Depuis l’élection de Donald Trump, de nombreuses voix indiquent que l’isolationnisme américain annoncé, doublé d’un éventuel réchauffement des relations russo-étatsuniennes sont peut-être une chance pour l’Europe. Entendons par là que si l’Europe n’avance rapidement vers plus de cohérence, elle pourrait bien pâtir gravement de ce nouveau deal russo-américain.
Dans le domaine militaire tout d’abord, puisque l’Europe vit sous protection de l’OTAN depuis maintenant près de soixante-dix ans. Un désengagement américain, s’il était avéré, poserait de graves problèmes aux confins de la Russie, c’est-à-dire en Ukraine, mais aussi dans les Pays Baltes. Une véritable Europe de la Défense est donc de plus en plus nécessaire.
Le combat pour les droits de l’homme qui était, peu ou prou, un domaine de prédilection des Occidentaux, avec des résultats certes inégaux, risque de perdre en conviction si les Américains se désengagent de cette croisade. En effet, même si la démocratie dans le monde a peu progressé au cours de ces dernières années, le message de l’Europe et des nations nord-américaines avait le mérite d’être porté régulièrement au devant de la scène mondiale, et on pourra difficilement-si les Etats-Uniens cornaqués par Donald Trump se détournent de cette mission-compter sur les Russes et les Chinois pour relayer la parole humaniste de l’Europe et du Canada.
Dans le domaine économique, c’est pour l’instant le flou absolu, mais un président isolationniste ne pourra pas laisser indifférente une Europe qui fait une grande partie de ses échanges commerciaux avec le continent nord-américain. Sans parler du chantier écologique, où le pire est là aussi à craindre.
Le constat est terrible et l’Europe doit bien sûr prendre son destin en main. Le fait que l’Union Européenne est un ensemble de près de 500 millions de citoyens et représente 22 % du PIB mondial, devrait nous y encourager.
Le problème est de savoir comment, et surtout qui en Europe est capable de relancer la machine ? La Grande-Bretagne vient de voter le Brexit et François Hollande n’est que l’ombre d’un président. Angela Merkel, qui enchaîne les déconvenues électorales, aura-t-elle la force de remettre le projet sur les rails ?
Mais, au-delà de la forme, ne pourrions-nous pas profiter de ces temps sombres pour redéfinir cette Europe avant d’aller plus loin. Les peuples européens ne veulent plus de l’Europe ultra-libérale, qui n’avance même plus masquée depuis que Manuel Barroso est entré chez Goldman Sachs. Et si on veut donner une nouvelle ampleur à ce continent mal en point, ne serait-il pas temps également de favoriser l’émergence d’une citoyenneté européenne, qui pour l’instant reste embryonnaire.
En effet, au-delà d’une Europe qui doit être nécessairement plus sociale, nous avons besoin de symboles forts pour avancer. Comment en effet croire que l’Europe existe quand dans les pays qui la constituent, tels la France, les commémorations militaires nationalistes, mais pudiquement qualifiées de patriotes, ou encore l’exaltation du chauvinisme sportif envahissent les canaux d’information.
Si nous n’exigeons pas des avancées fortes pour l’émergence d’une véritable citoyenneté européenne, comme la proposition d’un passeport européen par exemple, l’Europe se fera sans le peuple, et donc ne se fera pas. Car il ne faut pas oublier qu’en démocratie, le peuple vote, et c’est une chance. Mais il ne vote pas toujours tel que les « élites » politiques et médiatiques le souhaitent. L’élection de Donald Trump, le Brexit, le vote négatif à la constitution européenne sont là pour le rappeler.
Entre Russes et Américains, si l’Europe doit enfin exister, c’est en y associant tous les peuples qui la constituent. C’est le défi des années, et même des mois à venir.
Caroline Ollivro, présidente, Breizh Europa
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