Un vétéran des essais nucléaires devant le tribunal des pensions de Brest

Communiqué de presse publié le 19/12/10 11:56 dans Justice et injustices par Pierre Marhic pour Pierre Marhic

Jeudi dernier 16 décembre, le tribunal des pensions militaires de Brest a tenu une audience pour examiner quelques dossiers de militaires malades ou handicapés. La presse était présente car un vétéran des essais nucléaires espérait voir son dossier enfin traité et jugé. Hélas! l'avocate commise d'office au titre de l'aide juridictionnelle est arrivée les mains vides sans avoir rendu ses conclusions pour contrer l'argumentation du commissaire du gouvernement. Stupeur dans la salle d'audience lorsque maître X… d'une petite voix à peine audible, a tenté de justifier sa demande de report. Personne n'a compris les raisons de ce renoncement et surtout pas le vétéran cancéreux, pas du tout consulté ni informé des intentions de son conseil. Le vétéran a poliment et avec déférence, interrogé la présidente du tribunal qui l'a sèchement renvoyé vers son avocate, laquelle a balbutié quelques mots incohérents pour tenter de se trouver des motifs liés à une surcharge de travail ou à la complexité du dossier qui dépasse son quotidien ordinaire de querelles de ménage ou de rétroviseurs arrachés dans la nuit. Et c'est dans un scénario trop bien rodé parce que mille fois répété, que la présidente a décidé, en moins d'une minute, du report de cette douloureuse affaire, renvoyée au 17 février 2011.

Quels enseignements peut-on tirer ?

Ce tribunal est une juridiction d'exception, destinée à ne pas indemniser, ceux qui ont le mieux servi la France. Tout est en place pour allonger les délais de la procédure: 4 longues années dans le cas présent ; c'est abominablement long pour un cancéreux. Le code des pensions est obsolète car il impose au vétéran d'apporter la preuve du lien direct et certain entre la pathologie et le service rendu sur les sites d'expérimentations nucléaires de Polynésie. Mission quasi impossible comme l'a indiqué le Médiateur de la République dans un courrier du 4 février 2009. Ce code est inadapté pour traiter les conséquences des armes modernes : poudres chimiques, attaques bactériologiques, munitions à l'uranium appauvri, rayons ionisants…De par son statut le (ex) militaire est d'emblée en position de faiblesse car il ne bénéficie pas du régime des maladies professionnelles. Il ne peut pas se retourner vers une médecine du travail qui n'existe pas.

Le magistrat professionnel est assisté par deux assesseurs désignés au sein d'amicales commémoratives et festives selon une procédure plus que douteuse : pas d'appel à candidatures, pas de vérification de la moralité des postulants, aucun contrôle du niveau d'instruction. Ce sont depuis des années, le président et le vice-présidentt d'une amicale de la rue des Remparts à Brest qui s'accaparent les 2 places (titulaire et suppléant) à l'issue d'un pseudo tirage au sort arrangé par avance dont on chercherait en vain toute trace de procès verbal. C'est la cooptation, le copinage, le favoritisme et les arrangements dans l'ombre. Ces anciens marins, qui n'ont que le mot « solidarité » à la bouche lors de leurs fameux banquets organisés au cercle de la rue Yves Collet, restent muets comme des carpes et ne favorisent pas la manifestation de la vérité au profit de leurs collègues déshérités, malades ou handicapés. Je n'ai jamais entendu le son de leur voix pour poser une question ou faire une observation pertinente: des adjoints passifs au service de l'administration pour contribuer à débouter les malheureux plaignants. Tout ceci perdure en application du décret archaïque n° 59-327 du 20 février 1959 qu'il n'est évidemment pas question de dépoussiérer; la situation actuelle arrange les affaires de quelques « petits chefs »

Au titre de l'aide juridictionnelle, un avocat est désigné par le Bâtonnier pour assister le vétéran et plaider sa cause. Mal rémunéré par le gentil contribuable, ce conseil se hâte lentement à condition d'avoir la compétence requise dans des affaires aussi complexes et lointaines que les essais nucléaires. On a le sentiment que les cabinets sont volontairement surchargés comme « surbookés » pour assurer dans le temps, la rentabilité de l'officine. Les dossiers sont mis en attente sans que le vétéran puisse intervenir en quoi que ce soit ; les avocats sont maîtres du calendrier et ne vous avisez pas à tenter d'interroger le greffe pour connaître la situation de votre affaire. Les maîtres ne supportent pas la moindre indépendance ou initiative du « client » qui doit se tenir docilement à la disposition de l'avocat, seul ordonnateur de la cérémonie.

Bref, un système désuet qui ronronne gentiment sans se soucier de la souffrance du plaignant qui n'est en fait qu'un simple faire valoir dont tout le monde se fiche pas mal. Les (ex) militaires sont considérés comme des citoyens de second ordre.

Enfin, la salle des délibérations ne permet pas d'entendre une justice transparente pour tous, tant l'acoustique est détestable. Tout se passe dans un chuchotement inaudible entre le magistrat, le commissaire du gouvernement et l'avocat. Même dans une France très mal gérée, ruinée et lourdement endettée pour des décennies, il serait urgent d'investir dans un simple micro.

Pierre Marhic

Vétéran cancéreux des essais nucléaires (02 98 47 02 84)

Président de l'ANVVEN


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