Robert de Goulaine, fils de Bretagne

Chronique publié le 16/02/10 19:14 dans Histoire de Bretagne par Hubert Chémereau pour Hubert Chémereau
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Les Armes des Goulaine. Médaillon sculpté au dessus du gisant des Goulaine dans l'église de Haute-Goulaine.
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En ce mois de février 2010 Robert de Goulaine nous a quittés. Un certain 21 décembre 2006, les Nazairiens présents dans un pub de la ville pour assister à l'émission de France Culture « Travaux publics » animée par Jean Lebrun, vont découvrir un être exquis. Robert de Goulaine ne cacha pas son plaisir d'être à Saint-Nazaire parmi une assemblée chaleureuse. Il fut ce soir-là excellent comme à son habitude. Le journaliste vedette de France Culture l'avait invité à cette soirée radiophonique pour nous parler de son ami Julien Gracq. Deux membres du CREDIB participaient aussi à l'émission : Hubert Chémereau et André Daniel.


Robert de Goulaine défendit avec ardeur la bretonnité du pays nantais et de ses ancêtres qui furent au service de l'État Breton. Il fit remarquer qu'un blason se gagnait au combat alors que le sien est le fruit d'une action de paix. Avec un air malicieux il fit cette sortie : « Comme nous n'étions pas français mais bretons, nous pûmes être médiateurs entre l'Angleterre et la France ». Le Malouin Jean Lebrun, rieur et quelque peu complice, réagit : « Ah ! on ne va pas encore parler de la Bretagne ». Notre cher marquis rappela que pour remercier les Goulaine pour leur rôle de médiateur au nom du duc de Bretagne, le roi d'Angleterre offrit le lion d'Angleterre. Pour ne pas être en reste le roi de France offrit alors la fleur de lys de son royaume. Robert remit une couche en parlant de son château « Au bout de l'allée, qui est longue, c'est la France car nous sommes en Bretagne ! »


Comme l'écrit un chroniqueur du Figaro : « Une soirée à Goulaine était une promesse de dépaysement. Une nuit durant, Robert pouvait raconter ses voyages en Mongolie, ses chasses en Espagne, ses déplacements en Amérique latine (où il allait chercher ses chers papillons)... À force d'énergie et de travaux, il releva une très vieille bâtisse bretonne au seul prétexte qu'elle portait son nom et transforma le château de Goulaine, au sud de Nantes, en un lieu culturel et touristique réputé. Il faisait volontiers les honneurs des lieux, racontant les exploits de ses ancêtres, précisant avec humour : “J'en parle d'autant plus volontiers que je n'y suis pour rien ”. De ses voyages, il ramena l'idée d'installer dans son vieux château médiéval une serre aux papillons ».

Sa joie de vivre et son humour nous manqueront dans un monde qui en est trop souvent dépourvu. Kenavo Robert.


Un autre aristocrate voyageur, fils d'Armorique comme lui : Yves de Kerguelen écrivit en d'autres temps « Je suis né breton. C'est à vous en particulier, Nation bretonne, que je dédie ce journal ». Son ouvrage avait été interdit par le roi de France. Pour la petite histoire, c'est grâce aux Britanniques si l'archipel austral porte ce nom breton.


Julien Gracq, l'écrivain de la frontière

Comme l'émission de France Culture était consacrée à Julien Gracq qui avait les honneurs de la revue 303 (qui malgré ses grandes qualités est avant tout au service de la région artificielle dite « Pays de Loire »), Jean Lebrun fit remarquer : « Je ferai un reproche à 303. La Matière de Bretagne est très peu abordée alors qu'elle est très présente dans l'œuvre de Gracq, la Matière de Bretagne qui est une référence universelle pas close dans une région administrative. »

Pour bien cerner l'écrivain-géographe angevin, Julien Gracq, on doit connaître son environnement géographique et historique de naissance. Il est né à Saint-Florent-le-Vieil, dans ce territoire de marche, no man's land durant des siècles entre Francs et Bretons (le traité d'Angers en 851 fixe les limites de la Bretagne qui ne bougeront pas avec la création des départements) puis entre le Duché de Bretagne et le Royaume de France.

La Loire s'inscrit, jusqu'à la fin de l'indépendance bretonne (traité d'union franco-breton de 1532), dans le dispositif de défense de l'État breton, de Clisson à Fougères. Ainsi, en face de Champtoceaux si cher à Julien Gracq, sur la rive bretonne, on trouve la haute tour octogonale du château d'Oudon (XIVe siècle), emplacement stratégique de défense de l'État breton.

Non loin du lieu où est né le poète angevin se trouvait la fameuse « Pierre de Bretagne » plantée au milieu de la Loire pour matérialiser la frontière franco-bretonne. Ce totem celtique qui résista durant près d'un millénaire fut détruit avec la fin des Libertés Bretonnes au moment de la Révolution française. Ici commence la Loire bretonne qui devient estuaire du coté du pont Anne de Bretagne à Nantes. L'estuaire de la Loire, comme le rappelle André Daniel, était appelé par les marins bretons « la rivière de Nantes », signifiant combien cet espace nautique était différent du fleuve avec sa dimension maritime. Julien Gracq, dans ses écrits sur Saint-Nazaire, parle de la boue de l'estuaire qui le différencie de sa Loire, « la rivière lumineuse et molle de Touraine ».


Hubert Chémereau


(voir le site) du CREDIB pour l'article en ligne. Date 16 02 2010.


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