Le groupe Ermine invitait un spécialiste des minorités dans l'ex-Yougoslavie ce vendredi.
Professeur d'anthropologie à l'Université de Nice, Dejan Dimitrijevic est venu exposer la situation complexe de l'ex Yougoslavie peuplée de minorités meurtries par la guerre et aujourd'hui gérées par des organisations internationales, qui nient la complexité des «existences sociales des diversités», qui construisent un système administratif, juridique qui est arbitraire et ne prend pas en considération les différentes minorités en présence.
Il revient à l'histoire, aux deux exemples de nationalismes : le nationalisme à «la française» (assimilateur et englobant) et le nationalisme à l'allemande ou nordique (exclusif).
En s'inspirant d'Otto Bauer (1907), de la conception austro-marxiste, il souligne que la première idée clé est la déterritorialisation de la nationalité. La nationalité est une affaire de choix, de décision personnelle. Quand l'Empire austro-hongrois veut rendre compatible l'éveil des nationalités et la sauvegarde de l'Empire, il utilise cette distinction.
Le deuxième point important est le recensement, opéré dans l'ancienne Yougoslavie tous les dix ans : c'était un moyen de régulation et de gestion de la diversité, des différences dans une perception évolutive. Une conception essentialiste et évolutive s'opposent alors. La Yougoslavie socialiste est une fédération de peuples et de nations, sans qu'il y ait strictement un territoire qui soit rattaché à l'identité de tous les habitants. La Yougoslavie fédère alors six peuples auxquels se rajoutent en 1960 les Musulmans. Les Albanais sont très majoritairement musulmans de confession mais pas musulmans de nation. La nation musulmane est constituée de Slaves musulmans, issus des conversions suivant la conquête ottomane,
Le cas de l'armée nationale de l'époque selon «la clé nationale» est significative à cet égard : les officiers et les soldats représentent toutes les nationalités : plus de serbes car 36% de la population se déclarait alors serbe. En 1968 a lieu la reconnaissance de l'égalité de toutes les nationalités.
Cependant ce qui est advenu est l'implosion de la fédération yougoslave. Les nationalismes rivaux en ex Yougoslavie ont pris l'exact contrepied de la théorie de départ. Au recensement de 1991, les Yougoslaves ont presque disparu, malgré la progression des sondages (5,5%). L'identité yougoslave devenait une réalité, et en 1980 elle a été évincée.
Les Serbes autrefois dominants deviennent dominés, ce qu'ils n'assument pas. Les Albanais récupèrent une place de domination dans les structures de pouvoir vidées de toute souveraineté. Le pouvoir albanais ne jouit ni de la souveraineté nationale ni internationale, il est dans une situation de protectorat.
Décider d'une politique ? Quand Albanais et Serbes pourront se retrouver pour une véritable négociation. Dans le cas actuel, les Serbes et les Albanais sont invités à suivre la logique du cadre européen. À part l'hypothétique intégration dans l'union européenne, il n'est proposé aujourd'hui aucune solution viable. Comment sortir de la crise ?
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