Michel Phlipponneau qui vient de s'éteindre mercredi matin à Rennes, était né le 11 mai 1921, à Clamart (Hauts-de-Seine). Il était le fils d'un modeste employé des chemins de fer et d'une gardienne d'immeuble dans le Quartier latin à Paris. Comme il aimait parfois à le rappeler, le jardin du Luxembourg fut son principal terrain de jeu durant son enfance et il aimait faire voguer un petit voilier sur le grand bassin situé sous les fenêtres du Sénat. Il fit de solides études secondaires au lycée Hoche à Versailles, puis à la faculté des lettres de Paris. Agrégé de géographie et bientôt docteur ès lettres avec une thèse de géographie humaine soutenue le 18 juin 1955 sur «La Vie rurale de la banlieue parisienne», il entra dans l'enseignement à la fin de 1942 et fut jusqu'en 1950 professeur d'histoire géographie dans l'enseignement secondaire. Il arriva à la faculté de lettres de l'Université de Rennes en 1950 comme assistant de géographie, puis maître de conférences et enfin, en 1957, professeur jusqu'à son départ en retraite en 1985.
Dès 1952, il devint un membre actif du Comité d'Étude et de Liaison des Intérêts Bretons (CELIB), animé par Joseph Martray et présidé par René Pleven. Dans ce cadre, il réalisa en 1956 un vaste «Inventaire des possibilités d'implantations industrielles en Bretagne» qui allait être un formidable outil pour favoriser effectivement l'arrivée d'entreprises et aussi pour inciter de nombreuses municipalités, comme celles de Vannes et de Loudéac entre autres, à créer et aménager des zones industrielles. Par la solidité de ses études et de ses dossiers (à la préparation desquels il associa nombre de ses étudiants), il s'imposa bien vite comme un expert du développement économique breton et un interlocuteur redoutable face aux représentants de l'État. Michel Phlipponneau joua ainsi un rôle tout à fait essentiel dans l'arrivée et le développement de nombreuses entreprises en Bretagne dans les années 1960.
Il fut président de la commission régionale d'expansion économique du CELIB de 1961 à 1967 et devint bientôt vice-président du CELIB, mais, à partir de milieu des années 1960, bouillant d'impatience devant les refus opposés par les gouvernements successifs (tous de droite) aux propositions du CELIB et en particulier au projet de loi-programme dont il avait été le principal rédacteur en 1961, il se persuada que l'apolitisme du CELIB était un leurre et il se tourna alors de plus en plus vers la politique. En 1967, il devait rompre avec le CELIB et avec Joseph Martray, toujours partisan, lui, d'une démarche pragmatique. Michel Phlipponneau allait soutenir activement le projet de candidature de Gaston Defferre (Monsieur X), puis rejoindre le nouveau Parti socialiste.
S'engageant lui-même dans l'arène électorale, il allait être élu conseiller général d'Ille-et-Vilaine en 1973 et le rester jusqu'en 1985, devenir aussi conseiller régional, et être le premier adjoint d'Edmond Hervé, lors que celui-ci s'empara de la mairie de Rennes en 1977. Il devint, plus tard, président du district, mais bientôt des divergences apparurent entre lui et Edmond Hervé, qui ne put le garder sur sa liste aux élections municipales en 1989. De 1989 à 1995, Michel Phlipponneau devait être membre du Comité économique et social régional et y poursuivre des travaux de grande qualité. Devenu très amer à la suite de son éviction de la mairie de Rennes, il devint de plus en plus critique à l'égard d'Edmond Hervé dans les années 1990 lui reprochant d'avoir abandonné ses idéaux de 1977, de reprendre en fait les projets mégalomanes de la municipalité Fréville voulant faire de Rennes une énorme métropole, et de pratiquer un pouvoir personnel. Il se rapprocha alors des Verts, dont son épouse était une militante active, il mena campagne contre le projet de métro (VAL) d'Edmond Hervé et l'attaque très durement dans des articles et dans un livre sur le VAL.
On doit à Michel Phlipponneau une impressionnante production de livres, dont des manuels pour des éditeurs scolaires et universitaires, et d'articles tout au long de sa carrière. Ses livres «Debout Bretagne ! » (1970) et «Changer la vie, changer la ville» (1976), en particulier, eurent un grand écho.
Michel Phlipponneau aura, au cours de sa carrière universitaire, dirigé de nombreuses thèses et contribué à former un grand nombre de géographes en Bretagne. Spécialiste de la géographie appliquée, reconnu au niveau international et ayant travaillé notamment au Québec et en Thrace, il devait se rendre dans quelques jours à Paris pour recevoir au Sénat le Grand Prix de Géographie qui venait de lui être décerné par la Société de Géographie de Paris pour l'ensemble de son œuvre. Mais la distinction dont il était le plus fier et qui avait manifestement le plus de prix à ses yeux était le collier de l'Hermine qui lui avait été remis en 1992 lors d'une émouvante cérémonie à Saint-Malo.
Bibliographie (non exhaustive) :
• «La Baie du Mont Saint-Michel. Étude de morphologie littorale» (Rennes, Imprim. des Nouvelles de Bretagne, 1955, 304 pages)
• «La Vie rurale de la banlieue parisienne, étude de géographie humaine». Thèse... soutenue le 18 juin 1955 (Paris, Armand Colin, 1956, 593 p.)
• «Inventaire des possibilités d'implantations industrielles en Bretagne. Préface de M. Émile Roche» (Paris, CELIB, 1956, 160 p.)
• «Le Problème breton et le programme d'action régionale, un problème-type de la politique de développement des économies régionales». Préface de M. René Pleven (Paris, Armand Colin, 1957, 179 p.)
• «Géographie et action, introduction à la géographie appliquée» (Paris, Armand Colin, 1960, 227 p.)
• «L'Avenir économique et social des cantons de l'Est, un problème type de planification régionale de la province de Québec » (Québec, Ministère de l'industrie et du commerce, 1960, 219 p.)
• «La Gauche et les régions» (Paris, Calmann-Lévy, 1967, 256 p.)
• «Programme de développement économique et social de la Thrace orientale, Turquie». Rapport préparé par le Ministère de la reconstruction, Turquie, Direction générale de la planification, et l'Association bretonne de géographie appliquée, France (Paris, OCDE, 1968, 175 p.)
• «Debout Bretagne !» (Saint-Brieuc, Presses Universitaires de Bretagne, 1970, 530 p.)
• «Géographie et perspectives à long terme» Union Géographique Internationale. [Zurich.] Commission de géographie appliquée. Réunion. [4e. 1971. Rennes.] (Sablé, Colonnier, 1972, 467 p.)
• «Au Joint français, les ouvriers bretons» (Saint-Brieuc, Presses Universitaires de Bretagne, 1972, 135 p.)
• «Changer la vie, changer la ville : Rennes 1977» (La Baule, Breizh, 1976, 375p.)
• «La Grande Affaire. Décentralisation et régionalisation» (Paris, Calmann-Lévy, 1981, 242 p.)
• 'L'essor de la géographie appliquée' in Revue internati!onale des sciences sociales (1981, pp. 148-175)
• «Géopolitique de la Bretagne» (Rennes, Éd. Ouest-France, 1986, 253 p.)
• «L'Impact du lien fixe (tunnel sous la Manche) sur l'avenir du trafic maritime transmanche en Manche occidentale» (Rennes, Bretagne. Conseil économique et social, 1990, 95 p.)
• «Les implantations industrielles en Bretagne 1950-2000» : 1ère réunion ordinaire janvier 1993 (Rennes, Bretagne. Conseil économique et social, 1993, 69 p.)
• «Le modèle industriel breton, 1950-2000» (Rennes, PUR, 1993, 419 p.)
• «Le Val à Rennes ???» (Spézet, Nature & Bretagne, 1995, 173 p.)
• «La géographie appliquée : du géographe universitaire au géographe professionnel» (Paris, Armand Colin, collection U, 1999, 299 p.)
• «Deux révolutions municipales, Rennes 1977-2001 : entretiens avec un nouveau Rennais» (Rennes, M. Phlipponneau, 2001, 103 p.)
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