Tribune d'Ai'ta ! Code Dalloz « Langues de France », Préface de La Ministre de la Culture Mme FIL

Présentation de livre publié le 23/08/14 0:58 dans Langues de Bretagne par Collectif pour Collectif
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La presse quotidienne régionale bretonne s'est faite l'écho très récemment d'un petit code Dalloz sur les langues de France préfacée par la Ministre de la Culture, publié fin mai 2014, et passé jusque-là quasi inaperçu.

Si, dans la préface, Mme Filipetti fait preuve d'envolées lyriques sur la diversité linguistique « l'enjeu est de contribuer à donner aux langues de France un droit de cité, au sens profond du terme, non seulement le droit d'exister mais bien une part active à la citoyenneté française » « le moment est venu de libérer la parole dans ces langues » etc…, la suite de l'ouvrage met bien en exergue le peu de possibilités pour les langues de France d'exister dans le cadre de la sphère publique, condition sine qua non de leur survie.

Quelques morceaux choisis de cet ouvrage fort intéressant qui révèle l'impasse dans laquelle se trouvent les langues régionales suite à la loi Toubon du 4 août 1994 sur l'usage de la langue française, et l'introduction en 1992 dans l'article 2 de la constitution française de la mention « le français est la langue de la République » (Justifiées à l'origine comme une arme contre l'anglais, ces dispositions se sont transformées depuis en véritable machine de guerre contre les langues régionales comme l'illustre ce code).

Ainsi, on relève dans l'article chapeau « cadre juridique relatif aux langues régionales » :

«Notre code juridique impose l'usage du français lorsqu'il est indispensable que l'information soit comprise sans ambiguïté par tous, soit pour des raisons d'intérêt général (par exemple pour des raisons de sécurité), soit parce qu'il s'agit d'énoncer des principes généraux, des règles, de publier une instruction générale... ». C'est sans doute en vertu d'un tel usage d'intérêt général que le directeur interdépartemental des routes de l'ouest justifiait dans une lettre de réponse à notre collectif, en décembre 2011, l'interdiction de la langue bretonne par l'Etat (toujours en vigueur !) sur la signalisation directionnelle des routes nationales bretonnes :

« une signalisation bilingue pourrait se traduire par des man½uvres hasardeuses devant un panneau (ralentissement, changement de trajectoire au dernier moment) potentiellement dangereuses en terme de sécurité routière »(sic).

Dans ce code, on peut également relever «...dans les assemblées territoriales, la langue française seule en usage » ou bien encore « l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public » ...

Dans le domaine de l'éducation, on découvrira que les différentes langues régionales sont loin d'avoir un traitement égal dans une république « une et indivisible » selon que l'on soit corse ou breton, ou habitant d'outre-mer. Cerise sur le gâteau, il est rappelé l'interdiction récente des livrets de famille bilingue français / breton selon la loi du 2 thermidor an II (ndlr : sous la Terreur) :« nul acte publié ne pourra être écrit qu'en langue française ». Ce code Dalloz mentionne que « rien ne s'oppose à ce que les mairies délivrent en sus du livret de famille officiel un livret dans une autre langue dès lors que la charge ne serait pas supportée par l'Etat »…

Mme Filipetti affirme « tout ce qui n'est pas interdit est autorisé ». Mais à la lecture de ce code, bien peu de choses le sont en réalité sinon à la marge dans une France qui loue la diversité linguistique .. à condition de ne pas mettre en cause le monolinguisme de l'identité nationale.

On trouvera une conclusion en total décalage avec le discours introductif de Mme la Ministre dans la partie « textes internationaux » : « Lorsqu'elle ratifie des textes internationaux, la France veille toujours à ne pas donner de place spécifique aux langues de France dans la sphère publique, et a toujours refusé de reconnaître l'existence de groupes de locuteurs au sein du peuple français. Les réserves qu'elle émet sur les dispositions ayant trait aux langues tendent à leur ôter toute force exécutoire. »

Alors, à quand une véritable loi pour les langues de France pour sortir de ce “maquis d'arrêtés , de circulaires, de décrets…” dont parle Mme Filipetti et donner enfin un véritable avenir concret à la pluralité linguistique en France ? A quand une ratification de la charte européenne des langues régionales (promesse N° 56 de François Hollande) ?

Une optique qui semble s'éloigner de plus en plus malgré les premiers mots de Mme la Ministre dans cet ouvrage : “A l'heure où est enfin engagé le processus final de ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires...”.


Vos commentaires :
Marcel Texier
Lundi 25 novembre 2024
Les paroles de Madame Filippetti ne sont que de l'«enfumage». Il n'y a jamais eu, il n'y a pas, il n'y aura jamais de place pour les langues autre que le français dans la «République Une et Indivisible». Il est dangereux, voire irresponsable d'entretenir l'illusion du contraire.

Jañ-Mai Drapier
Lundi 25 novembre 2024
M. Texier, vos propos sont stériles et contre-productifs. Si chacun ici peut juger combien les intitutions françaises sont depuis fort longtemps et avec une belle constance hostile aux «petites langues», il est néanmoins possible (et souhaitable) que les uns et les autres se retroussent les manches, afin que la langue bretonne redevienne langue effective de communication de beaucoup de bretons.

Il nous faut prendre appui sur l'esprit des textes, et le retourner contre l'interprétation littérale. Par exemple le principe que voudrait que «dans les assemblées territoriales, la langue française [soit] seule en usage» répond au besoin (légitime) que chaque citoyen puisse comprendre clairement les débats. Selon ce principe-là, rien n'interdit de s'exprimer en langue bretonne, dès klors qu'on fournit une traduction simultanée à ceux qui ne la comprennent pas. Il suffit de mobiliser des casques audio, un micro HF (l'Office met ce matériel à disposition depuis 10 ans), ainsi qu'un interprête, et le tour est joué. Et si quelqu'un est mécontent, qu'il aille donc se plaindre devant un tribunal administratif !

Nous aurons les droits que nous prendrons ! Osons lutter, osons vaincre !


Alwenn
Lundi 25 novembre 2024
« tout ce qui n'est pas interdit est autorisé ».

Mme Filipetti nous prend pour des esclaves à qui on impose une limitation de leur liberté, et au nom de quoi ?

L'Etat français n'a aucune légitimité à interdire en quelque façon que ce soit le breton. Ce n'est que par l'utilisation de la loi comme instrument d'oppression qu'il le fait, par diktat.
On a affaire à un fascisme par l'utilisation illégitime et impérialsite de la loi.


Philippe Steinmetz
Lundi 25 novembre 2024
Mais non, la France n'est pas hostile à la co-officialité des langues régionales. Elle est même hyperfavorable à l'officialité exclusive des langues régionales sur leur propre territoire ! Mais uniquement lorsqu'il s'agit de minorités régionales francophones à l'étranger : dialectophones Québécois, patoisants 'Acadiens', Wallons, Romands, Valdotains etc... C'est là toute la duplicité et la mauvaise foi de la politique linguistique de la France. Défense du pluralisme linguistique chez les autres (Canada, Belgique, Suisse, Italie) en faveurs des minorités régionales francophones qui s'y trouvent, et refus catégorique de toute reconnaissance publique ou coofficialité des langues régionales en France, au nom du despotisme pan-francophone (pardon : «du rayonnement de la francophonie»)...

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