Réflexions sur le 2nd tour des départementales en Bretagne

Point de vue publié le 2/04/15 13:47 dans Politique par Christian Rogel pour Christian Rogel

La chute des socialistes en Côtes d'Armor

A l'étonnement de beaucoup, le Parti socialiste subit une défaite dans ce qui semblait un bastion, les Côtes d'Armor où une partie du «Trégor rouge», autour de Guingamp, est emportée par la Droite. L'expliquer par une éventuelle désunion de la gauche est hypothétique, vu les faibles résultats des écologistes et la chute continue du «communisme rural».

On note deux points de résistance du PS, Callac et Rostrenen, car, dans le deuxième canton, très rural, la jeune pousse socialiste, Sandra Le Nouvel, élevée en pépinière, mais originaire de Saint-Gilles-Pligeaux, fait 66,85% et semble même recevoir une fraction du vote FN. Le non-désistement accompagné d'un communiqué défiant de l'UDB locale n'empêche pas un report partiel des voix. Un chassé-croisé des électeurs est aussi probable.

Tout l'Est du département, conquis par la génération de Charles Josselin, retourne à la droite qui emporte même l'un des cantons de Saint-Brieuc

Le Finistère et la Loire-Atlantique de justesse au PS

Sur cinq départements, le PS passe de 4 à 2 et échappe de peu à la catastrophe. Il suffirait que l'affaire du tract diffamatoire visant le binôme de Christine Le Tennier sur le canton de Concarneau aboutisse à un recours victorieux et un résultat inversé pour que Nathalie Sarabezolles, Nantaise bien peu bretonne, voit sa présidence interrompue (voir notre article).

Les cantons emportés par les socialistes sont très majoritairement urbains et souvent fortement peuplés d'obligés directs ou indirects de l'Etat ou de fonctionnaires territoriaux.

L'Ille-et-Vilaine résiste beaucoup mieux que prévu à la poussée de l'Union de la Droite et du Centre, en particulier au Sud-Ouest, mais le PS est sauvé par les électeurs de la métropole rennaise. Le PS perd des positions dans le Morbihan, en particulier à Lorient et à Vannes, consacrant une majorité de droite encore plus forte.

Les cantons ruraux ou péri-urbains ont accueilli une poussée du Front national qui approche 20% au 1er tour. Marc Le Fur, actuel leader de la droite en Bretagne administrative, voit dans la défaite socialiste la protestation contre l'avantage indû donné aux métropoles par rapport aux petites villes et gros bourgs qui sont les centres multiples de l'activité et de la sociabilité en Bretagne. On ne voit pas qui pourrait le contredire.

L'apparition des «régionalistes»

La réélection de Christian Troadec dans le canton de Carhaix et celle de son compère du Mouvement Bretagne Progrès (MBP), Christian Derrien, dans le canton de Gourin, fait apparaître une zone du Centre Bretagne, irréductible au clivage droite ou gauche parlementaire. Baptisés régionalistes, les deux «Bonnets rouges» ne manqueront pas de se faire remarquer en revendiquant un groupe politique pour leurs binômes.

A noter que le président du MBP, André Lavanant, n'a pas aussi bien réussi, puisqu'il n'avait obtenu que 7,34% des voix dans le canton de Plabennec, résultat honorable malgré tout (voir notre article).

Les alliances sous le label électoral, «Nous te ferons, Bretagne», conclues entre le MBP, le Parti Breton, Breizh-Europa et même l'UDB (Gourin) ont donné des résultats plutôt décevants (sauf Gourin, 55%) qui n'ont pas reflété la percée qu'avait faite la liste de Christian Troadec aux Européennes. 

Les résultats de l'indépendant Lionel Henry à Montfort-sur-Meu et, à Quimper, de Jérôme Abassene (liste d'intérêt local) montrent que label NTFB doit encore acquérir une vraie notoriété, bien qu'en définitive, seule importe l'implantation des candidats et leur capacité à mener une campagne, le label n'étant qu'une aide externe.

Autonomie ou indépendance : on attend la «roadmap»

L'habileté de Christian Troadec et de ses soutiens est de ne pas fixer un horizon à la résurrection de la Bretagne comme entité politique propre. Des pouvoirs de décision locaux sont réclamés sans définir précisément une «roadmap» et un mécanisme constitutionnel.

Ce flou est, depuis l'effacement des régionalistes depuis 1940, celui du mouvement breton qui ne veut pas se mêler des affaires des autres composantes de la République française. Celle-ci n'est plus une depuis qu'elle mis en place des gouvernements outremer et un statut dérogatoire pour la Corse.

Le mouvement breton devra sortir de l'ambiguité

Pour différentes raisons (populations non bretonnes, solidarité efficace avec les autres mouvements régionalistes, le mouvement breton devra se (re)poser la question du fédéralisme en France.

Cette question pourra intéresser, non seulement les Alsaciens, les Basques, les Catalans et les Corses, mais, aussi, les Bourguignons et les Normands réunifiés, les Savoisiens ainsi que les Occitans.

Toutes les régions, pourvu qu'elles soient basées sur des liens forts, seraient concernées au degré qu'elles souhaitent.

L'indépendance ne peut pas être une chance à Vannes et un impensé à Rennes, comme un jeu en solo de la Bretagne est de moins en moins soutenable. Cela pose le problème du devenir du courant indépendantiste qui gardera une aura certaine, mais, la radicalité n'est pas forcément une clé.

Christian Rogel

Licence pour reproduction intégrale, sous condition de mention de l'auteur et l'Agence Bretagne Presse


Vos commentaires :
per le moine
Vendredi 15 novembre 2024
Demat , je viens d'écrire un long texte à ce sujet qui semble avoir disparu au moment de l'envoi ! Ah§ Internet . Pas tout à fait d'accord sur Guingamp , circonscription que je connais depuis que , vers 1935 , j'ai pu écouter et comprendre les conversations des adultes . Mon Père avait fait élire Kerouartz avant la guerre grace à son influence dans le Contre BZh , très à gauche et fief communiste , Mael , Rostrenen , Callac . Cela vaudrait une thèse de doctorat à payer , par qui ? ¨Per

Paul Kerguelen
Vendredi 15 novembre 2024
Il est à noter que si les socialistes gardent le Finistère et l'Ile et Vilaine (sur la B4), il est quand même intéressant de remarquer que sur l'ensemble des départements bretons et non plus par cantons, le PS est arrivé deuxième au nombre de voix.
Désaveu du parti ou du gouvernement? certainement des deux comme en témoigne la montée du vote blanc, du FN et le nombre d'abstentionniste.

Sur la France en général, il est à noter aussi la montée des régionalistes, montée passée sous silence dans les commentaires. Il n'est de pire aveugle celui qui ne veut pas voir...

Le mouvement breton doit quant à lui en effet se définir non pas de droite ou de gauche, mais comme étant fédéraliste (ce qui sous entend que nous continuerons à être français) autonomiste, ou indépendantiste, et se donner les moyens d'y arriver.

Mais alors une question se pose: Doit-il viser l'autonomie en la considérant comme un premier pas vers l'indépendance? Ou viser l'indépendance pour avoir au minimum l'autonomie, au risque de laisser de coté ceux qui ne veulent que l'autonomie?

Suivant les sondages, 20 à 25% de la population seraient favorable à l'indépendance. Ajoutons à cela le désaveu des partis politiques classiques et une forte abstention.
Nous avons là un terreau favorable. Mais saurons-nous en profiter? Pouvons-nous en profiter si nous sommes nous même dans le flou et présentons 36000 partis plutôt qu'un seul?


Pôtr ar skluj
Vendredi 15 novembre 2024
Merci pour cette article qui aborde la plupart des sujets capitaux pour l'avenir du régionalisme.

En effet, ces élections ont mis en lumière l'écart croissant entre des métropoles qui croient vivre heureusement la mondialisation et qui échappent au vieilles provinces qui en sont exclues. La réponse à apporter me semble la métropolisation, pour séparer institutionnellement les métropole des espaces où un discours régionaliste peut encore porter.

Il est clair que la gauche paie ses trente ans de diabolisation de l'enracinement local, puérilement flétri du nom de fascisme. La réaction est là. Dans la France centrale enfin unifiée autour de la civilisation morbide du pavillon, elle apparaît sous les espèces du FN. Nous devons cependant respecter les électeurs de ce parti maladroit et dangereux. Ce sont des gens honnêtes qui ne demandent rien de plus qu'un État protecteur qui reparle enfin de la nation.

Là où l'unification de la France n'est pas totale, la réponse régionaliste semble enfin émerger. En tant qu'homme de gauche, je pense qu'il faut s'emparer des questions que la gauche n'ose plus traiter : État protecteur et exaltation de l'identité locale.

J'ignore si nous pourrons jamais obtenir un fédéralisme institutionnel, mais en ces temps de questionnement sur l'identité française, il nous faut parvenir à un fédéralisme sentimental et revenir aux vieilles conceptions de petite et de grande patrie. Nous devons faire accepter à tous qu'un Français est un descendant des anciennes nations provinciales qui ont fait la France : Bretagne, Provence, Alsace...


An Floc'h
Vendredi 15 novembre 2024
@Tugdual Radiguet
Je ne suis pas indépendantiste mais je respecte profondément cette idée (et je la soutiendrais plus que le conservatisme) mais la Bretagne n'est ni l'Ecosse, ni la Catalogne (Paris ni Londres ou Madrid) et ce n'est pas un sondage (jusqu'à quel point cherchait-il la provocation d'ailleurs) qui justifie de se lancer à corps perdu dans le discours indépendantiste.
Evidemment, chacun est libre et cela commence par agir en conscience. Mais la vision de Pôtr ar skluj me semble bien plus sage.
Quoi qu'il en soit, les acteurs indépendantistes ne doivent pas se censurer, simplement rester raisonnable dans le discours, notamment en identifiant bien leurs cibles (oui, une bonne dose de cynisme, ce n'est pas très noble mais si la noblesse suffisait, la Bretagne serait depuis longtemps libre). Il faut avant tout que la Bretagne politique construise un socle solide. Quand il sera fait, l'indépendantisme n'en sera que plus audible.

Philippe Guilloux
Vendredi 15 novembre 2024
Le flou entretenu par Christian Troadec est, à mon avis, tout simplement lié aux régionales qui arrivent. En bon stratège, il attendait les résultats des départementales qui confortent sa position d'arbitre qu'il prend déjà sur le Finistère. Compte tenu de la faiblesse du mouvement régionaliste, il a bien compris que s'il veut peser sur des décisions et ne pas rester à vidam éternam une spectateur des politiques qui se mettent en place, il était préférable de négocier. Et je pense qu'il négociera aussi bien avec la gauche qu'avec le droite pour faire aboutir quelques unes des revendications qu'il porte. C'est bien joué. Ca lui permettra en tous les cas de ne pas être éternellement un supplétif du PS comme l'a été pendant des années l'UDB

jo charruau
Vendredi 15 novembre 2024
Il y a 17 mois, M. Troadec a déjà rencontré J.Y. Le Drian à Paris, pour parler statégie?, pour parler financement de campagne électorale?
La conjoncture économique va s'améliorer mais pas suffisamment, si bien que l'on s'attend à une nouvelle vague bleue aux régionales de décembre prochain.
M. Le Drian, vous devez savoir que les socialistes ne sont pas à l'abri d'une défaite en B4 alors qu'avec la Loire-Atlantique B5 resterait rose.

Monsieur Le Drian qu'est-ce que vous attendez pour réunifier notre Bretagne, nous les nantais-es, nous avons marre d'attendre, il suffit d'un décret présidentiel. Cordialement.


jo charruau
Vendredi 15 novembre 2024
Il y a 17 mois, M. Troadec a déjà rencontré J.Y. Le Drian à Paris, pour parler statégie?, pour parler financement de campagne électorale?
La conjoncture économique va s'améliorer mais pas suffisamment, si bien que l'on s'attend à une nouvelle vague bleue aux régionales de décembre prochain.
M. Le Drian, vous devez savoir que les socialistes ne sont pas à l'abri d'une défaite en B4 alors qu'avec la Loire-Atlantique B5 resterait rose.

Monsieur Le Drian qu'est-ce que vous attendez pour réunifier notre Bretagne, nous les nantais-es, nous avons marre d'attendre, il suffit d'un décret présidentiel. Cordialement.


Philippe Guilloux
Vendredi 15 novembre 2024
Jo Charruau : il ne me semble pas qu'un décret présidentiel puisse modifier la configuration d'une région et est ce souhaitable ? Je ne le pense pas. Je crois qu'il faudrait un référendum. Faute de quoi, avec une réforme décidée en haut lieu (et encore une fois je ne suis même pas sûr que cela soit possible légalement) vous aurez des oppositions, des tensions, la création de rancune et de rancoeur qui ne seraient pas bonne pour l'avenir.
Par contre, pas d'entourloupe sur la question
Etes vous pour le rattachement de la Loire Atlantique à la Région Bretagne. Pas d'autre proposition et ni d'entourloupe.

jo charruau
Vendredi 15 novembre 2024
@ Philippe G. la réunification de la Bretagne n'est pas enterrée au contraire, nous devons agir globalement et localement, pour la réunification, en mettant la pression sur les personnes qui détiennent les pouvoirs de décision encore faut-il bien les discerner.
Concernant le référendum, la situation a été bloquée, le droit d'option, qui aurait permis à un département de se déterminer, est un leurre.
Nous devons compter sur nous-mêmes, chacun dans son domaine de prédilection.
Peut-être, allons-nous nous croiser à la prochaine manif annoncée le samedi 19 septembre prochain à Nantes ? Confirmation à attendre cependant.
J'ajoute, en voyant les résultats des cantonales que la région administrative Pdl va sûrement passer à droite avec le vendéen Retailleau à la présidence, soit quatre départements à droite et un département (44) à gauche comme Nantes, autant dire tout de suite, que les relations et le fonctionnement de cet attelage vont être exécrables pour diverses raisons trop longues à expliquer ici.

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