Un code du travail doit-il être souple ? Doit-il ouvrir des portes aux employeurs lui permettant d’abuser de ses droits lorsque l’objectif n’est plus de faire de l’emploi mais du bénéfice ?
Ces questions sont fortement posées alors que le gouvernement PS tente de faire passer un énième projet en force. Nous pourrions croire à la lecture du projet de loi El-Khomri en une réforme venant plutôt de la droite française. Rien n’est surprenant, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. La motivation première de ces partis politiques étant la France, son nombril, les bénéfices de ses tenants.
Le propre des Etats-nations bâtis sur des conquêtes militaires et de l’économie moderne est d’emmêler les gens dans des lois compliquées, contradictoires, uniformisées. La partie de bras de fer entre syndicats de travailleurs et grands patrons n’aboutit à aucune logique, les premiers voient en l’Etat et ses lois la providence divine, les seconds y défendent des intérêts financiers et personnels. Ces textes tendent à être plus souples dans la seule attente de donner raison au plus fort.
La Bretagne aurait son mot à dire, forte de ses PMI-PME, de son mutualisme très particulier, où entrepreneurs et salariés arrivent encore à marcher ensemble dans certaines entreprises. La voix bretonne n’est pas portée toutefois pour au moins trois raisons : les géants de l’agroalimentaire où le dialogue social est écrasé par des enjeux dépassant tout pouvoir ; le déficit de conscience nationale bretonne et bien évidemment l’absence de pouvoir politique breton.
Depuis le XVIIème siècle, La Bretagne a souvent été le fer de lance des mouvements sociaux, poursuivis, transformés et éteints à Paris : la révolte des Bonnets Rouges et du Papier Timbré, les revendications sociales populaires souvent oubliées des historiens de la Chouannerie, les idées de la Révolution française avant qu’elles ne soient galvaudées, mai 68 et les mouvements du début de ce début de XXIème siècle.
Encore une fois, des idées naissent en Bretagne et se noient dans une « citoyenneté » franchouillarde dégoulinante et sombreront dans le caractère « national » français, terme que nombre de mouvements de gauche jusqu’aux anarchistes n’ont de cesse de prononcer avec succulence. Au nom de l’anti-nationalisme, seule la souveraineté de la France avec son histoire pourtant chargée d’intolérances et de colonialisme latent ne semble avoir foi à leurs yeux.
Dans le ras-le-bol ambiant, la loi El-Khomri a déclenché des mouvements contrôlés, comme à l’habitude, par « des sans-culottes en col blanc ».
La loi El-Khomri
Quels sont les points négatifs régulièrement soulevés par les opposants au projet de loi El-khomri ?
- faciliter les licenciements ;
- faciliter la précarité des contrats ;
- réduire les salaires, les congés, les pauses ;
- réduire la rémunération des heures supplémentaires ;
- travailler jusqu'à 60 heures par semaine…
Bref, détruire des acquis sociaux déjà largement grignotés.
Quoi de neuf à travers cette loi ?
- Si ce n'est des accords collectifs bidon qui donneront l'impression de concertation, cette réforme ne fera que légitimer une tendance en couchant sur le papier ce qui est déjà pratiqué presque partout.
Qui sont les responsables ?
Nous, les électeurs et ceux qui ne votent pas car :
- Si ce gouvernement a été choisi par une minorité des femmes et d'hommes en âge de voter, il l’a été au plus grand nombre des suffrages exprimés ;
- Il y aura toujours des personnes pour tolérer les conditions de travail que nous ne voulons pas et ça nous le savons depuis longtemps... Or, nous ne voulons pas de règles en la matière puisque nous acquiesçons ou nous nous résignons ;
- Nous acceptons le système des Etats centralistes, uniformisant, modelant ainsi des consommateurs parfaits ; des Etats qui placent l'économie de marché avant l'Homme et surtout qui ruinent des territoires entiers (à l'extérieur des Etats mais aussi à l'intérieur : le coup de grâce par la baisse des dotations aux collectivités, l'augmentation des impôts locaux pour compenser le hold-up parisien sur nos économies, la fusion arbitraire de régions...).
Croire que la France est un modèle social n'est qu'un subterfuge pour plaire aux «bons citoyens» et leur «lutte nationale» (française hélas). C'est le serpent qui se mord la queue... C'est comparable à l'appellation de «patrie des Droits de l'Homme» pour un Etat qui se situe dans le peloton de tête des condamnations par la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
Dans un tel contexte, retrouver les leaders des «Jeunes socialistes» à la tête des manifestations contre ce projet de loi du Parti Socialiste ne surprendra plus personne. La machine France est un cercle vicieux, très vicieux.
Et qu’en pensent nos bretonnants élus par l’étiquette PS ? Que ce soit à la Région ou à la Chambre des Députés… Allo ?
Un Code du Travail breton ?
Assurément, il faut des cadres et des cadres justes.
A titre d’exemples, la souplesse du code du travail breton autoriserait le licenciement d’employés en CDI seulement si l’entreprise est clairement menacée, au regard de ses bénéfices, des salaires patronaux, des risques pris, de son historique et des perspectives. Sans difficulté, des critères limpides peuvent être listés en ce sens.
Le temps de travail des salariés doit aussi être rigoureux et tout dépassement largement rémunéré. Il en va de même pour les jours habituellement non travaillés. Le droit à la déconnexion du travailleur est essentiel.
La concurrence déloyale du marché international et l’embauche d’une main d’œuvre étrangère ne doivent en aucun cas tirer les salaires, les conditions de travail et les acquis sociaux vers le bas pour au final provoquer le chômage et l’exode des jeunes bretons. Il est aussi inadmissible pour les salariés de céder au chantage à la délocalisation.
Emploi, sécurité, santé doivent devenir les maîtres mots de notre projet social. Or, il ne doit pour autant s’opposer à la reconnaissance de l’entreprenariat. Flouer les véritables créateurs d’emploi et de richesses est l’erreur de la dichotomie simpliste communément acquise dans la société française.
C’est le rôle d’une nation, de sa culture et il en va du respect des habitants de son territoire de rendre un visage humain à l’économie. La Bretagne doit se battre pour que les règles soient les mêmes pour tous, profitables à tous et que le contrôle d’un Etat breton, plus proche de ses citoyens, soit l’objectif à long terme.
Un lien social disloqué à recomposer
L’absence de perspectives d’emploi et donc de vie engendre cette dislocation.
Face à la mondialisation, il faudra briser quelques tabous pour convenir de recentrer notre économie pour nous-mêmes. Vivre, travailler et décider au pays impliquent des décisions fermes comme la priorité d’embauche ou encore le statut de résidents permanents pour toutes celles et ceux qui voient leur avenir ici.
- Toute Bretonne et tout Breton, quelles que soient ses origines, sa couleur de peau et ses orientations personnelles, dans une équité parfaite, aura accès en priorité au marché de l’emploi. Les critères seront basés sur un nombre d’années minimal de résidence en Bretagne, les liens de parenté avec des résidents sur le territoire breton ou, a contrario, les projets de vie en Bretagne (le souhait de devenir breton, d’y créer de l’emploi, de s’investir pour le breton, de voir ses enfants s’épanouir dans sa culture et ses repères, etc).
- Dans toutes les commandes et marchés publics une clause sociale sera rendue obligatoire, visant à l’embauche locale et à la formation de jeunes de moins de 25 ans.
- Quiconque veut devenir propriétaire d'un terrain ou d'un logement devra justifier d'un statut de résident permanent d'au moins cinq ans sur la péninsule bretonne historique.
- Nous devrons assurer aux entreprises une sécurité juridique et fiscale pour le seul profit de l’embauche.
Bertrand Deléon.
■Cordialement.