Pourquoi mieux faire quand mal faire est la norme ?

Lettre ouverte publié le 23/03/08 1:15 dans Politique par Mikael Moazan pour Mikael Moazan

Le Pays Basque : un exemple pour la Bretagne

Le président du Conseil régional de Bretagne, Jean-Yves Le Drian a visité le Pays-Basque espagnol (Euskadi) les 21 et 22 novembre 2007 et on a appris que les deux régions allaient développer leur coopération dans les domaines économiques et linguistiques en particulier.

Il a été dit qu'il avait été décidé de mettre en place un partenariat entre les deux agences de développement économiques des régions concernées, notamment, était-il précisé, au niveau des clusters (pôles de compétitivité).

Pour qui connaît le type de développement du Pays-Basque, cette annonce prête à sourire. Un sourire jaune en forme de rictus.

La réussite du pays-Basque n'est en Bretagne possible qu'à la condition d'une modification radicale des modes de pensée et de comportement, à l'exigence et à l'affirmation d'une pensée bretonne qui ne singe plus les travers de la mentalité française.

Le succès d'Euskadi est simple, il tient en deux chiffres : un taux de chômage de 25% en 1990 réduit à 4% en 2007. Le PIB du Pays Basque croît à un rythme supérieur à la moyenne européenne.

Que s'est-il passé ?

Une délégation du gouvernement basque s'est rendue à l'Université de Harvard pour y rencontrer Michael Porter. Michael Porter est un professeur libéral qui considère la concurrence comme principal moteur de l'innovation et du progrès. C'est à partir de la compréhension de la réalité de cette concurrence que doivent se fonder les stratégies des entreprises et les politiques économiques. En 1990, dans son ouvrage « The competitive advantage of nations » il a mis en évidence la présence, au sein de différentes régions du globe, de pôles d'activités performants au niveau international (clusters).

Un cluster est comme un diamant : il doit reposer sur quatre déterminants stratégiques qui se renforcent mutuellement : - facteurs de productions - conditions de la demande - rivalité et stratégies des entreprises du secteur - secteurs d'activités connexes performants

Là déjà, tout lecteur aura compris que nos « pôles de compétitivité » sont déjà hors champ…

Au pays-Basque, et conformément aux conseils de Michael Porter, il n'y a pas eu de subventions particulières de la part des pouvoirs publics envers les industriels des clusters. Les seules aides qui ont été versées ont concerné la structure même des clusters. Etant plafonnées par décret, ces subventions ont permis de financer 50% des structures qui regroupent entre deux et trois personnes et de financer l'achat d'un ordinateur pour chacune.

En Bretagne un pôle de compétitivité Optimage espère recevoir 4 milliions d'euros pour démarrer.

Trouvez l'erreur.

Si on persiste dans une économie administrée ou l'on ose qualifier de pôle de compétitivité un petit groupe d'entreprises sous perfusion, on va droit dans le mur. Rien ne dit que ces entreprises n'ont pas de compétences, mais entre la compétence et la compétitivité, il y a une marge abyssale.

La mentalité bretonne actuelle, forgée à coups de forceps sur l'esprit décadent de la société française, quand elle n'est pas capable de dépasser l'a priori de classes, d'élites, de figures d'irremplaçables, d'une aristocratie autoproclamée, constitue un obstacle à la performance économique.

Michel Porter souligne que l'innovation n'est pas seulement une question de découverte scientifique, (infrastructures scientifico-technologiques, universités, centres de recherches…) mais elle est aussi un élément d'une organisation sociale, d'une communauté.

Il s'agit bien de gommer l'accent circonflexe de pôle pour donner au mot sa véritable racine : polis, ce qui fait société.

Nous avons déjà commis cette erreur des « technopôles » alors que nous devrions avoir des technopoles, dans l'esprit de l'agora, de la rencontre des diversités, du dialogue, de la provocation et de l'échange.

Pensez-vous qu'il soit possible d'entendre, un jour : Hi, Jean-Yves Le Drian, welcome to Harvard…

Aucun socialiste français ne s'abaisserait à emprunter les chemins de la réussite. Le socialisme à la française affectionne trop la critique.

En revanche, le Président du Gouvernement basque, Juan José Ibarretxe n'a pas hésité. Il a aussi participé à l'investiture de Michael Porter en tant que professeur Honoris Causa de l'Université de Deusto (Pays- Basque).

Et si le socialiste français devenait avant tout un socialiste breton ?

Il faudrait pour ça qu'il se sépare de ses collaborateurs au Conseil régional, tous formés à l'économie administrée, eux-mêmes sous perfusion des prélèvements obligatoires, ignorant tout de la productivité, de la société du risque et dont la seule ambition est de maximiser leur petit pouvoir.

José-Maria MUNOA, délégué du Président du gouvernement basque pour les relations extérieures a a affirmé qu'une des raisons principales qui a permis cette réussite est la profonde décentralisation qui a donné à l'exécutif basque la possibilité de tenir son rôle.

Le Pays basque exerce une compétence fondamentale : l'autonomie fiscale.

En vertu de cette autonomie, le Pays Basque collecte la totalité des impôts et verse à Madrid ce qui correspond aux compétences exercées par l'Etat central. Ce versement représente environ 8% des ressources fiscales, 92 % restant au Pays-Basque.

Ce que JM Munoa, dans le contexte qui est le sien, nomme une réelle décentralisation, ressemble beaucoup au fédéralisme. L'Etat basque collecte et verse à Madrid. En France, c'est l'Etat qui prélève la totalité, et qui ensuite, redistribue, un peu comme des étrennes.

Qui sait, la commune qui se conduirait mal pourrait être rayée des destinataires. Le Prince a ses caprices.

Il s'agit bien pour l'Etat central de vouloir faire croire à une dépendance alors que la réalité est inverse. C'est bien l'Etat qui opère des prélèvements sur la richesse des régions, des communes et des citoyens sans lesquels il n'aurait pas d'existence propre. Si demain, les citoyens manifestaient une disposition à ne plus payer les taxes et les impôts, l'Etat serait exsangue, la Région inexistante et ses cadres obligés, enfin, à travailler réellement.

On doit s'interroger sur la véritable nature de l'exécutif régional. Il ne s'agit pas d'une interrogation partisane qui concernerait davantage la gauche que la droite. Elle pose la question d'une véritable décentralisation et de l'existence ou non de sa volonté.

Nous devons constater que l'absence de compétences, en réalité, arrange le Conseil régional. Non seulement il ne les revendique pas, mais il tire profit d'une responsabilité qu'il se refuse à assumer.

Indépendamment des problèmes écologiques réels qui sont posés par la consommation excessive des énergies fossiles, la majoration de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) votée par la majorité régionale pour 2008 a créée une taxation supplémentaire de 13 millions d'euros sur les Bretons.

Au même moment, des voix de gauche se font bruyantes auprès du gouvernement pour qu'il fasse un geste…

Ce n'est pas avec ce double langage et ce si peu de vertu qu'on réussira à s'inspirer du Pays Basque.

Le passage d'un taux de chômage de 25% à 4% ne relève pas d'un miracle économique. Il relève de choix judicieux, de décisions appropriées, d'une stratégie pensée, réfléchie et appliquée.

Il est évident qu'à l'échelle d'une région, le développement pour tous passe par la suppression de certaines rentes de situation qui deviennent vite insupportables parce que trop visibles.

C'est sans doute la raison pour laquelle, une véritable décentralisation, sans même évoquer le fédéralisme, se heurte à tant d'obstacles.

Les régionalistes folkloristes ne veulent surtout pas scier la branche sur laquelle ils sont assis. Cette branche est reliée au tronc parisien par lequel la sève qui les alimente transite.

Tout désormais n'est plus que dans le discours. Régionalisation, décentralisation, fédéralisme relèvent de la rhétorique…

Ici Bayrou, là les Verts.

Les deux se sont prononcés contre le cumul des mandats : les deux se complaisent dans le cumul.

L'heure est à porter un autre regard sur ce que nous sommes et sur ce qui nous entoure.


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