Sainte Anne d’Auray : le Cardinal Sarah, la crise globale, et le breton

Compte rendu publié le 13/09/19 21:21 dans Religion par Yann Lukaz pour Yann Lukaz

Vêtu de noir et coiffé de la kipa cardinalice, venu de Rome, le Cardinal Robert Sarah semble l’exact contraire - ou alors le complément, c’est selon - , du pape François. Autant l’homme en blanc incarne la dimension horizontale de la Croix – notamment avec ses prises de position sociales ou géostratégiques - autant le Cardinal guinéen illustre prioritairement la dimension verticale de la Croix – notamment depuis la publication de plusieurs livres-entretien retentissants.

Dans la basilique de Sainte Anne d’Auray / Santez Anna Wened, dont il était l’invité, le Cardinal Sarah, apparaît - on le pressent très vite - comme un homme de prière. Francophone, son élocution est claire. Le vocabulaire est précis et sans hésitation, mais c’est la voix grave et profonde qui impressionne. Pacifiée et pacifiante, elle fait penser aux saints bretons (mais pas seulement) ayant vaincu le dragon, dont on voit les statues dans tant de nos chapelles.

« La vraie crise n’est pas économique, c’est une crise de Dieu »

Lors de cette conférence-événement, bien calibrée (moins d’une heure, plus quelques questions sélectionnées dont une sur le breton dans la liturgie), intitulée « Dieu ou rien, entretien sur la Foi », le Cardinal va vite à l’essentiel.

« La vraie crise n’est pas économique, c’est une crise de Dieu », ou «L’Europe depuis un siècle traverse une crise sans précédent », ou encore, citant Jean-Paul II, « La Culture occidentale s’est progressivement organisée comme si Dieu n’existait pas ».

Il faut dire que le Cardinal aime citer les papes post-conciliaires (i.e. postérieurs au concile Vatican II, 1962-1964) que sont : Paul VI, Jean-Paul II, Benoit XVI, jusqu’à l’actuel pape François. Il ne dédaigne pas non plus des auteurs anciens. Ainsi cette phrase-choc (attribuée à Saint Athanase ou Saint Irénée ?) « Deus homo factus est ut homo fieret Deus » soit « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu », laquelle résume de façon très concentrée la foi et la pensée chrétiennes. Un auteur quasi-contemporain, conférencier de talent et excellent vulgarisateur de la pensée chrétienne, le regretté P. François Varillon décortique très bien cette phrase. Toujours dans le secteur de la francophonie, on pourra aussi lire Maurice Zundel (suisse, contemporain du Concile où il est intervenu).

Aujourd’hui que faire, pourrait se demander tout un chacun ? Réponse : « replacer Dieu au centre de notre vie. Sans louange, intense vie de prière, adoration, et donc sans Dieu au cœur de l’homme, il n’y a que guerre, dispute, déchirements ». Le Cardinal parle d’expérience, lui qui est né, a grandi, et vécu dans une dictature, au point d’être menacé.

Se focalisant sur nos sociétés, le cardinal en appelle à la « loi naturelle » (se reporter à la philosophie grecque d’Aristote, et au courant de pensée en découlant) et il a cette phrase qui interpelle : « l’Eglise est la seule instance en mesure de sauver la sexualité naturelle, non pas seulement la morale chrétienne, mais la morale naturelle ».

« Jezuz a oa e penn a-dreñv ar vag, kousket war eun dorchenn (Mk 4, 38)» trad. Kenvreuriez ar brezoneg, 1982

Plus généralement, il estime que « nous sommes confrontés à une tentative sans précédent dans l’histoire de l’humanité : celle de détruire l’humanité ». Dans une de ses réponses aux questions, il évoquera l’épisode de la tempête sur le lac de Génésareth (ou mer de Galilée), présenté dans chacun des trois synoptiques et spécialement dans Marc (Mc 4, 35-41). Violente tempête sur le lac, la barque est secouée, à la manœuvre tout le monde a peur. Mais Jésus est là, il dort… A lire in extenso et méditer.

Les quatre questions posées (avec quelques extraits des réponses):

.1 les débuts de sa vocation (sous l’influence d’un missionnaire breton. Ceci explique peut-être son incursion en Bretagne ?)

« Mes parents avaient une foi énorme, plus que la mienne (sic) »

.2 la célébration de l’Eucharistie, et son utilité ?

« Le plus grand trésor dans nos vies ».

.3 l’avenir du catholicisme dans le Monde, en Afrique, en Europe ?

« En Afrique : 200 millions de catholique en 2000 »

« En Asie, des obstacles culturels et politiques, mais de grands progrès ».

« En Europe, recommencer une grande catéchèse, former les chrétiens ». «Le catéchisme, ce n’est pas des dessins coloriés, il faut apprendre».

.4 les traditions locales : langue bretonne, cantiques, pardons ?

« Le problème est encore plus important en Afrique ». « L’important est que l’inculturation ne soit pas un vernis». « Il est important de conserver ces coutumes en leur faisant porter Jésus », « que les coutumes soient christianisées, assument les valeurs chrétiennes, que les traditions nous fassent monter vers Dieu ». Sur cette question, le Cardinal renvoie à son livre « Force du silence ».

Liens vers le site breton Ar Gedour.bzh :

. Ar feiz bevet e brezhoneg, interview en breton de Job an Irien :

Cardinal Sarah à Sainte Anne d’Auray : (article contenant un enregistrement complet d’une conférence du Cardinal Sarah, à l’abbaye de Kergonan)

Question au Cardinal Sarah, sur l’identité bretonne: (article contenant un enregistrement de la réponse, 7 mn).

livre, La Force du silence, contre la dictature du bruit :

Trois ouvrages du Cardinal Sarah :

« Dieu ou rien, entretien sur la foi » Robert Sarah entretien avec Nicolas Diat, Fayard 2015, ou en poche, Pluriel collection Pluriel 2016 (10 euro)

« La Force du silence » Robert Sarah entretien avec Nicolas Diat, Pluriel collection Pluriel 2017 (10 euro)

« Le soir approche et déjà le jour baisse », Robert Sarah entretien avec Nicolas Diat, Fayard (collection Documents) 2019


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