Sans réponse à notre première lettre du 5 mars, nous en avions obtenu une après notre « visite » du type « indignés » du 14 mars dans les locaux de la Région à Rennes. Cette réponse apportait quelques réponses partielles aux questions posés et nous fournissait les documents demandés. Il faut souligner que cela est une obligation légale.
Suite à cette première manche, nous en adressions une seconde au Président Massiot soulignant les anomalies que nous constations dans le domaine du fonctionnement de son service spécialisé en ce domaine, des conséquences pratiques de la politique menée et d'anomalies financières.
Plus d'un mois après nous constatons une fois encore le silence de la Région. Nous regrettons donc de devoir rendre publique cette seconde lettre puisque un dialogue normal ne semble pas faire partie des us et coutumes régionales. Ce n'est pas de notre fait si la médiatisation est le seul moyen de s'y faire entendre...
Nous soulignons combien l'argent public est employé de manière pour le moins bizarre... Nous précisons pour les lecteurs que si ce que nous portons à sa connaissance concerne essentiellement l'Enseignement Catholique, il ne faudrait pas en déduire trop vite qu'il serait le seul concerné par de tels... disons... gaspillages...
Pour la bonne compréhension de la lettre suivante : K S D S = Kreizenn Stumañ an Danvez Skolaerien. ( Organisme qui était chargé d'instruire et de présenter les dosssiers de demandes de bourses aux collectivités publiques ) C A E C = Comité Académique de l' Enseignement Catholique ( Organisme qui fédère les directions départementales de l' Enseignement Catholique et ses universités ) P M B = Programme Multilingue Breton = Plan d'introduction d'une 3e langue chez les enfants bilingues, pratiqué dans certains établissements bilingues de l'Enseignement Catholique de Bretagne depuis 15 ans comme dans les ikastolas du Pays Basque Sud sous le nom d'Eleanitz. Il se met en place aussi dans les filières bilingues catholiques du Pays Basque Nord.
Résumé de l'histoire : Tout indique que la Région préfère payer 45 000 ¤ pour mettre du personnel compétent au chômage, payer 65 000 ¤ pour un petit nombre d'heures de et en langue bretonne dans un master décentré à Brest et recevant peu de futurs enseignants, diminuer le subventionnement et les fonctions d'associations qui faisaient bien leur travail jusque là, supprimer un programme qui à participé au succès de la politique linguistique dans les Ikastolas du Pays Basque sud avant de commencer sa route au Pays Basque nord. Tout cela au grand dam de parents d'élèves et directions d'écoles et en contradiction avec les « Propositions pour l'enseignement des langues de Bretagne» votées à l'unanimité par le Conseil Culturel de Bretagne comme avec toutes les récommandations européennes.
Est-ce bien le rôle d'une Région socialiste de financer des suppressions d'emplois et d'aggraver ainsi le chômage, de casser une pédagogie d'avenir qui marche, de subventionner sans discernement des formations très restreintes en heures et en nombre d'élèves, de financer un achat immobilier pour une association ?
Comme nous le dit le penseur Libannais Amin Maalouf : « Perdre le passé c'est triste, cela fait de la peine, mais c'est normal, mais perdre l'avenir c'est désastreux. »
Yannig BARON
Voici donc copie de notre lettre à la Région et restée sans réponse à ce jour.
Vannes le 30 mars 2013.
Monsieur MASSIOT
Président de la Région Bretagne B4
Copie à Monsieur J M Le Boulanger.
Monsieur le Président,
Nous vous remercions d'avoir répondu à notre lettre du 5 mars après notre visite du 14 mars à Rennes. (Nous vous félicitons aussi pour votre lettre au premier ministre suite au blocage de la ratification de la Charte européenne)
Nous ne doutons pas de l'engagement de la Région dans le domaine de l'enseignement des langues de Bretagne. Ce qui nous inquiète vivement ce sont certaines des mesures qui sont prises ou qui ne le sont pas pour assurer leur survie.
Nous ne souscrivons pas à l'affirmation concernant la prise en compte des « Propositions pour l'enseignement des langues de Bretagne » votées à l'unanimité par le conseil Régional le 14 mars 2011. En fait, ce qui en a été écarté ce sont les mesures les plus importantes qui sont décrites dans les point 5.2 et 5.3. Soit pratiquement tout le paragraphe 3 des « Propositions » en page 15. Si les détails y sont ce n'est pas le cas de l'essentiel ni du plus important. Ceci parce que cela ne rentre pas dans le cadre de ce que pensent les quelques personnes qui en décident pour tous sans débat démocratique.
Pour nous, sans la mise en place d'une politique linguistique ouverte correspondant à l'évolution normale des besoins des enfants et de la société, ainsi que de la pédagogie de l'enseignement intégré des langues, nous considérons qu'il ne sera pas possible de progresser suffisamment pour sauver les nôtres. C'est un renfort indispensable aux pédagogies immersive et semi-immersive que les parents attendent dans leur très grande majorité et que certains « appareils » refusent pour des raisons qui n'ont rien de pédagogique.
Nous constatons tout autant l'incurie de ceux qui décident pour tous. Ainsi s'il est exact que des masters ont été créés à St Brieuc pour le Public, à Brest pour le Privé et à Quimper/Perpignan pour Diwan, nous savons aussi combien leur contenu en enseignement de et en langue bretonne y est insuffisant. De 25 à 30 % au mieux dans les deux premiers.
Surtout, si nous nous félicitons de l'aide que la Région apporte aux formations longues de 6 et 9 mois que j'avais initiées il y a plus de 15 ans et de l'existence des masters imparfaits, il est assez stupéfiant de constater que rien n'est fait pour créer les licences enseignement bilingue indispensables pour assurer la continuité du cursus. Comment pourrait-il y avoir de nombreux jeunes en master bilingue alors qu'il manque la marche précédente pour y accéder après le Bac ou les formations longues ?
Comme par ailleurs KSDS a été, comme d'autres associations, dépossédée du lien que cette association assurait avec efficacité dans ce domaine entre le public et les collectivités, le résultat est là : 21 étudiants en première année dans les 3 masters en 2012 contre le double les années précédentes. 21 pour toute la Bretagne et les trois types d'enseignement... Pas de quoi remplacer les départs en retraite.
Ceci est un exemple mais c'est loin d'être le seul des résultats d'un politique hors sol captée par une équipe restreinte qui devrait faire l'effort d'écouter d'autres sons que les seuls siens au lieu d'imposer ses vues. Nous pourrions aussi parler des étudiants qui touchent les bourses Skoazell mais ne vont que très peu aux cours. Cela non plus n'aurait pu se passer il y a quelques années.
Nous sommes totalement d'accord avec vos propos sur la question de l'orthographe. Ce n'est pas de la compétence de la Région dites-vous ? Alors, pourquoi votre service langue bretonne y intervient-il en participant à un blocage de toute évolution possible en allant jusqu'à vouloir contrôler les lignes éditoriales dans certains cas, ce qui avait provoqué une bronca au CCB. N'est ce pas contradictoire ?
Si ce n'est ni à la Région ni à l' Ofis de résoudre cette question, rien ne l'empêcherait au contraire de prendre l'initiative de réunir les personnes compétentes afin d'en finir avec ce problème. Ce serait alors une action positive au lieu d'en mener de négatives.
Passons à la partie financière de notre démarche. Disons tout de suite que nous n'avions nullement l'intention d'entrer dans le détail de cette question que nous connaissons bien. Il nous semble cependant nécessaire d'attirer votre attention sur certaines « curiosités » pour ne pas employer d'autres mots...
Pour le CAEC : Il y a là quelques problèmes. Dans le domaine des salaires, la Région finance deux ½ postes. L'un est justifié. L'autre pas. Pourquoi donc reviendrait-il à la Région de financer un « conseiller pédagogique/personne-ressource » qui devrait l'être normalement par l'Etat comme toutes les autres personnes assurant cette fonction dans l'Enseignement Catholique ? (Il est vrai que du coup cela lui permet d'en avoir un de plus pour d'autres fonctions...)
65 000 ¤ pour financer les quelques heures de et en langue bretonne des 2 étudiants qui sont en Master 1 et des 11 en Master 2 à Brest semble disproportionné. Cela fait très cher l'heure effective de cours. Il vaudrait mieux fixer un tarif horaire et exiger que la formation corresponde assez avec le financement accordé. Cela ferait grimper beaucoup les heures en langue.... 65 000 ¤ même en les comptant à un tarif très élevé cela représente plus de 2 000 heures de cours. (Un master c'est 400 heures/an dont, en théorie, un gros tiers en breton et encore ! La partie en français ne relevant pas de ce financement et étant commune aux autres étudiants....)
Pour l'association DIHUN et contrairement au discours tenu aux parents et aux écoles, nous observons que les dispositions sont prises pour payer 45 000 ¤ d'indemnités de chômage à certains salariés. Et la aussi une grande question : Puisque l'association est dépossédée de sa collaboration pour la création de filières bilingues nouvelles et que par ailleurs la Région veut lui retirer la gestion du PMB à quoi peut-elle servir dans le futur ?
Nous constatons d'autres « bizarreries » financières assez importantes ? 33 000 ¤ seulement de recettes pour le PMB alors qu'il y encore 13 filières avec autour de 900 enfants payant 60 ¤/an ( un peu moins pour le second ) Cela ne représente que les 2/3 de leur participation annuelle.
Même interrogation autour des 21 000 ¤ de « loyer immobilier » quand on sait que l'association est propriétaire de son local. Il ne s'agit que d'un remboursement d'emprunt qui était d'un montant nettement inférieur les années passées... Cela ressemble un peu à une opération immobilière curieuse...
Enfin vous nous confirmez vouloir supprimer le PMB et en toute sérénité avec l'association... ce qui ne correspond absolument pas aux échos qui nous parviennent des parents et des écoles. Il nous revient donc de vous faire remarquer une différence de traitement anormale. Il nous semble que quand vous donnez une subvention à nos amis de DIWAN ( ce qui est très bien ) vous ne vous posez pas la question de leur destination linguistique ! Chacun sait pourtant qu'à Diwan on fait aussi du français, de l'anglais et autres langues, ceci dans des proportions beaucoup plus grandes que ce que propose DIHUN... qu'on y paye des personnes pour l'encadrement pédagogique dans ces matières, alors n'est-ce pas 2 poids et 2 mesures ?
Nous concluerons de la manière suivante :
La rentrée scolaire 2012, contrairement au discours « officiel » a enregistré la plus faible progression depuis 1997 dans les trois systèmes. Ce n'est pas dû au hasard. Cela montre seulement que ce qui est proposé correspond de moins en moins aux besoins et que la mise de côté des associations n'est pas un bien. Pour ce qui est de l'Enseignement Catholique, s'il y a 4 nouvelles filières ( C'est bien mais ce n'est pas un record, la moyenne est de 3 depuis 22 ans) cela ne change rien au fait que le nombre d'élèves en maternelle ( hors créations ) stagne, qu'il diminue dans le secondaire, qu'il n'y a que 2 étudiants en master 1 à Brest et 11 en master 2 pour toute la Bretagne et que cela ne prépare pas des lendemains qui chanteraient...
La suppression du PMB qui a déjà causé des ravages là où elle a été imposée, va aggraver largement cette évolution négative. Il est pour le moins étonnant que la Région Bretagne casse le type d'enseignement que recommandent toutes les instances internationales et européennes alors que cette disposition était incluse dans le projet de loi présenté par J J Urvoas, député du 29 et président de la commission des lois de l'Assemblée Nationale... Est-ce comme cela que la Région veut agir pour créer la Bretagne de demain ? Agir comme cela c'est porter un coup fatal à l'avenir des langues de Bretagne. C'est regarder le passé plus que l'avenir.
Nous vous demandons donc de faire savoir que vous revenez sur cette mesure et qu'au contraire vous pensez que cette approche de l'enseignement des langues est aujourd'hui indispensable. La Région Bretagne s'honorerait si au lieu de fermer la porte au progrès pédagogique elle souhaitait l'étendre à toutes les filières. ( Nous avons été sollicités par des écoles Diwan par exemple.)
Vous pourriez demander à l'association DIHUN d'employer l'argent prévu pour créer du chômage à la relance de ce processus réclamé par les parents et les écoles. Avec la seule économie des indemnités de chômage et une partie des anomalies financières que nous constatons dans le budget prévisionnel du CAEC (joint à votre lettre) il y a largement de quoi assurer l'avenir du PMB, Il y a donc des solutions.
Nous demandons aussi à votre service langues bretonnes d'organiser, calmement, une réunion de la dizaine de spécialistes bretons capables d'apporter une réponse positive à la question de l'orthographe au lieu de bloquer la situation sans en avoir la compétence.
Si vous le souhaitez, nous sommes disposés à rencontrer (même de manière informelle) toute personne prête à répondre aux questions posées afin de résoudre les problèmes dans un esprit positif.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre parfaite considération.
Yannig BARON
PS – Les quelques exemples financiers évoqués ne sont pas les seuls. Nous nous tenons à votre disposition si besoin. Il serait dommage qu'un jour la Cour des Comptes s'en saississe.
PJ – Dossier afin que vous sachiez ce que la Région est en train de détruire. Nous espérons qu'il n'aura pas à servir pour la postérité.
■Si on n'adopte pas la même démarche que celle des Corse (et il est vexant d'être toujours à la traîne des autres, Corses, Basques, Alsaciens, Ecossais, ... , même si on n'a pas encore dit notre dernier mot !), il faudra des siècles pour atteindre un million de brittophones.
Mais on n'entend personne porter cette revendication. Ah si, ... en Corse.
Il y a quand même pas mal de monde qui s'active autour du breton en Bretagne, mais pour de faible résultats, comme vous le dites justement.
Et pendant ce temps là, il n'y a même pas de licence d'enseignement bilingue en Bretagne qui permettrait d'espérer de forts contingents d'étudiants se dirigeant vers les masters bilingues.
Yannig Baron