Jeudi 31 octobre, 7 personnes accusées, soit d'atteinte aux biens, soit de complicité d'atteinte, ont comparu devant le tribunal correctionnel de Brest. L'ambiance de l'audience a été calme et silencieuse, à peine troublée par la puissante corne d'un camion, dont le propriétaire, un transporteur, est un Bonnet rouge connu.
L'abattage du portique écotaxe de Guiclan (2 août 2013) a cependant eu lieu trois mois avant que le célèbre couvre-chef n'électrise la Bretagne et la France, quand des centaines de manifestants voulaient prendre d'assaut le portique de Pont-de-Buis qui fut alors démonté deux jours après. L'Agence Bretagne Presse a, tout de suite, annoncé que c'était une « guerre de l'écotaxe » que des Bretons avaient entamée ce jour-là et on doit constater qu'ils l'ont gagnée. (voir notre article)
La question des Bonnets rouge est restée en dehors de l'audience, mais, elle se manifestait sous la forme d'un rassemblement sur le Cours d'Ajot, qui a du voir passer dans la journée, entre 11 heures et 18 heures, 400 personnes avec beaucoup de drapeaux bretons et un certain nombre de bonnets. De nombreuses camionettes de CRS étaient garées dans le quartier, mais, l'atmosphère était très détendue et les forces de l'ordre très aimables.
Dans la foule, on pouvait voir Thierry Merret, président de la FDSEA du Finistère et Christian Troadec, conseiller général, André Lavanant, imprimeur local et des habitués des luttes paysannes depuis 50 ans. La moyenne d'âge était étonnamment basse avec de nombreux jeunes lycéens et étudiants, dont de nombreux rattachés à la profession agricole. C'était, à la fois, une manifestation de solidarité entre agriculteurs et un coup de chapeau aux prévenus donné par des gens d'autres professions. On pouvait boire et se restaurer et bénéficier d'une ambiance sonore.
Des camions de transporteurs et des tracteurs occupaient la descente de la gare vers le port de commerce, symbolisant la convergence qui s'était produite à l'été 2013 pour entamer une lutte décisive contre l'écotaxe. C'est de cette convergence qu'est né le projet d'abattre le portique écotaxe de Guiclan situé près d'une des zones agricoles les plus structurées de Bretagne, avec une multitude de transport à courte distance.
Ce n'est que, jusqu'à 4 mois après les faits, que les 7 prévenus ont été convoqués par la gendarmerie. Ils ont, sans difficulté, sauf un, reconnu les faits reprochés, qui étaient d'avoir retiré un boîtier de sa glissière et, apparemment, de l'avoir laissé pendre par son fil, d'avoir tenu un bout de bâche agricole sous laquelle opérait la petite équipe qui, en une petite heure, a fragilisé avec une meuleuse les attaches des colonnes et fait choir l'ensemble avec des chaînes et des cordes, et, enfin, d'avoir été photographiés en ayant une corde sur l'épaule.
Généralement, les prévenus ont écarté toute idée d'avoir prémédité de venir pour aider à l'abattage et, surtout, d'avoir pu constater de leurs yeux le travail qui était fait sous la bâche. Certains disaient n'avoir su le résultat final de l'action, qu'une fois rentrés chez eux, arguant du fait que le bruit généré par l'hélicoptère de la gendarmerie ne permettait pas d'entendre celui des outils employés.
Ce qui est apparu, c'est que les prévenus avaient tous en commun une profession liée à l'agriculture, laquelle leur donnant des revenus assez bas, l'un d'entre eux expliquant s'être attribué un salaire de 9 300 euros en 2013. Ils ont dit avoir bavardé avec des connaissances, mais, aucun n'a donné de noms de personnes qui auraient été impliquées dans l'abattage lui-même. La seule femme, salariée de l'industrie porcine, a souligné être «venue pour soutenir Gad ». Depuis, 869 emplois ont été détruits à l'abattoir de porcs de Lampaul-Guimiliau.
Deux témoins cités par la défense ont rappelé le contexte de l'affaire : des usines agro-alimentaires étaient en danger de fermeture et les professions concernées avaient entamé toutes les démarches possibles en direction du monde politique et avaient reçu une fin de non-recevoir. Alain Glon, entrepreneur très connu, a rappelé, en peu de mots, à quel point une taxation supplémentaire pouvait avoir un caractère mortel pour l'agriculture bretonne qui se fait accrocher du plomb aux pieds par l'État, pendant que les concurrents caracolent et lui prennent ses marchés. Il a célébré les Bretons qui sont « des gens exceptionnels qui se sont livrés entièrement ». « Nous aimons notre pays ». Christian Troadec a été présent pendant une grande partie de l'audience.
La Vice-Procureure a, comme c'était son rôle, rappelé que des faits de complicité, même par un acte peu impliquant, ne mettaient pas à l'abri d'une peine, mais sa demande de relaxe pour une personne et les réquisitions de 4 et 3 mois avec sursis ont montré qu'elle tenait à conserver une modération qui visait à ne pas déclencher de réactions trop vives. Elle n'a pas pu dire clairement, si, à part les 6 000 euros de déblayage, la somme de 1,8 M euros serait réclamée aux prévenus.
Les deux avocats ont plaidé la relaxe sur la base du fait qu'il n'y avait rien dans le dossier qui démontre une connaissance et une complicité active. Un des avocats a indiqué que, récemment, le tribunal de Rennes avait débouté l'État sur une affaire similaire. Il a surtout montré que, malgré les pièces produites, très tardivement, par l'avocate de l'État, il était peu probable que le portique ait appartenu à son client le 16 mai 2013, puisque le transfert de propriété devait être fait après installation et réglages de tous les portiques écotaxes. Ce qui n'a jamais eu lieu.
Jugement mis en délibéré et qui sera communiqué le 1er décembre, à 10 heures.
Christian Rogel
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