Le 6 novembre, sortait le dernier livre de Philippe Abjean, publié au Temps Éditeur – An Amzer Embanner : Main basse sur la Vallée des Saints.
Le livre est un vibrant plaidoyer pour l’accessibilité la plus entière et la plus simple à un site qui rassemble en un même lieu une partie de l’Histoire de Bretagne, et pas n’importe laquelle car ces saints en sont les fondateurs, et une partie de l’histoire du christianisme, et pas n’importe laquelle, car ces personnages ont, pour certains, reconverti au christianisme l’Europe envahie par les « barbares ». La Vallée des saints dépasse la mythologie de la péninsule car il s’agit aussi de la fondation même des valeurs qui ont forgé l’Europe autour d’une même foi (voir notre article).
Philippe Abjean commence par nous rappeler la genèse et les raisons d’être de ce projet. Démarré il y a une douzaine d’années, le site attire aujourd’hui une moyenne de 400 000 visiteurs par an à la surprise non seulement des élus et des agences touristiques mais des fondateurs eux-mêmes. Il y aura bientôt 150 saints sculptés dans le granit de Bretagne… et 1000 sont prévus.
Le projet qui se voulait représenter l’antithèse de la société de consommation, était dès le départ inadapté au tourisme de masse car il n’avait pas été conçu pour ça. La Vallée des saints se voulait au départ une aventure spirituelle dans une sorte d’église sauvage en pleine nature—sans murs. En quelque sorte la nature refaisait son entrée dans le sacré comme elle l’a fait aussi avec le [[tro Breizh]]. Un projet visionnaire car en ce début de XXIe siècle, le climat planétaire a changé, la biodiversité s’effondre et la surconsommation a pollué la planète en plus d’en avoir épuisé bon nombre de ses ressources. La Vallée est en quelque sorte une réponse, un message à saisir et à méditer.
La Vallée des saints présente-elle une alternative ? Un retour aux sources vers un minimum de simplicité et de rigueur que la pandémie a fini par nous imposer ? A ce sujet il est opportun de remarquer que l’arrivée des saints en Bretagne correspond à une recherche de confinement généralisé puisque cette période de l’histoire du haut Moyen-Age coïncide avec l’arrivée de la [[peste de Justinien]] du nom de l’empereur romain qui en fut victime comme d’ailleurs le roi Briton Maelgwn (Maelgon en breton, mort en 547). Cette pandémie dite peste jaune, venait aussi de Chine via la route de la soie. Elle sévit de 541 jusqu'en 767 avec, à certains moments, 10 000 morts par jour. Oui du VIe au VIIIe siècle, deux siècles. Les saints qui vivaient au fin fond de la la forêt de Brocéliande ou sur les îlots rocheux étaient-ils volontairement confinés et donc protégés ?
La Vallée des Saints est un projet qui se veut à la fois chrétien et breton, comme se définissait Xavier Grall lui-même, cité d’ailleurs plusieurs fois dans cet ouvrage. Une identité que certains chercheraient à effacer ? C’est en tout cas ce qu’explique l’auteur, interviewé au festival du livre de Carhaix.
"D’après moi, il fallait gommer une identité trop bretonne d’une part, trop spirituelle d’autre part. Cela a commencé par la suppression des bénédictions des sculptures, et continue avec l’idée de faire rebaptiser le site Vallée des géants. Cette image trop catho inquiète, car elle pourrait être un frein à une exploitation commerciale“. Philippe Abjean avait déploré autre part « Le glissement vers une Vallée des Géants s’inscrirait de plus en plus dans les brochures au motif que cette dénomination heurterait moins certaines oreilles laïques ».
On regrettera le mot « catho » utilisé par Philippe Abjean car le catholicisme n’existait pas aux VIe et VIIe siècles la période de l’histoire commémorée dans cette vallée. Historiquement, l’usage du terme « catholique » remonte au XVe siècle pour marquer la différence avec les confessions protestantes. Au VIe siècle, il y avait juste des Chrétiens et la plupart des saints érigés sur cette colline n’avaient rien à voir avec Rome qui, en réalité, n’existait plus. A certains moments même, c’était Constantinople qui avait remplacé Rome conquise par les barbares par deux fois. On notera que la nouvelle église celtique se réclame d’ailleurs de cette orthodoxie dans ses rites (voir notre article).
Par contre, on ne peut qu’être d’accord avec Philippe Abjean sur cette autre dérive sémantique. Certes les statues sont géantes et les personnages des géants, voire des éternels, comme prouvé par la toponymie bretonne, mais on doit appeler un chat un chat, ce sont des saints à la fois sanctifiés par la mémoire populaire et reconnus aujourd’hui par l’Eglise même si absents du calendrier qui n’a que 365 jours. Le terme Vallée des géants serait une laïcisation inacceptable de l’histoire et de notre patrimoine.
Péguy disait que toute mystique retombe en politique. À la Vallée des Saints, c’est devenu toute mystique retombe en économique __Philippe Abjean
Il y a deux camps dans cette Vallée, ceux qui veulent garder l’esprit de l’endroit en accord avec le dénuement des saints qui y sont représentés et une certaine forme de sacralité, et ceux qui veulent rentabiliser le projet commercialement dans l’esprit d’un parc d’attraction plus laïc qui s’inscrirait dans un vaste plan du développement du tourisme en Bretagne.
Les différentes visions du futur de la Vallée s’affrontent depuis des années et divisent le Conseil d’administration en plus d’opposer l’association à la SAS Terre de Granit. Le conflit a entraîné de nombreuses démissions y compris celle de Philippe Abjean pour aboutir à une rupture évidente entre les deux parties depuis la dernière assemblée générale de l’association. Philippe Abjean dénonce cette AG « Un déni de démocratie absolu », se désole le fondateur. « Les administrateurs sortants, qui voulaient se représenter, ont vu leur candidature non retenue. Sans un mot de remerciement pour leur travail… Même sort pour certains nouveaux entrants, dont les noms n’ont même pas été cités. Seuls huit noms ont été mis en avant... J’ai démissionné de mon poste statutaire par solidarité avec les autres administrateurs. »
Philippe Abjean revient sur ces évènements douloureux et nous livre son point de vue. « Je garde ma liberté pour dire ce que je pense. Rêve de pierre et Main basse sur la Vallée des saints sont des livres qui serviront de boussole pour mesurer les dérives par rapport au projet initial. »
À chaque lecteur de se faire son opinion…
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Faut-il rappeler encore une fois que le qualificatif « laïc » (l aïque » au féminin) réfère à un système organisationnel, et n’a strictement aucun raport avec le fait d’être croyant ou pas.
Mieux encore, la presque totalité des personnes qi sont dans la foi chrétienne sont de statut laïc, au regard de l’Église. Seuls et celles qui ont choisi de s’engager dans une vie religieuse (prêtres et diacres, moines et moniales) ne sont pas des laïcs/laïques. Ce vocabulaire (et ces états de vie sont spécifiques au « christ »ianisme).
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Quant au terme de « Géants » appliqué aux saints, il est à l’exact opposé de ce que furent nos Saints anciens.
Il n’est que de lire la confession de Sant Padrig / Saint Patrick par exemple . Bien que Saint Patrick, qui n’est pas le seul à avoir connu une trajectoire tumultueuse à une époque, orientée vers la paix ultérieurement, ne soit pas historiquement dans le flux des migrateurs venus en Armorique, il nous a laissé un écrit. Précieux.
Quel saint pourrait accepter le qualificatif de géant ? Ceux qui ne sont pas convaincus pourront se référer à Marie la première, la nouvelle Eve, l’humble d’entre les humbles, choisie entre toutes pour le projet le plus inouï de toute l’histoire de l’Humanité. Qui aurait le culot, l’outrecuidance de la qualifier de géante ? En vingt siècles, personne ne s’y est jamais risqué, que je sache.
Alors, arrêtons avec cette idée païenne de vallée des Géants, en parfaite contradiction avec le principe de laïcité contemporain, de surcroît. N’infligeons pas à un bloc de granit de deux tonnes cette infamie, cette mascarade, cette grand’guignolade…Cette affaire est une crise de la représentation, un marqueur de crise civilisationnelle.
A-walc’h gant hent ar baganiz, o oberoù disonest, hag all… Ra vevo hon Sent kozh, tud a ouie mat ez eus un Doue! Deomp-ni da vont war o roudoù…kentoc’h…ma c’hellomp...
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Faut-il rappeler encore une fois que le qualificatif « laïc » (« laïque » au féminin) réfère à un système organisationnel, et n’a strictement aucun rapport avec le fait d’être croyant ou pas.
Mieux encore, la presque totalité des personnes qui sont dans la foi chrétienne sont de statut laïc, au regard de l’Église. Seuls ceux et celles qui ont choisi de s’engager dans une vie religieuse (prêtres et diacres, moines et moniales) ne sont pas des laïcs/laïques. Ce vocabulaire (et ces états de vie sont spécifiques au « christ »ianisme).
GÉANT ? Personnellement un mot tellement ridicule dans ce contexte, que je l’oublie immédiatement ! Sans pourtant en faire autant de ce qu’il dit de ceux qui s’en servent !
Monsieur Abjean, je regrette (me basant sur ce seul article) qu’en dehors des initiés et protagonistes associatifs concernés, nous ne sachions pas tout de suite qui sont les « marchands » ? Qui sans doute sont de ceux, de ces complices éternels qui vendent les Temples, proposent de la menue monnaie, et attendent sans frais, que d’autres érigent d’autres Temples aux parvis desquels, avant de les vendre aussi, ils proposeront leurs vrais (toujours) «deniers» !
Dommage que vous et vos amis Monsieur Abjean ayez démissionné. Je crois (pour une fois) qu’il aurait fallu prendre le fouet et chasser ces « marchands » des parvis. De tous les parvis de BRETAGNE bien plus encore qu’à Jérusalem, car cela chez nous, durent depuis plus longtemps. Trop !
Le soldat, le prêtre et le marchand ! Le trio exotique !
« Le terme de saint y désigne très souvent l’ascète et le savant, l’homme de Dieu, mais aussi l’homme de culture. L’âge des « saints » est l’âge de la culture monastique. » (p. 47)
On y trouve également cet éclairage très intéressant (je résume) : le conflit des chrétientés celtiques avec Rome, inévitable selon l’auteur, présente un triple aspect :
. liturgique (date de Pâques),
. institutionnel (église à structure monastique vs église à structure épiscopale),
. politique (les Bretons sous la juridiction de Cantorbéry ou de Tours. « C’était vouloir soumettre les Bretons à leurs ennemis »).
Parmi les auteurs à lire ou à consulter : Saint Gildas / Sant Gweltaz (deux personnages historiques distincts portent ce même vocable), Bède le Vénérable (historien du VII/VIII siècle, qui n’aime pas beaucoup les Bretons). Au XX° siècle : Nora Chadwick (« The Age of the saints in the early celtic church », 1961) est un repère reconnu, d’autres encore. Ce qui reste à creuser, sans doute l’université d’Ildut en sud-Galles, en lien avec notre aber Ildut.
A consulter absolument la revue bilingue (breton/français) du Minihi-Levenez (29800 Treflevenez/Trelevenez) qui sous la plume de Job an Irien, prêtre, chercheur, voyageur et excellent connaisseur, a consacré, au fil des années, de nombreux numéros (compte-rendus de voyages, études thématiques) sur la question.
Bref, attirer l’attention sur les saints bretons, c’est plonger dans la grande histoire de l’Europe, bousculée par la chute de Rome et les flux « barbares » (Anglo-Saxons, Germains, Francs,...) pendant plusieurs siècles tumultueux. Les Celtes d’Irlande, favorisés par la géographie, et déjà christianisés, jouèrent un rôle spécifique (ce que les petits irlandais apprennent fièrement dans leurs livres d’histoire). De même pour les Bretons (insulaires d’abord, puis péninsulaires continentaux. Peu importe ici l’importance volumétrique des flux qui semble discutée par des historiens contemporains).
Tout ceci entre en résonance, sans doute, avec l’époque actuelle (matérialisme, attentats,...), en Europe. Au-delà des péripéties historiques, passées ou actuelles, c’est le rapport de l’Humanité à la Divinité qui est en jeu. Voilà ce qui sous-tend les polémiques. C’est pourquoi la Vallée des Saints, pour insolite et locale qu’elle puisse paraître au premier abord, s’inscrit en réalité dans un enjeu civilisationnel et planétaire.
Quand le danger surgit, alors germent des nouveautés inattendues. Pa c’hoarvez an arvar, neuze eo e tiwan nevezenti dic’hortozet. On peut penser ce que l’on veut (nous sommes en régime républicain qui garantit la liberté de conscience). Toujours est-il que nos saints anciens sont étonnamment jeunes. Hon Sent kozh, int a zo yaouank-spontus !
Et qui décide de qui et quoi a, ou n’a pas une ÂME ?
Les Hommes depuis, et dans les nuits du Temps n’ont cessé de vouloir la trouver, de la sentir pour quelques uns et/ou de la vouloir mettre dans les eaux des fleuves et des sources, dans les pierres de monolithes et de tombeaux, dans les arbres et les forêts. Dans le gui des chênes. Dans le vent, les vents.
D’autres parmi eux, ont dit qu’elle ne pouvait «qu’exister » dans les récipients (ou hors autour, ou au-dessus) que seraient les êtres « vivants », voire des animaux ? Des animaux devenus mythiques et symboliques.
D’autres encore, que seul l’Homme en pouvait en posséder une…mais pas tous cependant !
Les femmes ! Les esclaves ! Les indigènes d’une autre couleur de peau que la leur, non !
Et les politiciens, les utilitaristes ces Jivaros réducteurs de l’âme, veulent en décider pour pouvoir en disposer, comme bon leur semble! Ou la supprimer!
Jean Bruller sous le nom de plume VERCORS, la posait cette question de l'âme, dans son vieux roman « Les Animaux dénaturés 1952 » ! Aaah les Hommes à « l’âme de marchands » en tous domaines !
Et qui Youenn, donc, décide de ce qui possède ou a été nanti d’une ÂME ? La France a-t-elle une âme ?
Peut-être que celle (hypothétique ?) de Saint Gweltaz, la partageant symboliquement avec celles de tous ces ermites et moines qui ont fait la BRETAGNE, dans cette petite chapelle de Carnoët, est-elle l’âme d’une Histoire et d’Hommes pas encore tout à fait oubliée? L'âme de ce champ de saints de pierre de granite, dressés contre...
Histoire qui continue ! Et doit continuer, autrement, contre vents et marchands !