par Marie-Madeleine Martinie
Éditions du Jubilé, Paris, 320 pages, 19 €
Au soir de l'existence, lorsque l'on a vu déjà disparaître beaucoup de ceux que l'on a connus et particulièrement de ceux que l'on a aimés et que l'on sent que le moment de son propre départ approche, chacun peut s'interroger sur sa vie. La vieillesse est aussi pour beaucoup un temps marqué par la diminution de son énergie et des problèmes de santé plus ou moins graves, marqué aussi souvent par la solitude, par le sentiment (erroné) de son inutilité, par l'incompréhension, voire le rejet des idées et des modes de vie des jeunes générations, et souvent aussi par l'angoisse, angoisse vis-à-vis de ce qu'il peut y avoir après la mort et angoisse tout simplement quant à l'arrivée de celle-ci. La vieillesse est aussi le moment où l'on peut mesurer la vanité de bien des choses auxquelles on a donné longtemps une très grande importance : l'argent, la réussite sociale, le pouvoir, la notoriété, la beauté, la capacité à séduire, à briller intellectuellement, etc. Certaines personnes âgées, très malheureuses moralement, s'aigrissent et s'enferment dans la détestation d'autrui et du monde en général, alors que pour d'autres, au contraire, l'avancée en âge est le temps de la sagesse, de la sérénité, du détachement des choses secondaires, d'une bienveillance profonde envers tous les êtres.
Marie-Madeleine Martinie n'est plus toute jeune, mais elle est toujours extrêmement active et rayonnante, et on ne peut que lui souhaiter encore de nombreuses années de vie, mais le livre qu'elle vient de publier - son huitième - apparaît à bien des égards comme un retour sur sa vie et sur le souvenir de tous ceux qui l'ont aidée à se construire et à cheminer au fil des années. C'est un livre très personnel et le lecteur a parfois le sentiment d'être un peu indiscret en pénétrant à sa suite dans tant d'épisodes de son histoire familiale ou de ses relations avec d'autres personnes. C'est un livre qui n'obéit vraiment pas aux modes d'aujourd'hui et qui va même à contre-courant de beaucoup d'entre elles, en particulier dans l'expression tranquille et joyeuse de sa foi chrétienne. Ce n'est pas non plus un livre très construit, faisant appel à des références hautement intellectuelles et comportant des démonstrations ardues. Comme l'auteure le dit elle-même plusieurs fois, ce livre est un «patchwork», il ne contient pas d'informations extraordinaires, mais il n'en est pas moins captivant.
En une soixantaine de textes de quelques pages, baptisés 'chapitres', mais ressemblant souvent plus aux feuillets d'un bloc-notes, Marie-Madeleine Martinie égrène des petits faits de la vie de tous les jours, des événements tristes et d'autres joyeux; elle évoque le souvenir des personnes très diverses qu'elle a côtoyées, grands de ce monde et surtout nombre de personnes modestes, dont elle a su déceler les richesses de cœur; elle donne quelques beaux poèmes qu'elle aime particulièrement.
La vie de Marie-Madeleine Martinie n'a pas toujours été facile et elle a eu, comme bien d'autres, son lot de difficultés et de souffrances, mais on ressent à travers les pages de ce livre un peu hétéroclite l'unité de toute une vie, habitée par l'espérance, par l'amour des autres et l'ardent besoin de partager sa joie, que ce soit comme enseignante, puis comme journaliste, comme femme de radio ou, plus prosaïquement, comme épouse, comme mère de famille et comme grand'mère.
Le fil conducteur de ce livre - car il y en tout de même un - c'est une grande demeure, le Mané, situé sur la commune de Lanester, aux portes de Lorient, au bord du Blavet, en amont immédiat du Pont du Bonhomme. Son éditeur a eu la bonne idée de lancer une nouvelle collection intitulée «Un homme, une maison». Il y avait déjà eu chez d'autres éditeurs des collections consacrées aux demeures historiques, aux lieux inspirés, aux maisons d'écrivains ou aux maisons d'artistes, mais ici, il ne s'agit pas de mettre en avant des éléments exceptionnels du patrimoine architectural ou historique, ni de s'intéresser à des grandes célébrités d'hier ou d'aujourd'hui.
L'objectif semble plutôt être de mettre en valeur ce lien invisible, mais très fort, qui existe entre des maisons et des personnes. Dans un monde qui change très vite, où les personnes bougent de plus en plus et où les générations se dispersent aussi de plus en plus géographiquement, les «maisons de famille» prennent une importance plus grande que jamais auparavant. Épouse d'un officier de marine marchande et belle-sœur d'un officier de marine marchande, Marie-Madeleine Martinie ne pouvait pas choisir de plus beau titre que «Le port d'attache». Ce livre original et tonique augure bien de l'avenir de cette collection.
Mère de cinq enfants et grand-mère de vingt petits-enfants, Marie-Madeleine Martinie, entre autres engagements et responsabilités, est vice-présidente de l'Association Bretonne.
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