Quand les ports gallois étaient au cœur de l’activité portuaire de Nantes et Saint-Nazaire

Conference debat publié le 18/10/11 10:18 dans Cultures par Louis-Benoît Greffe pour Louis-Benoît Greffe
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Vue du port de Cardiff au XIXe siècle
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Gwyn Griffiths lors du colloque.
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Les mines et les ports du Sud-Ouest du Pays de Galles en 1898.

Au colloque Bretagne – Pays de Galles organisé le 8 octobre par l'Institut culturel de Bretagne, la première conférence de l'après-midi était consacrée à l'histoire des relations portuaires modernes entre les deux nations celtiques. Cette conférence était animée par Gwyn Griffiths

Un âge d'or charbonnier

C'est le commerce du charbon qui est au cœur de l'activité liant Pays de Galles et l'estuaire de la Loire. L'exploitation charbonnière commence au XIIIe mais n'atteint que de faibles tonnages. Elle se développe à la fin du XVIIIe et au XIXe, quand l'on s'aperçoit que le charbon gallois, de très bonne qualité, convient particulièrement aux chaudières à vapeur. Au XVIIIe, le charbon gallois s'exporte vers Brest, La Rochelle, Porto. Au début du XIXe, John Nixon, ingénieur anglais propriétaire de charbonnages gallois, développe l'exploitation et la projette sur la scène internationale. Il est le premier qui vend le charbon gallois à la marine française.

En même temps, le pays de Galles se lance dans la sidérurgie. Swansea, un des ports les plus importants du monde, hérissé de cheminées d'usine, produit du zinc et du fer-blanc tout en exportant des milliers de tonnes de charbon. Cardiff exporte à la fin du XIXe le même tonnage que Swansea, puis se développe encore. A l'époque, le pays de Galles manque de bois, les forêts ont été coupées pour le boisage des mines. Les bateaux qui exportent le charbon reviennent chargés de poteaux de mines en provenance des forêts bretonnes.

La renaissance du pays nantais

Pour accueillir le charbon gallois, Saint-Nazaire agrandit nettement ses installations et devient un grand port atlantique : le bassin de Penhoët et celui de Saint-Nazaire sont construits afin d'accueillir plus de charbon gallois. Quant à la ligne de train, elle est prolongée afin de pouvoir réexpédier ce charbon dans toute la France. La Compagnie du Paris-Orléans, qui exploite la ligne d'Orléans à Saint-Nazaire, achète tout son charbon à Saint-Nazaire et le revend à des petites compagnies. Au XIXe siècle, la Loire-Atlantique est réellement le « Pas-de-Calais breton » : si Nantes et Saint-Nazaire vivent au rythme du charbon gallois, le pays d'Ancenis est gagné lui aussi par l'exploitation charbonnière (lire à ce sujet l'excellent livre de Didier Daniel « La bataille du charbon en pays d'Ancenis », éditions Cheminements 2002).

Les registres départementaux des machines à vapeur (qu'il fallait déclarer auprès des services des Mines pour leur contrôle) permettent de constater que la Loire-Atlantique se trouve parmi les premiers départements de France pour le nombre de machines à vapeur rapporté au millier d'habitants. À partir de 1891, l'électricité arrive à Nantes, la première centrale construite, 3 rue Sully (dont une arcade a été conservée lors de la construction de l'actuelle annexe du Conseil général, mais pas celle de la façade comme tout le monde le croit : (voir le site) ), tourne au charbon gallois, tout comme la deuxième centrale, inaugurée en 1902 rue Lamoricière. La troisième centrale, construite en 1913 à Chantenay (actuel site des fonderies de l'Atlantique), coïncide avec l'apogée de l'âge d'or charbonnier ; sa salle des machines faisait 50 mètres sur 37 et permit l'arrivée de électricité dans la périphérie industrielle et portuaire de Nantes. Cette construction massive en briques, peu connue des Nantais, laisse découvrir le faîte de ses toits si l'on se juche sur la passerelle de la gare de Chantenay, au-delà de la rue des Usines, en front de Loire.

Un âge d'or arrêté en plein vol

L'âge d'or s'arrête brutalement suite à la Grande Guerre, puis aux crises de 1921 et 1929. Les mines galloises sont moins compétitives que les mines d'Amérique, de Pologne et du Nord-Est français. Par ailleurs, la France impose lourdement le charbon anglais et gallois afin de développer les débouchés de sa propre exploitation charbonnière. La santé de la sidérurgie bretonne, contrainte de faire venir de loin un charbon qu'elle recevait facilement par la mer, s'en ressent fortement.

Les ressources tendent à s'amenuiser, quoique l'exploitation du charbon soit poursuivie jusque dans les années 1980 au pays de Galles. En 1929, le pays de Galles ne produit plus que 3 % du charbon mondial contre un tiers 30 ans plus tôt. Et peu à peu, Saint-Nazaire se tourne vers l'export des produits français et l'activité de la Compagnie Générale Transatlantique. Mais le commerce entre Bretagne et pays de Galles, lien entre deux nations de cultures et de valeurs semblables, ne cesse pour ainsi dire jamais.


Louis Bouvron


Vos commentaires :
JY Le Touze
Lundi 23 décembre 2024
Je ne sais si ça a été évoqué mais Lorient avait aussi un lien important avec le Pays de Galles et la richesse financière produite par ce commerce brito-gallois a été à l'origine de la création de la Chambre de Commerce et indirectement du port de pêche. Il faudrait sans doute creuser le sujet mais je suppose que le charbon gallois alimentait aussi les forges d'Hennebont.

Hubert Chémereau
Lundi 23 décembre 2024
Au moment de la table ronde a été évoquée par moi-même et Bernard Le Floc'h l'importance de Lorient dans les échanges avec le Pays de Galles. L'un des buts de ce colloque est justement de suscité des recherches à travers la Bretagne pour mieux connaître l'histoire des liens maritimes de chaque port breton avec les ports du sud gallois. Il y aurait aussi un important travail à faire sur le rôle du charbon gallois dans l'électrification de la Bretagne et spécialement à partir de l'estuaire de la Loire.

Maryvonne Cadiou
Lundi 23 décembre 2024
Et Lampaul-Plouarzel !
ABP a annoncé récemment la publication d'un livre de Yann Riou chez Yoran Embanner, qui traite des gabariers de Lampaul-Plouarzel, Voir le site en signalant qu'ils transportaient :
Sable et pierres, bien sûr, mais aussi goémon, galets, poteaux de mine pour le pays de Galles, charbon, sel, vin... .
Espérons que Yoran Embanner sera cette année encore au salon du livre de Guérande, avec le livre. Le contact courriel de l'auteur est avec l'article.

Une autre chose aussi. Il faudrait prendre nos bâtons de pèlerins pour écumer tous les ports de Bretagne, même les plus petits. Voir s'il y a des chercheurs, des souvenirs, une société d'histoire locale... Dans les bibliothèques municipales certaines revues sont «dépouillées» (auteur, titre, sujet) mais ça reste encore à l'état de fiches, dans des tiroirs, quand la bibliothèque n'a pas informatisé ses fichiers... Dépend de sa taille et de ses moyens...


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