L'Association bretonne (fondée en 1843 à Vannes), Koun Breizh, Breizh 5/5, Breizh ImPacte, Bretagne Majeure, Bretagne Réunie, Eost, l'ICB SUAV, Kevre Breizh (une fédération d'une trentaine d'associations culturelles), l'Office public de la Langue Bretonne (OPAB), Tudjentil Breizh, VigiBreizh, et des géographes comme Yves Lebahy (Skol Vreizh) ou Mikael Bodlore-Penlaez (excusé), se sont réunis ce 1er juin 2024 à Ti ar Vro Gwened pour, in fine, créer le collectif du 1er juin, lire une déclaration finale (voir en PJ), et se donner rendez-vous dans six mois.
Ces associations étaient aussi présentes le matin devant la préfecture, pour le rassemblement en faveur des langues devant toutes les préfectures de Bretagne et d'ailleurs en France où les langues minoritaires sont menacées. On vit aussi quelques drapeaux du Parti Breton.
Aussi invités : le délégué territorial de la Poste, Alan Kaci, et Paul Molac en tant que représentant du président du Conseil régional de Bretagne, Loïc Chesnais-Girard et l'AIFT (Association des Ingénieurs Territoriaux de France).
Les 150 personnes ont suivi les débats avec attention, sont intervenues dans la partie échanges avec la salle, et beaucoup sont restées pour le verre de l'amitié afin d'échanger avec les intervenants. Ces débats ont été animés sous la houlette de Sten Charbonneau, toujours aussi solide.
Comme expliqué par le représentant des ingénieurs territoriaux (AITF) Maël Reboux, toute la toponymie est dorénavant dans les mains des communes, ce sont elles qui décident des noms des rues et des lieux-dits et en informent la base de données nationale des adresses ou BAN. Maël Reboux d'insister sur le caractère non contraignant de la loi 3DS, et que la limite du 1er juin pour les petites communes n'est pas rédhibitoire. C'est aux citoyens de faire pression pour que les communes réfléchissent plus longtemps avant de se lancer dans un renommage à l'encontre du breton. Le représentant de la Poste, délégué territorial du groupe La Poste pour le Morbihan, Alan Kaci, s'est aussi lavé les mains en indiquant qu'en aucun cas la Poste donnait des directives aux communes quant à l'adressage. Des personnes sont malgré tout intervenues pour signaler avoir vu leurs lettres adressées en breton renvoyées à l'expéditeur.
Toute adresse doit avoir un numéro y compris les lieux-dits, c'est la seule directive nationale issue de la loi 3DS. Le nom de la voirie doit être en français mais le toponyme peut être dans n'importe quelle langue régionale. Le terme lieu-dit est un type de voirie et n'a aucunement besoin d'un nom de rue. Est-ce que le mot lieu-dit est même nécessaire ? Pour l'ingénieur territorial Mael Reboux, le terme lieu-dit n'est plus nécessaire devant un toponyme. Si il y a une seule adresse au lieu-dit Kermagon, à Landudec, ca peut s'écrire : 1, Kermagon, 29700 Landudec.
La responsabilité qui incombe aux communes est très lourde. Devant les solutions de facilités, les incompétences, la douzaine d'associations réunies aujourd'hui à Vannes ont exprimé leur peur que les petites communes ne francisent pas tout au moment de créer leur base d'adresses locales. Des cas d'abus ont été rapportés. D'autres communes comme Spezet ont fait un travail remarquable
Dider ar Gov, statisticien, a relevé le nombre de mouvements dans la vie des communes (création des communes nouvelles, fusions...) lesquels impliquent des changements de noms. On en dénombre près de 350 en Bretagne depuis 1946, dont 30 % dans les Côtes d'Armor. Il en juge 240 néfastes quant à la toponymie bretonne, dont le fameux Beaussais-sur-Mer, regroupant les anciennes Plessix-Balisson, Ploubalay, Tregon. Il relève et félicite a contrario que six communes ont fait un mouvement inverse, revenant à une graphie bretonne, tel Plouezoc'h qui a retrouvé son «c'h» final en 2002.
Hervé Gueguen, de l'OPAB, a commencé son intervention en se moquant d'une francisation outrancière qui frise le ridicule : nous connaissons tous les hameaux du nom de Croissant qui s'appelaient à l'origine Croaz Hent (croisement des chemins en breton). Plus ridicule encore : «Sant Rion» devenue «Cendrillon». Il a indiqué, cartes à l'appui, comment on pourrait numéroter les maisons dans leurs villages, donc en gardant la toponymie actuelle, plutôt que de la remplacer par des noms de rues.
Paul Molac, en tant que représentant du Conseil régional, n'a fait qu'annoncer l'impuissance du Conseil régional dans un domaine où seules les communes sont responsables. Tout en rappelant que l'OPAB fait ici son boulot de conseil. Mais ne pourrait-on pas créer au niveau de la Région une force ponctuelle («task force») afin d'aider les communes démunies dans ce domaine ? La question a été posée.
Des communes ont créé des rues et des numéros sans imaginer le ridicule qui peut être généré. Ainsi, dans telle commune, Yann Bêr Kemener (le sonneur d'alerte lors de l'affaire de Telgruc), note une «rue Sam Suffit», avec un seul numéro, le 1, pour nommer une voie avec une seule résidence qui avait ledit sobriquet. Il note que souvent la francisation a consisté à ajouter un article : «le» ou «la» devant le nom breton, aboutissant à des résultats risibles : mélange des genres ou confusion singulier-pluriel.
Yann Bêr s'est attelé à un travail de fourmi, catégorisant les communes de la zone bretonnante de Bretagne en sept catégories : de Gwenn kann pour les plus vertueuses, à Du pot pour les plus mauvaises élèves. Vannes se retrouve dans la dernière catégorie, mais comme l'a relevé un auditeur, Vannes a depuis très longtemps parlé français, et il n'y a pas eu débretonnisation, mais francisation directe. D'ailleurs, un autre spectateur a signalé que le ministère de l'Intérieur envoyait tous les ans aux communes une liste d'une centaine de noms pour les nouvelles voiries, ou pour des renommages, dans l'air du temps de la bien-pensance française. Ainsi, l'année dernière, les femmes scientifiques étaient à l'honneur. Ceci n'est que de l'incitation, bien entendu, mais bien forte !
Jacky Flippot, adjoint au maire de Blain, qui fait fait beaucoup pour la rebretonnisation de sa commune de Loire-Atlantique, a noté qu'il y avait peu d'élus dans la salle et qu'il y a peu de militants bretons dans les conseils municipaux. A noter toutefois la présence d'Aziliz Gouez, vice-présidente de Nantes Métropole et militante des causes bretonnes. Yannig Baron note lui que bien souvent, même le français disparaît, ainsi, dans les rues très commerciales de Vannes, les noms de boutiques sont de plus en plus en anglais. Tandis que que Caroline Glon de la Baule, note que 63 % des villages de sa commune viennent du breton.
La salle a interrogé le représentant de la Poste sur le fondement juridique des normes concernant les types de voies, en français. Alan Kaci a rapidement montré un extrait d'un document de la Commission nationale de toponymie (CNT), mais Yvon Ollivier, un juriste, président de Koun Breizh a démontré en quelques mots que ce texte n'avait pas de fondement juridique. Il prête de plus à confusion. Retour à la case départ. Il demande en tout cas un moratoire.
Dider ar Gov, ancien responsable des envois courriers d'une grande institution française, a aussi interpellé le représentant de la Poste sur l'obligation faite aux clients bénéficiant du tarif industriel en nombre d'appliquer des normes de graphie, lesquelles éliminent par exemple le «c'h» même si le nom est officiel. Ainsi, les clients sont obligés de supprimer cette apostrophe au risque sinon de se voir déclasser toute la «caissette» de 5000 courriers, et donc payer un supplément d'environ 50 centimes par courrier. Alain Kaci Kaci a admis ne pas connaître cette règle et qu'il se renseignerait.
Pêr Vari Kerloc'h, de la Gorsedd Breizh et ancien postier, souhaite qu'il y ait plus de sensibilisation à la chose bretonne pour les agent(e)s de la Poste. Alan Kaci lui répond qu'à Carhaix, il y a un affichage bilingue, ainsi que sur leurs tenues. La Poste par ailleurs accepte que ses commerciaux soient formés par l'OPAB. A noter que Koun Breizh rencontrera à Paris Philippe Wahl, P-DG de la Poste le 11 juin.
En conclusion des débats, Yves Lebahy a ravi l'auditoire dans une intervention synthétique rappelant d'entrée que «la loi, c'est quand on ne peut plus se parler entre soi, et qu'il vous manque le bon sens.» Il note aussi que les employé(e)s de la Poste, du fait du management, sont dorénavant totalement déconnecté(e)s du territoire. Et les communes devraient par ailleurs discuter avec leurs populations sur ce genre de question. Pourquoi tel lieu a tel nom ?
Pour terminer, Yvon Ollivier, a retracé l'histoire, de la saisine de l'Unesco et a proposé une approche avec la Daolenn Zu , un tableau noir montrant village par village l'évolution de la toponymie de 1946 à aujourd'hui. Il s'agit d'un travail titanesque auquel tous les militants bretons sont invités à participer en faisant des relevés et à les envoyer à l'adresse suivante : contact_toponymie-bretonne@kmel.bzh . un simple tableau suffit : ma commune, puis la liste des villages aujourd'hui. Les militants de Koun Breizh, aidés par qui veut, créeront le tableau, en se basant sur le recensement exhaustif de 1946. Koun Breizh contactera les communes pour lesquelles il y a des problèmes.
En attendant, Yvon Ollivier appelle à un moratoire. Que les communes ne fassent rien en attendant que les choses bougent.
Nadège Rambault de Koun Breizh, a lu la déclaration finale, lançant le collectif du 1er juin (voir en PJ), Pour finir Michel Chauvin a lancé un Bro Gozh bien repris.
■0Là on va manger notre Bretagne. :-(