Il y a une semaine, Loïck Peyron et ses hommes coupaient la ligne de départ du Trophée Jules Verne au large de Ouessant, profitant de l'ouverture d'une fenêtre pleine de promesses. 4.640 milles plus tard dans l'Atlantique, le Maxi Banque Populaire V n'a pour le moment rien manqué de ce rendez-vous, s'offrant un premier temps de référence à l'équateur (1) et filant à belle allure vers le Sud avec perspective d'un nouveau chrono intermédiaire à Bonne Espérance. Au large des côtes brésiliennes, le trimaran géant poursuit sa route en toute fluidité.
Une semaine de mer tout juste et déjà l'équipage du plus grand multicoque de course se trouve dans l'hémisphère Sud, au large du Brésil. Suivant un enchaînement idéal, l'équipage continue sa descente dans le Sud selon un rythme au cœur duquel hautes performances et retenue nécessaire semblent faire un excellent ménage. Engagés dans le contournement de l'anticyclone de Sainte Hélène depuis hier, les marins en font le tour comme ils le feraient de leur propre paroisse, accompagnés par un vent dont la rotation progressive leur est très favorable.
À bord, tout coule de source, pour le plus grand plaisir de Loïck Peyron : « Nous avons un bel alizé au large des côtes brésiliennes. Nous sommes passés en fin de nuit au large de Salvador de Bahia et nous nous disions qu'en être à cette latitude en sept jours, c'était pas mal ! Nous allons encore longer la côte brésilienne pendant 24 heures, avec une route un peu bizarre pour contourner l'anticyclone de Sainte Hélène par son côté ouest. Au fur et à mesure qu'on descend dans le Sud, le vent s'oriente favorablement pour le bateau. On a un vent presque au nord-est, ce qui donne de vraies allures rapides. On est toujours entre 28 et 30 nœuds, 32... ça dépend, c'est à la faveur des grains. Il y en a pas mal depuis ce matin donc on slalome un peu entre les nuages pour ne pas se faire piéger par trop de vent juste en avant de ces nuages, ou pas assez derrière. On s'apprête à manœuvrer. On est toujours sous grand voile un ris et solent. On va passer au premier gennaker [spi gênois] dans quelques heures, puis au grand gennaker dans une journée et au tout petit gennaker dans deux jours parce qu'on attaquera déjà le grand Sud. La question de l'équipage c'est de savoir quand est-ce que ça va se rafraîchir. D'ici deux jours à peine, on sera dans du frais !»
Vue de la terre, l'information donne presque le vertige mais la trajectoire et les performances du bateau le confirment, il est bien question d'une entrée dans le Grand Sud dans un avenir proche. D'ici à la fin de la semaine, ils devraient saluer le cap de Bonne Espérance, observant une route relativement sud pour en finir avec le contournement de Sainte Hélène, mais bénéficiant d'un vent plus régulier que le régime rencontré par Franck Cammas et ses hommes en 2010. Autre motif de satisfaction, une carte manifestement vierge de toute glace et une mer qui ne devrait pas malmener la monture comme elle a coutume de le faire dans cette zone du globe.
C'est finalement presque Noël avant l'heure pour Peyron et ses équipiers : « Pour l'instant les prévisions au sud, pour le deuxième partiel de ce record, ne sont pas mauvaises. On a surtout la confirmation par l'organisme canadien avec lequel on travaille, qu'il n'y a a priori pas de glaces. C'est l'un des avantages de partir relativement tôt en saison. Pour le moment il n'y en a nulle part, ni en Atlantique Sud, ni même dans l'océan Indien, à la différence d'il y a deux ans. Mais c'est un peu dommage, on aimerait bien voir un iceberg ou deux. Un tour du monde sans glace c'est comme du beurre sans épinards ! Ça manque un peu... La bonne nouvelle également, c'est que l'état de la mer dans le sud est relativement régulier. Il n'y a pas eu jusqu'à présent de chapelet de dépressions les unes derrière les autres qui auraient transformé toute la mer en mixeur. Au contraire, c'est assez bien étalé en une longue houle d'ouest sur laquelle on va s'amuser à surfer ».
Finalement si ce n'était le manque de confort propre à n'importe quel multicoque de course, le tableau serait idyllique. Mais interrogé sur le sujet, le skipper de cette belle équipe ne cachait pas que la toute petite accalmie annoncée une fois passé l'axe de la dorsale anticyclonique, était de nature à faire les affaires des marins qui pourraient enfin bénéficier d'un peu de répit... enfin presque tous : « Ça bouge beaucoup, en permanence, et même si les barreurs sont très doux avec la monture, on ressent le moindre soubresaut et ne n'est pas facile de se reposer. Mais nous allons passer de l'autre côté de l'axe de la dorsale, ce qui sera moins bon pour la performance du bateau mais qui, du coup, va nous permettre de nous reposer. C'est dommage pour la moyenne, mais on va en profiter pour faire une vérification du gréement. On va envoyer Florent Chastel en tête de mât, une fois par l'intérieur et une fois par l'extérieur, ce qui n'a pas encore été fait depuis le départ ».
186,3 milles d'avance par rapport au temps de référence
– Communiqué du 29 novembre à 10 h 45
Toujours au large des côtes brésiliennes, le Maxi Trimaran poursuit sa descente vers le Sud à une allure express atteignant presque les 30 nœuds de moyenne sur les dernières 24 heures. Partis de Brest il y a tout juste une semaine, Loïck Peyron et son équipage ont déjà parcouru 4461 milles à la vitesse moyenne de 26 noeuds dans leur tentative de record du Trophée Jules Verne. Ils possèdent, à 9 h ce mardi, une avance de 191,3 milles sur le temps de référence (1) et glissent à une vitesse de plus de 31 nœuds dans un vent d’est-sud-est d’environ 20 nœuds et une mer de travers.
A 180 milles au large de Salvador de Bahia, le trimaran géant navigue toujours dans la «mer des Alizés» sous un soleil de plomb et une chaleur avoisinant les 30°C. Les conditions de navigation, rapides et fluides, devraient rester les mêmes pour les heures à venir ce qui pourrait permettre aux hommes de Banque Populaire de prendre encore quelques milles d’avance sur le détenteur actuel du record. Prometteur pour le passage du cap de Bonne Espérance ?
191,3 milles d'avance par rapport au temps de référence
191.3 milles d'avance par rapport au temps de référence
(1 ) Sous réserve de validation par le WSSRC (World Sailing Speed Record Council : Conseil mondial de records de vitesse à la voile).