Nous commençons à mieux saisir le sort donné à notre « plan Marshall pour les langues de Bretagne », ce programme politique et culturel ambitieux porté par la liste « Bretagne ma vie » et figurant au cœur des politiques linguistiques selon l’accord électoral Chesnais-Girard/Cueff.
Il n’y avait pas grand espoir de le voir mis en œuvre tant il opère une rupture totale avec les politiques actuellement menées.
Côté positif, une augmentation du budget consacré aux langues, mais avec 16% seulement en plus, contre le triplement de ce budget que nous proposions. Avec ce plan, au moins aurons-nous réussi à mettre la question des langues de Bretagne au cœur des dernières élections régionales.
Mais pouvons-nous être fiers que tout le travail accompli se résume à une augmentation aussi faible de l’ordre de 1 million d’euro lorsque l’on sait que l’on part de tellement bas (7 millions d’euros), et que les Gallois y consacrent 160 millions de livres ?
C’est déjà ça, nous dira-t-on. Mais l’essence même du plan Marshall était d’opérer une véritable rupture avec les politiques actuelles, concernant nos langues et l’autonomie de la Bretagne.
Je trouve donc choquant d’entendre les élus de la liste « Bretagne ma vie » évoquer leur plan Marshall comme s’il était mis en œuvre sans sourciller par Loig Chesnais-Girard, alors que la politique que poursuit ce dernier en constitue la négation même. Que ceux qui en douteraient consultent seulement le plan Marshall ! Je ne regrette pas d’avoir quitté le navire dans l’entre deux tours comme une grande partie des co-listiers mis devant le fait accompli.
Il s’agit là d’une forme de duplicité permanente, de malhonnêteté intellectuelle et même politique , car je persiste à croire en l’honnêteté en politique. Cette duplicité éloigne chaque jour davantage nos concitoyens de la politique et de la démocratie.
Au moins, Loig Chesnais-Girard, dans son discours d’ouverture de la présente session budgétaire a eu la décence de ne pas en parler, du plan Marshall
Nous avons déjà dit ce que nous pensions de la Convention spécifique sur les langues dans une tribune récente du Télégramme, co-signée avec Yannig Baron.
La région Bretagne va poursuivre une politique linguistique en échec depuis plusieurs années. Dans six ans, et malgré l’affichage d’un objectif de 30 000 élèves, nous n’aurons pas vraiment progressé puisque l’Etat n’a pris aucun engagement précis et chiffré quant à la formation des enseignants qui sont déjà en poste, à l’image de ce qui se fait en Corse. La situation pourrait même empirer. Prenons rendez-vous dans cinq ans !
Lorsqu’une politique publique est en échec, il faut trouver le courage de l’affronter, de l’évaluer par un tiers extérieur et d’expérimenter autre chose, comme ici le plurilinguisme. Loig Chesnais-Girard n’a pas ce courage-là.
Le plus important sans doute : la volonté d’émancipation bretonne. Loig Chesnais-Girard évoque à demi-mot dans son discours d’ouverture la nécessité d’une réforme constitutionnelle.
Mais que fait-il pour que les choses changent ? Rien ! il ne s’agit pas d’attendre que l’Etat accepte de partager sa souveraineté, c’est à la Bretagne de tracer son chemin vers l’autonomisation progressive.
Dans le plan Marshall des langues figurait la méthode pour y parvenir : dessiner le statut particulier pour la Bretagne, le faire voter solennellement par la collectivité territoriale, le promouvoir auprès du peuple bien sûr dans le cadre d’un débat démocratique et ensuite le proposer à l’Etat dans un rapport de pression politique passant éventuellement par une consultation populaire.
Chesnais-Girard s’est réservé la compétence en matière institutionnelle, c’est à lui qu’il revient d’agir en remettant sur pied un groupe de travail capable de concevoir ce nouveau statut ;
Mais je doute fort qu’il le fasse, puisqu’avec lui, nous sommes sur le versant d’un « régionalisme » de pacotille, sans réelle volonté d’émancipation.
Le contexte politique le renforce, hélas. Les « régionalistes » qui ont rejoint sa majorité, Christian Troadec et Paul Molac, loin de pousser à l’émancipation sont devenus des forces légitimantes de l’inaction et de ce « régionalisme » de pacotille qui nous donne l’illusion d’exister mais qui assure notre disparition progressive en tant que peuple.
Pour ma part, je me refuse à me contenter des « nous n’avons pas assez d’argent, nous savez, les départements font peu, le rectorat ne veut pas… » auxquels même une grande partie du mouvement culturel semble se résigner désormais. Il existe toujours une place pour la volonté politique, lorsque l’on veut encore exister.
Yvon Ollivier
Auteur
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