Traduire peut être néfaste : l'exemple du Pays de Galles

Présentation de livre publié le 7/07/09 12:34 dans Cultures par Gwyn Griffiths pour Gwyn Griffiths
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Colloque 2007. Édition CRBC Université de Bretagne occidentale. Brest 2009.

Selon le Dr Richard Glyn Roberts de l'École des Études Gaéliques et Celtiques de l'Université de Dublin, le développement du nombre de traductions simultanées est néfaste au gallois, plus particulièrement dans les zones où cette langue est majoritaire. 

La conclusion de cette allocution faite par le Dr Roberts lors du Colloque international et pluridisciplinaire sur le Pays de Galles contemporain le 25 janvier 2007 vient d'être publiée par le Centre de Recherche Bretonne et Celtique de l'Université de Bretagne Occidentale et suscite beaucoup d'intérêt au Pays de Galles. 

Dans son allocution intitulée “Réflexions sur une égalité superficielle : la traduction au Pays de Galles” in Pays de Galles :  quelle(s) image(s) ? What Visibility for Wales? , le Dr Roberts prend comme exemple le jour où on lui avait demandé d'offrir une traduction simultanée lors d'une conférence réunissant des cadres de santé. Neuf d'entre ceux-ci étaient galloisants, les neuf autres ne l'étant pas. On le lui a pas demandé une seule fois de traduire : « Les locuteurs de gallois parlent l'anglais aussi couramment, ou presque, que les autres et se sentaient frustrés d'avoir à passer par l'intermédiaire d'un interprète. » 

« Il devient aussi de plus en plus difficile d'organiser des conférences et des activités culturelles en gallois sans l'obligation d'offrir un service d'interprétation en anglais. » 

Il développe son argument en affirmant que les efforts faits pour obtenir le soutien des non-galloisants érodent le statut social du gallois sur ses propres terres. « Le bilinguisme offert par la traduction simultanée maintient le statu quo en faveur des locuteurs d'anglais... qui plus est, il encourage la promotion de l'anglais dans les rares districts où le gallois est resté prédominant jusqu'à aujourd'hui. » De plus, les discours ou allocutions en anglais ne sont jamais traduits en gallois. 


La croissance des services de traduction au Pays de Galles offre une perspective intéressante. Il semblerait qu'au moins un traducteur soit millionnaire et je peux confirmer que les traducteurs indépendants gagnent très bien leur vie. 

On me demande de temps en temps de traduire en gallois des compte-rendus de conférences pour des amis d'amis qui veulent que le travail soit fait immédiatement lorsque leur traducteur habituel n'est pas libre. Une fois on m'a demandé de traduire tout un tas de documents pour 9 heures le lendemain matin alors que je ne les avais reçus qu'à 18 heures.

J'ai terminé ce travail à 6 heures du matin. C'était pour l'ami d'un ami, si bien que j'ai demandé d'être payé au tarif normal, sans prendre en compte l'urgence de cette traduction. Je fus agréablement surpris du montant de la somme inscrite sur le chèque. Il m'est arrivé de toucher moins d'argent pour des livres qui m'avaient pris des mois ou même des années à écrire ! 

Ce qui me semble inquiétant est que beaucoup de jeunes gens très intelligents choisissent des emplois bien rémunérés en tant que traducteurs alors que leurs talents pourraient être utilisés à meilleur escient dans un autre domaine. De plus, il y a de moins en moins de cadres supérieurs qui sont capables travailler à la fois en gallois et en anglais ou qui peuvent s'exprimer en gallois.

Il y a quelques années, j'ai écrit un article sur la quasi non-représentation des galloisants – et même des Gallois – au sein de l'administration des Beaux-Arts. À cette époque on me disait qu'aucune des universités galloises n'offrait de cours préparant les jeunes à un emploi dans ce secteur. 

J'ai, à plusieurs reprises, collaboré avec les musées gallois ces quinze dernières années et ai été surpris de constater que si peu d'employés étaient capables de parler gallois, même dans les régions où le gallois est prépondérant. On m'a à nouveau affirmé que les universités galloises n'offraient pas de licence combinant l'étude de l'histoire et celle de l'archéologie qui permettrait aux étudiants de faire carrière dans les musées. 

En conséquence, les postes sont occupés par des personnes venant d'Angleterre qui, bien que possédant les diplômes nécessaires, ne connaissent pas ou n'ont pas d'attirance particulière pour les villes où ils viennent travailler. Ce n'est pour eux qu'une étape avant de repartir en Angleterre. Certains apprennent cependant à parler gallois presque couramment, et nous louons cet effort, mais il leur manquera toujours une connaissance profonde des communautés dans lesquelles ils travaillent. 

« Nous pouvons contourner le problème en offrant un service de traduction » est la réponse des professionnels à ce problème et c'est ainsi qu'ils continuent à nommer des gens de l'extérieur. De telles nominations ont conduit à des décisions déplorables au niveau du Pays de Galles. Il y a peu de temps, un Anglais a ainsi porté la lourde responsabilité de la fermeture du Musée industriel et maritime gallois de Cardiff, ce qui a mené à la dispersion de collections importantes. 

Je me souviens d'une époque où il aurait été impensable de nommer comme Directeur d'une telle institution une personnalité qui n'aurait été ni galloise ni galloisante.  L'essor actuel de l'industrie de la traduction rend de telles nominations de plus en plus probables. Le Dr Roberts a certainement raison de le souligner.

Gwyn Griffiths, traduction Jacqueline Gibson.
(voir notre article) le texte original en anglais.


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