Défilent les milles, bientôt le Pot au Noir et la chasse aux grains
– Communiqué du 26 novembre à 16 h 52
666 milles parcourus en 24 heures, le tout sans froisser ni la monture ni l'équipage... La partition jouée par Loïck Peyron et ses hommes après quatre jours de mer reste d'une belle harmonie. Avec l'archipel du Cap Vert dans le rétroviseur, le Pot au Noir dont les prémices devraient se faire sentir dans les prochaines heures, la tentative sur ce Trophée Jules Verne commence s'anime au gré de zones et de noms évocateurs de grandes et épiques traversées. Mais quand la revue de détail se fait depuis le bord du Maxi Banque Populaire V, certains écueils semblent s'effacer...
«Ça dépote et c'est très agréable ! On tient des moyennes hallucinantes et tout ça relativement sereinement, sans forcer. Je n'arrive pas à m'y faire ! ». L'admiration et l'exclamation dominent dans les propos de Florent Chastel, numéro 1 équilibriste à bord, qui ne découvre pourtant ni le bateau ni l'aventure. Avec déjà deux Trophées Jules Verne à son tableau de chasse et une connaissance du trimaran géant qui remonte à sa construction, le Niçois n'est, sur le papier, pas le plus enclin à manifester un tel étonnement. Oui mais voilà, quand la machine ne déroule aucune fausse note et que l'équipage est à l'unisson de la performance, tout marin aussi expérimenté soit-il apprécie et «se régale».
Bénéficiant actuellement d'une vingtaine de nœuds de nord-est et d'alizés réguliers sur une mer plate, l'équipage a donc laissé le Cap Vert sans son sillage la nuit dernière, dépassé la latitude de Dakar au Sénégal et poursuit désormais sa route en direction d'une première rencontre incontournable, le Pot au Noir. Il reste encore quelques heures à Loïck Peyron et ses hommes pour profiter de conditions de navigation très enviables avant donc de négocier la célèbre zone de convergence intertropicale, toujours sujette à inquiétudes et profondes réflexions chez les marins. En la matière, et Florent Chastel le confirmait bien volontiers ce midi, les marins n'ont pas échappé à la règle. Mais la cellule météo composée de Marcel van Triest à terre et de Juan Vila en mer, complétée par le skipper et Ronan Lucas, semble avoir trouvé de quoi se faufiler pour gagner au plus vite la délivrance et une transition efficace : « Nous avons changé un peu de cap et de porte d'entrée dans le Pot au Noir. Les gourous des nuages nous ont trouvé un point de passage intéressant. Nous avions quelques craintes à ce sujet ces dernières heures. Toute la question reste de savoir comment passer des alizés du Nord à ceux du Sud. Nous avons donc opté pour une route plus à l'Est, qui nous donne également plus de vitesse. Nous allons aborder cette fameuse zone dans la nuit. Il y a toujours un peu de stress, avec parfois le risque de se retrouver bloqué, même si avec un bateau comme Banque Populaire V ce n'est jamais totalement le cas. Nous allons chasser les grains et jouer avec. Le radar sera allumé en permanence. Juan aura les yeux rivés sur ses écrans. Ce sera une navigation au degré près pendant quelques heures ».
On l'aura compris, c'est un Pot au Noir express, net et presque sans bavure que devrait rencontrer le Maxi, pour autant que la «chasse» se déroule comme espéré. En ce premier week-end sur ce Trophée Jules Verne, seule la forte chaleur installée dans la coque centrale du trimaran et l'impossibilité d'ouvrir un hublot sur l'Atlantique sous peine de faire rentrer des embruns, viennent finalement ternir le tableau... Gageons que tous les marins du bord ont déjà connu bien pire !
321,4 milles d'avance par rapport au temps de référence.
– Communiqué du 26 novembre à 9 h 30
Aujourd'hui samedi 26 novembre, 3 jours 23 heures 56 minutes après son départ de Brest lundi dernier, le Maxi Banque Populaire V poursuit sa route vers le Sud à des vitesses toujours relativement élevées. Avec une avance de 290,2 milles sur le temps de référence du record du Trophée Jules Verne, l'équipage du maxi a, durant ces dernières 24 heures, augmenté son avance progressant à une vitesse moyenne de 30 noeuds sur les dernières heures (645 milles effectués sur les dernières 24 h).
Durant la nuit, les 14 équipiers du Maxi Banque Populaire V, menés par Loïck Peyron, sont passés par le sud ouest de l'Archipel du Cap Vert. Le trimaran bleu progresse toujours assez vite et continue de naviguer dans les alizés, actuellement à 32,8 noeuds.
Pour les prochaines heures, les positions de vent semblent rester identiques avec un vent de nord est variable dont la force oscillera entre 15 et 20 noeuds. Les équipiers devraient sentir les premiers effets du Pot au Noir dans la nuit prochaine avec un passage de l'Équateur d'ici la fin du week-end.
290,2 milles d'avance par rapport au temps de référence ce 26 novembre.
– Communiqué du 25 novembre à 16 h 45
L'express Banque Populaire continue sa descente dans les eaux atlantiques et pointe actuellement au large du Cap Blanc en Mauritanie. Après quelques heures d'un décroché dans l'ouest hier, Loïck Peyron et ses hommes observent de nouveau une trajectoire propre à leur faire gagner du temps dans le Sud. Bénéficiant de conditions de navigation favorisées par un flux de sud-est inhabituel dans cette zone, les marins engrangent les milles mais ne s'économisent aucun effort pour éviter toute sortie de piste. À bord les manœuvres s'enchaînent et les organismes peinent parfois à se recharger.
« Si nous avions inscrit cette croisière au programme d'une agence de voyage, les clients seraient mécontents ! ». La plaisanterie de Loïck Peyron à l'occasion de la vacation du jour sonnait dans le vrai tant le Maxi ne laisse à personne le soin d'admirer le paysage. Ainsi, trois jours après avoir quitté Brest, après Les Canaries hier matin, l'archipel du Cap Vert pointe-t-il son ombre devant les étraves du grand trimaran. Mais qu'on ne s'y trompe pas, pour faire fumer l'écume comme il le fait depuis son entrée en jeu dans le Trophée Jules Verne, l'équipage ne s'épargne rien. Prenant le parti d'un décalage dans l'Ouest pour aller chercher une rotation du vent à l'Est et un meilleur angle pour la descente, l'équipage est en train d'en récolter les fruits et, d'une certaine façon, d'en payer le prix : « Nous avons fait beaucoup de manœuvres depuis ce matin parce qu'on a eu plus de vent que prévu. Mais ça glisse et la direction du vent nous permet de tenir une jolie vitesse et d'avoir un beau décalage qui nous sera profitable pour la suite. Nous avons un vent de sud-est en provenance du Sénégal, ce qui est assez rare, voire inespéré car ça nous permet d'aller vite. Mais la contre partie est qu'il a fallu réduire la toile. Ce n'est parfois pas simple de ralentir cette belle machine. La météo s'en mêle de belle manière et ça ne se passe pas mal du tout. Ça reste bluffant de voir défiler autant de pays, aussi vite, sur la carte ».
Avec l'heureuse surprise de voir la météo se révéler plus optimiste dans les faits que sur les fichiers, Loïck Peyron et ses chasseurs de records tirent donc le meilleur parti possible pour accentuer leur glissade vers le sud et le premier point de passage à l'échelle du globe, l'Équateur, qu'ils devraient franchir dans la nuit du 27 au 28 novembre : « Nous poursuivons notre descente et allons passer au grand large, loin dans l'ouest du Cap Vert pour éviter les dévents. Ce sera aux environs de 23 heures/minuit la nuit prochaine et puis nous poursuivrons notre glissade vers l'Équateur. Nous devrions théoriquement y être en cinq jours et demi, ce qui serait parfait. Les prévisions pour le Sud ne sont pas mal non plus. Avec le potentiel de ce bateau, on acceptera de toutes façons toujours d'être en retard, jusqu'au dernier moment ». Bien conscient que si un record se gagne sur la durée, il peut aussi se perdre sur une rencontre fatale ou un quart de seconde d'inattention poussant à la faute. Pour toutes ces raisons, les hommes du Maxi Banque Populaire V prennent soin d'en garder sous les flotteurs.
Autre critère de performance au moins aussi crucial que les aspects matériel et stratégique de la tentative, la bonne forme et la capacité à récupérer des marins est pour l'heure légèrement mise à mal. Ainsi, si l'organisation des quarts a pris ses quartiers depuis le passage de la ligne à Ouessant, le sommeil souffre quant à lui des conditions de navigation et de l'intense activité liée aux manœuvres incessantes de ces dernières heures. Mais tous le savent, il faudra se faire aux bruits constants et parfois stressants, aux mouvements de la machine, au chaud et bientôt au froid : « Nous sommes bien organisés, même si les séances de sommeil ne sont pas faciles à caler pour chaque quart, notamment parce que ça bouge beaucoup, qu'il fait parfois chaud et que les manœuvres s'enchaînent. Beaucoup font des petites siestes flash pour récupérer. Mais nous allons très vite reprendre des phases de sommeil réparateur ».
212,3 milles d'avance par rapport au temps de référence
Cette Zone de Convergence Intertropicale est générée par l'opposition des vents venant de l'hémisphère Nord et ceux de l'hémisphère Sud. Situé entre le 8° et le 4° Nord, le Pot au Noir provoque des vents capricieux, extrêmement faibles et des grains violents. Difficile à caractériser, il est un premier piège sur la route du Trophée Jules Verne.
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