Suite à l'événement de Brec'h, ce samedi 15 février 2014, la réflexion s'impose : il est incompréhensible qu'il y ait encore des CRS autour des portiques écotaxe en Bretagne. De même qu'il est incompréhensible qu'il y ait encore des portiques écotaxe en Bretagne.
Toute une population s'est exprimée à ce sujet lors de l'automne 2013 : elle n'a été ni entendue, ni comprise et on lui demande encore de se taire ! Dès lors, Brec'h marque une césure : dorénavant, les questions de la paix sociale, de la sécurité publique et de l'usage de la violence seront toutes entières du côté de l'Etat (dont le déni des événements est, depuis le début, inconséquent), et non des Bonnets Rouges. De fait, le discours de ces derniers est, depuis le début, parfaitement cohérent et leur action est parfaitement légitime.
Concernant l'usage inconsidéré de la violence par «les forces de l'ordre», les Bonnets Rouges peuvent lire utilement le philosophe Olivier Clerc (né en 1961) et notamment son ouvrage sobrement intitulé «Le Tigre et l'Araignée : les deux visages de la violence» (2004).
Ce livre identifie deux formes de violence : celle du tigre et celle de l'araignée. La première est physiquement perceptible et brutale : elle frappe, elle griffe, elle fait saigner. La seconde est imperceptible et sournoise : elle endort, paralyse et tue «sans que l'on s'en rende compte».
L'auteur décèle avec cette seconde forme de violence une certaine communication totalitaire, basée sur «le mensonge» et «l'inversion du sens des mots» (tendant à imposer une réalité contre une autre «sans que l'on s'en rende compte»).
Selon Olivier Clerc, on combat trop souvent la violence manifeste, sans prendre en compte celle qui est cachée derrière et dans laquelle la première s'enracine. Traduction : la violence de l'Etat à Brec'h, via les «forces de l'ordre», n'est rien comparée à celle de l'automne 2013. C'est «un coup de griffe» qui prend sa source, de manière plus profonde, dans le cynisme et l'indifférence totale de l'automne et dont «le Pacte d'Avenir» est, d'une certaine manière, le plus clair symptôme).
Ce qui s'est passé à Brec'h le 15 février 2014 est extrêmement symbolique et grave. L'événement révèle la véritable nature de «l'autorité» : aveugle, irrationnelle et crispée. Les Bretons ont clamé haut et fort qu'ils ne souhaitaient pas des portiques écotaxe : pourquoi donc leur interdire de se rassembler et les frapper ? C'est donc qu'ils n'ont été ni compris, ni entendus et pire encore : non perçus.
Simon Alain
Cf. Olivier Clerc, «Le Tigre et l'Araignée : les deux visages de la violence», préface de Charles Rojzman et Pierre Pradervand, Editions Jouvence, 2004.
■