Théodore Botrel, le créateur du folklore ? Réponse en musique

Rapport publié le 31/01/10 11:40 dans Cultures par Fanny Chauffin pour Fanny Chauffin
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Soirée Botrel au château de Kerlarec, éclairé aux bougies : une façon de montrer comment ce barde, mort en 1925, est bien vivant encore dans la mémoire de beaucoup de chanteurs. Ils sont huit, qui vont chanter dans l'ordre de leur apparition dans la carrière du chanteur montmartrois, les «tubes» de Théodore.

D'abord, «La Paimpolaise», qui l'a rendu célèbre, même s'il n'y a pas de falaise à Paimpol et que paraît-il «Falaise» serait le nom d'un bistrot paimpolais, pas toujours bien fréquenté.

Puis, vient le tour des chansons d'amour avec «Le Patour», et «Par le petit doigt». Les chansons qui reflètent la misère de l'époque sont nombreuses : «Les Graviers» (chanson qui vient du répertoire traditionnel) est aujourd'hui chantée avec la musique de Botrel, ou les paroles de Botrel, chaque chanteur y allant de ses préférences.

«Le Couteau» est probablement la chanson la plus engagée, prenant les riches à parti. «Le Tricot de laine» montre aussi la misère des veuves de marins qui tricotaient un point particulier pour avoir des chances de reconnaître le marin revenu sur la grève.

Chanson antialcoolique, avec «La Sale goutte», militariste avec «Ma mitrailleuse» (sur l'air de la Tonkinoise) :

«Quand ell' chante à sa manière

Taratata, taratata, taratatère

Ah que son refrain m'enchante

C'est comme un z-oiseau qui chante

Je l'appell' la Glorieuse

Ma p'tit' Mimi, ma p'tit' Mimi, ma mitrailleuse

Rosalie me fait les doux yeux

Mais c'est ell' que j'aim' le mieux.»

... Catholique avec «Jésus chez les Bretons»: « You, you, you, sonnez les binious car le divin Maître va renaître...»


Livrés à la réflexion des 60 spectateurs présents, les textes suivants ont permis à chacun de se faire son opinion :

“Je demande qu’après ma mort, aucun écrit, aucune oeuvre posthume, rien, rien, rien, ne soit publié. Je ne demande que le silence autour de mon humble nom.“
Botrel

“Quand je songe que tes immortelles chansons, poursuivant leur oeuvre de beauté et d’amour, réjouiront toujours le coeur des enfants et des jeunes filles, scanderont la marche des soldats, rythmeront le travail des ouvriers, parce qu’elles sont comme la voix de notre race fidèle au devoir austère et sacré de tous les jours, je ne puis me défendre d’envier ton destin, ô toi, le chansonnier du bon Dieu et des pauvres gens, car, mort après la journée faite, ayant récolté tout ton grain, mort en pleine force et debout comme les soldats et les marins que tu chantas, je te vois, dans les avenues du Paradis, ton grand chapeau noir sur la tête, la Paimpolaise aux lèvres, conduit par le petit doigt de ton petit Grégoire, et paré pour l’immortalité.«
Jules Renault, 1933.

“Voici la leucémie bretonne, Botrel chantant son idéal fayot avec sa mitrailleuse à boches et l’armée bretonne dans sa poche, la fleur d’ajonc à la cheville, accrochée au folklore boulet pour nous faire une Erstaz de pensée et une culture de pacotille.»
Gilles Servat.

“Commence alors la traduction française de la Bretagne qui trouvera en Botrel son interprète idéal. Botrel ne parle pas breton. Mais pour les Français, il le parle puisqu’il dit comme tout le monde menhir, korrigan, biniou, Armor. Armor surtout : la patrie de Botrel n’est pas la Bretagne mais l’Armor, contrée mélodieuse où réside le Breton rêvé : le pauvre gars qui meurt en mer en prononçant tout bas le nom de sa Paimpolaise, l’amoureuse angélique veuve dès ses fiançailles. Botrel chante le mouchoir de Cholet comme Bécassine trimbale un parapluie. (...) L’Armor de Botrel offre au Parisien l’attrait d’un pays étranger et pourtant bien de chez nous, pittoresque mais apprivoisé, maquillé en immense kermesse de patronage.“
Morvan Lebesque.

«La pharmacie Botrel, bourrée de tranquillisants, a approvisionné les enfants des patronages, les névrosés des cercles folkloriques, les amoureux des fleurs d'ajonc. Mais voilà qui est fait : cette fois le mannequin, prince en bretonnerie, est mort et bien mort. Notre génération l'a tué.»
Xavier Grall.

«Chantre de la poésie et des paysages sauvages de l’âme loyale et sincère des Bretons, dans ses chansons comme dans ses poèmes ou ses pièces de théâtre, Botrel s’installe à Pont Aven en 1905, y crée la Fête des Fleurs d’Ajonc, avant-garde de toutes les manifestations traditionnelles et culturelles bretonnes qui foisonnent de nos jours.»(
site internet, 2010, présentant Pont Aven).


Au fil du temps, c'est le romantisme du XIXe qui a gagné et on peut se demander si le «prince en bretonnerie» est vraiment mort.

«À chacun, un jour ou l'autre, la découverte ou l'ignorance», a écriit Morvan Lebesque. Botrel fait partie indéniablement de la culture bretonne, même s'il a contribué à la folkloriser (au deuxième sens du terme : culture sans véritable intérêt, superficielle, provinciale, sans valeur). Mais il reste encore un véritable travail d'historien à faire sur cet auteur, pour le comprendre, comprendre son époque et l'immense écho qu'il a encore aujourd'hui.


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