à la guerre d’indépendance.
J’ai été encore une fois impressionné par le courage dont vous avez fait preuve en vous portant volontaire et par la façon dont vous avez, à la tête de vos hommes, mené l’assaut à la si stratégique redoute numéro 9 de Yorktown. Alors que je vous donne ce dernier témoignage public de ma satisfaction concernant vos actions pour notre pays, je vous demande de croire que rien ne pourra me rendre plus heureux que de vous donner plus de preuves solides de mon amitié__Lettre de Georges Washington à La Rouérie du 15 décembre 1783.
Revenu en Bretagne, il a sans doute pensé qu’il pouvait arracher l’indépendance de la province à la faveur de la Révolution et de l’anarchie qui se répandait, en se servant de l’immense expérience militaire qu’il avait acquise dans le cadre des opérations qui avaient conduit à la défaite, toute improbable à l’époque, d’une autre grande puissance : le Royaume-Uni.
Ironie du sort, ou de l’Histoire, un simple accident de cheval fit que la tentaculaire association bretonne, une organisation souterraine et secrète qu’il avait si bien organisée et armée, et qui touchait des fonctionnaires de la République au plus haut niveau, fut privée de son chef à quelques mois de l’insurrection prévue. La Rouërie, un officier de cavalerie qui avait survécu à tant de coups, d’escarmouches et de batailles contre les tuniques rouges et leurs auxiliaires Hessois, allait mourir des suites d’un stupide accident de cheval en sautant une rivière un peu trop large. Un des tours de cochons que l’Histoire aime jouer aux destinées exceptionnelles et même aux nations.
Nous, soussignés citoyens de la province de Bretagne, croyons devoir donner les motifs de notre présente association, déclarons d’abord unanimement que le voeu le plus cher de notre coeur est celui de vivre libre ou mourir, qu’exprimait par son organisation, notre ancien gouvernement breton [...]
--début du manifeste de l’Association bretonne
Thierry de Navacelle, l’ancien directeur des productions de fiction de la chaîne M6, pense que le personnage méritait mieux que de tomber dans l’oubli. Lafayette semble injustement avoir récolté à lui tout seul tous les lauriers de ces centaines de volontaires, dont beaucoup de Bretons, qui partirent se battre pour l’indépendance américaine au nom de la liberté. Il vient de publier chez Le Temps éditeur un livre intitulé La Rouërie Rival de Lafayette.
De Navacelle a fait beaucoup de recherches pour ce livre et a déclaré avoir puisé surtout dans une thèse non publiée de 450 pages présentée par un certain Jean-Claude Ménès en 2000. La fin de l’ouvrage est complétée de lettres et de documents importants comme le manifeste de l’Association bretonne.
Le livre doit servir de base, voire de scénario, pour une série télévisée, qui, bien sûr, sera réalisée aux Etats-Unis sans doute par the History channel comme l’espère l’auteur. Un long métrage verra peut-être le jour dans quelques années. Si De Navacelle prend quelques libertés avec la vérité pour mieux cadrer avec une production cinématographique, c’est vraiment minime, car avec La Rouërie on n'a pas besoin d’en rajouter. Sa vie est du cinéma grand écran.
La Rouerie a vraiment négocié avec le comte d’Artois et son conseiller Calonne pour obtenir une promesse du rétablissement des Etats de Bretagne en échange d’une insurrection contre la République qui devait être coordonnée avec l’invasion du Duc de Brunswick. Oui celle qui s’est terminée à Valmy. Il négociait aussi avec Danton via le Dr. Chevetel, son ami, qui finira par le trahir. Chevetel dénoncera les membres dirigeants de l’Association bretonne dont 17 seront guillotinés y compris la magnifique Thérèse de Moëlien, la fidèle cousine d’Armand.
Si des tractations au plus haut niveau ont eu lieu, La Rouërie savait-il à qui il avait affaire ? Le comte d’Artois, le frère de Louis XVI, le futur Charles X, était un ultra, partisan de la monarchie absolue. Il fut en partie responsable de la Révolution puisque selon certains historiens, il aurait fait capoter toutes les réformes proposées par les ministres de Louis XVI. Et on sait que Charles X n’a pas rétabli les Etats de Bretagne.
Ce livre est une contribution certes à l’Histoire des Etats-Unis, à l’Histoire de France, mais tout particulièrement à l’Histoire de Bretagne.
LE TEMPS éditeur
Date de publication : 03/07/2020
320 pages
Dimensions 23 x 15 x 2 cm
Prix : 18 euros
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