Pays-de-la-Loire : Lettre ouverte à Madame Claude Seyse

Lettre ouverte publié le 30/04/23 10:27 dans La réunification par Jean Boidron pour Jean Boidron
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La rue de la Pierre de Bretagne où se trouvait la pierre de Bretagne qui marquait depuis l'antiquité une frontière tribale, mais devenue par la suite la limite du duché. À gauche, Le Fresne-sur-Loire , en Bretagne, à droite, Ingrandes (la frontière en gaulois) en Anjou. (photo wikipédia de Pymouss)

À Madame Claude Seyse,

ancienne vice-présidente du Conseil général et porte-parole de l’Association pour la valorisation et le soutien de la région des Pays de la Loire (AVSPL).

Madame,

Après avoir lu votre courrier défendant l'identité de la région dite des «Pays de la Loire» ou parfois «Pays de Loire», j'ai pu assister à une émission sur le sujet, diffusée par Télénantes le 3 mars 2023 dernier, débat contradictoire en présence de M. Christophe Prugne, Président de l'association À la Bretonne.

Je me permets de contredire la totalité de vos propos, et ce notamment parce que vous semblez ignorer le fond de ce dont vous parlez.

En effet, il me semble avoir plus de pertinence et de légitimité que vous sur le sujet :

Je suis Nantais d'origine angevine, né dans les Mauges, et d'une famille paternelle d'Ingrandes-sur-Loire depuis de nombreux siècles. Ce gros bourg de frontière avec la Bretagne qui s'est enrichi de son activité douanière jusqu'à la fin de l'Ancien Régime est devenu un no man's land depuis l'installation de la région factice dite des «Pays de (la) Loire», une virgule sous autoroute qui a perdu toute son activité & ses commerces. Son âme de frontière et d'échanges humains. Je tiens donc à la remercier sans réserve pour tous ses «bienfaits».

Personnellement, pour y avoir passé toute mon enfance et mon adolescence, je pense savoir mieux savoir que vous où commence la Bretagne ainsi que l'Anjou : de l'autre côté de la rue sur la commune du Fresne (Le Fresne-sur-Loire) où travaillait mon grand-père vigneron, et ou fut arrêté l'un de mes ancêtres faux-saunier pour être jeté en prison. La mémoire en ces lieux est aussi tenace que les Bretons d'à côté sont têtus.

Voire en venant des Mauges, mon ascendance maternelle, en passant la Loire après l'Èvre, de Saint-Florent-le-Vieil, bourg du vénérable Julien Gracq, pour Varades. Ou de Liré, patrie de Joachim du Bellay, vers Ancenis.

Au point de frontière entre les deux bourgs, il existait jusqu'à la Révolution une pierre dite «de Bretagne» posée par le duc Erispoë en l'an 851 et Charles le Chauve, roi des Francs. Elle a disparu pendant la Révolution (1792), vraisemblablement vendue, mais elle était encore indiquée par une pancarte jusque dans les années 80. Dite pancarte qui a été sciemment escamotée.

Quant au toponyme gaulois equorandam d'origine, il signifie partage et frontière, et figure dans nombre de toponymes de l'ancienne Gaule.

Quant à la dénomination «de Loire», en dehors d'un bassin hydrographique, il me semble usurper le simple bon sens : ne n'ai, malgré toute mon attention, point vu la Loire couler à Laval, au Mans, et encore moins à La Roche-sur-Yon, anciennement Napoléonville. Cette entité administrative n'est que la réunion artificielle et forcée du Maine, de l'Anjou, du Bas-Poitou, et du Pays Nantais, moins quelques marches.

Ça c'est la «vérité vraie !», dit-on chez moi. Tout le reste n'est même pas littérature mais propagande bourrage de crâne sur le dos des fonds publics depuis des décennies.

A des fins scandaleuses de tenter de refaire l'histoire et d'éradiquer les consciences pendant plusieurs générations. Ce qui n'est pas dans rappeler les périodes les plus sombres de l'histoire. Jusqu'à aujourd'hui dans quelque pays d'Extrême Orient...

Chez nous, on est Angevins ou Bretons. Et ça nous va très bien. Mais jamais «Ligériens». Un terme qui n'a aucun sens encore dans les consciences collectives, jusqu'à aujourd'hui. La terre, sa géographie est du domaine du sensible qui fait l'Humain. Bien loin des considérations administratives «hors sol». Si le département a fini au bout de 350 ans par représenter un référent imaginaire relativement viable, c'est aussi parce qu'il s'est appuyé sur des réalités plus éprouvées par le temps.

Tout le monde sur place sait en Charente qu'il passe de l'Aunis à la Saintonge. Et en 44 qu'il est du Pays de la Mée qui n'est pas le Nantais, ou de Retz qui n'est pas le Vignoble. Tout le monde sait et surtout sent ces frontières intérieures qui font le territoire et les Hommes plus que la carte. Cela demande un peu plus de sensibilité qu'une vision administrative con-descendante. Gênant pour «administrer', j'en conviens.

Mais je vous réfute le droit d' »administrer'« mon passé sensible d'Homme, ni celui de ma famille et de mes enfants et petits-enfants. Ma conscience d'exister quelque part même si mes pas me mènent aux autres et au divers du Monde, qui n'est Monde que parce qu'il est justement différent. De faire du passé »table rase«.

La »frontière« n'est justement pas un prétexte à conflits. Mais bien, vécue de chacun son intérieur, un prétexte de rencontre et de partage. Comme la peau appelle à la caresse.

Quant au Gwenn ha Du, il n'est en rien comme certains voudraient vous le souffler un symbole issu du fascisme largement partagé à l'époque de sa création. Bien au contraire il est »pluriel«. Bandes blanches & noires & fond d'hermines signifiant une forme d'unité dans la diversité. Et sa présence sur les frontons de mairies ou autres édifices publics me conforte dans l'idée que toutes nos différences nous unissent en humanité. Bien plus que le »bleu-blanc-rouge« qui n'est que la manifestation d'une concession républico-royaliste. »Plutôt mourir que de se salir« n'empêche pas d'être républicains dans l'âme et de revendiquer au quotidien la »Liberté-Égalité-Fraternité« bien mises à mal en cette fin de règne. N'oubliez jamais que la Révolution »Française" est en partie née de députés bretons. Et occitans.

Et non seulement je ne vous félicite pas de vouloir reprendre a votre compte cette tentative encore infructueuse de fomenter une amnésie collective, mais je vous plains de n'en avoir ni conscience ni intelligence.

Je me tiens donc à votre disposition pour quelques leçons de littérature, d'histoire ou de géographie...

Pour mémoire.

Jean BOIDRON


Vos commentaires :
Le Berre
Samedi 23 novembre 2024
Pluriel le «Gwen ha du»? Je ne vois pas comment... Blanc et noir, pas vraiment arc-en-ciel. Vivement une grande région «Armorique» pour que les peuples de l'Ouest vivent ensemble en toute intelligence!

Naon-e-dad
Samedi 23 novembre 2024
Très intéressant. Je retiens la «pierre de Bretagne» posée par le duc Erispoë en l'an 851.
.
Merci à vous pour cette rédaction soignée et ce témoignage de première main exposant clairement la perception territoriale et la conscience locales.
.
Brav ha talvoudus-kenañ eo ho lenn.

Jean-Paul Touzalin
Samedi 23 novembre 2024
La teneur de votre lettre ouverte, par sa rigueur et son humanité, devrait bien clore le bec aux thuriféraires des PdL !
En outre, elle me fait penser à ce qu'un ami, aujourd'hui disparu, aimait à répéter: «il n'y a
pire infirmité mentale que celle consistant à ne pas considérer l' autre comme différent de soi »
...
le refus des différences, la négation de son respect, aboutit à l'amnésie mentale que vous dénoncez .

Yannig Coraud
Samedi 23 novembre 2024
Ce texte fait beaucoup réagir positivement la famille et les amis ...
Bravo Monsieur BOISDRON .
En vous lisant on est fier d'être breton ouvert sur le Monde .
Un chauffeur de taxi indien rencontré en Australie à Perth m'avait dit : la terre appartient à tout le Monde Son identité choisie se libère des frontières .
Je plains les racistes qui refuse le choix d'être bretons aux habitants de Loire Atlantique ...
Chañs vat evit ur Vreizh Dieub Digabestr hag a orin a bep seurt

J. Christ. Siou
Samedi 23 novembre 2024
Bravo à Jean Boidron! Très bon texte, du bon sens (de l'histoire) de la précision et de l'humanité, tout ce qui manquera toujours aux «pays dits de Loire».

Borges
Samedi 23 novembre 2024
«Travailleur immigré angevin ayant choisi la nationalité bretonne», des Mauges à Redon il y a quoi ? 80 kms ?

Pas vraiment de changement de lois, de monnaies ou de langues entre les deux, le même type de veuze chez les amis des cercles folkloriques, non ?


Emilie Le Berre
Samedi 23 novembre 2024
Ben si, dans le blanc il y a toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, plus le noir au cas où on aurait oublié quelqu'un.

Kristof Bach-Bourdelier
Samedi 23 novembre 2024
Merci pour cet article - J'ai moi-meme grandi a moins de 5 kilometres de la Phantomgrenze (frontiere fantome) entre Bretagne et France - Une frontiere epaisse de plusieurs kilometres, celle-la : les Marches separantes de Bretagne et de Poitou (@enclave de la Garnache)

jojo
Samedi 23 novembre 2024
En toute intelligence on peut aussi s'appuyer sur des régions qui ont du sens, leur donner les pouvoirs législatifs et parlementaires pour decider des initiatives necessaires à leur développement et entretenir des projets constructifs avec leurs voisins. Pas besoin de créer des gros machins technocratiques sans cohérence culturels, même en lui donnant un nom un peu plus sexy (Armorique en effet est plus sexy que grand ouest mais c'est la même coquille vide). L'argument de la taille m'a d'ailleurs toujours sidéré, que dire alors de la Rioja en Espagne? ou de la Sarre en Allemagne?

Jean-Louis Pressensé
Samedi 23 novembre 2024
Bien envoyé, merci Jean (-Jacques) !

Burban xavier
Samedi 23 novembre 2024
Je vous remercie pour la publication de cet article éclairant et juste .

Les pays de la Loire son une indigence de l'esprit sur le plan de la réflexion , de la réalité humaine , des affects pour un territoire .

Dommage qu'ils n'aient pas rejoins la poubelle de l'histoire sous le général de Gaulle .

Biskenn eo !


Hervé Brétuny
Samedi 23 novembre 2024
Je n'ai qu'un mot à vous écrire : «Bravo !»

Le Cossec
Samedi 23 novembre 2024
Merci pour cette diatribe. Et non M. LE BERRE, pas de région Armorique. La région Bretagne à 5 départements. C'est une réalité historique et Ça ne souffre d'aucune discussion. Vous pouvez continuer à penser que la terre est plate si vous voulez..il n'y a pas ceux que vous appelez «les peuples de l'Ouest». Bretons, Vendéens, etc en descendant jusqu'aux Basques. Point.

Burban xavier
Samedi 23 novembre 2024
Le peuple vendéen n'existe tout bonnement pas ce sont les habitants du département de Vendée , rien de plus , des Poitevins ....

Le peuple breton existe , il a une langue ... On pourrait même dire que nous sommes «un peuple premier en Europe » comme les Améri- Indiens au USA ou Canada par exemple .


Jean-Pierre Jadé
Samedi 23 novembre 2024
On attend avec impatience la réponse de Mme Seyse. Bravo pour cette lettre d’une grande hauteur de vue et qui fait preuve d’une grande connaissance de l’histoire.
Comme disait Lénine, les faits sont têtus.

Kristof Bach-Bourdelier
Samedi 23 novembre 2024
Merci pour votre message :) ~peuple : Il est vrai qu'il n'existe pas (encore ?) de representant.e.s 'EFA' >>> Voir le site <<< pour cet espace ~vendeen : Il existe aussi une confusion savamment entretenue entre /vendee_departemnent/ et /vendee_militaire/ - Le premier est tres largement Poitevin mais pas que (i.e. Marches Separantes) - Le deuxieme se partage entre France (Anjou, Poitou) et Bretagne (Retz -au sens de 851- / de l'autre cote de l'eau) ~poitevins : Trois specialistes locaux de la question pour ne citer que ceux-la (Eric Nowak, Michel Gautier, Michel Perraudeau) ne disent pas autre chose - Mais ils disent egalement -et ils ne sont pas les seuls + on ne peut pas leur donner completement tort- que 'le Retz / l'autre cote de l'eau' a longtemps appartenu au Poitou - Un referendum decisionnaire sur la question de la Reunification de la Bretagne pourrait etre l'occasion de metttre des chiffres pour infirmer ou confirmer la permanence ou l'impermanence de cette allegeance ~langue : Les Poitevin.e.s aussi ont une langue - Le Parlanjhe - Et la Bretagne a plusieurs langues vernaculaires - Le Breton pour la moitie ouest - Le Gallo mais aussi le Poitevin pour la moitie est ~premier : C'est une question delicate a manipuler - Je n'affirmerais rien sur le sujet - Mais ce qui compte -et je pense que nous serons d'accord la-dessus- c'est que les Breton.ne.s (habitant.e.s de la Bretagne + Breton.ne.s hors de Bretagne) permettent -a travers une expression democratique- la Reunification de la Bretagne

Anne Merrien
Samedi 23 novembre 2024
Sur France-Culture vendredi 5 mai, Ronan Le Coadic constatait que le sentiment breton serait faible en pays de Retz. Pourtant, la baie de Bourgneuf s'appelait baie de Bretagne il n'y a pas si longtemps, tout comme le marais breton-vendéen s'appelait seulement marais breton puisque l'invention de la Vendée comme territoire date de la Révolution. Les communes de Saint-Brévin (saint celtique probable initialement), Corsept («roselière» en breton), Paimboeuf (vieux breton pen bo, «cap bovin») et Saint-Viaud (saint insulaire d'une communauté bretonnante locale) forment un continuum au sud de la Loire. Sans oublier Pornic (vieux breton porth nith). Je me souviens avoir recueilli des signatures pour la pétition dans le Vignoble. Une personne m'avait dit que les gens se sentaient Bretons seulement au nord de la Loire. Pourtant, il y a une unité du pays nantais de chaque côté du fleuve, sans oublier les drapeaux herminés du pays de Retz et du Vignoble.

AFB-EKB
Samedi 23 novembre 2024
Gourc'hemennoú evit ho lizher speredek ha kalz a lans enni. Ezhomm hon eus da zastum tud eveltoc'h. Emezelit ban AFB-EKB.
Félicitations pour votre lettre intelligente et énergique. Nous avons besoin de gens comme vous. Rejoignez l'AFB-EKB

Tiern e peb Amzer.
Joa.


Jean Guicheteau
Samedi 23 novembre 2024
J’ai connu enfant Nantes sans région : pas d’université, pas de cour d’appel, pas de télévision régionale tout était à Rennes. Le journal se terminait comme ça : « et maintenant quelques brèves concernant Nantes et sa région… » est cela que nous voulons ? Car vous n’imaginez tout de même pas que Rennes va abandonner sa qualité de capitale de la Bretagne. La Loire-Atlantique sera la 5eme roue du carrosse c’est le cas de le dire, car depuis 50 ans les bretons ont pris leurs habitudes. Alors oui la région Pays de Loire est artificielle mais elle a été créée principalement pour donner une région à Nantes qui ne se limite pas à la Bretagne ayant de nombreuses relations avec Angers et la Vendée.

HAYÈRE Guy
Samedi 23 novembre 2024
Je suis né dans le Maine-et-Loire. Ma famille a bien du passé 1 millénaire à Martigné Ferchaud qui se trouve actuellement en Ille-et-Vilaine mais qui avant la révolution était rattaché à l'évêché de Nantes.
En effet avant la révolution l'administration du royaume de France est d'abord et avant tout l'affaire de l'Église.
Le roi, s'ingère de plus en plus dans ses affaires depuis la réforme et le Fait du prince mais c'est toujours l'Église qui gère l'essentiel de ce qu'aujourd'hui nous considérons comme Politique.Le rôle du roi est avant tout militaire et il gère tout ce qui se rapporte au stratégique, les routes par exemple. Les états de Bretagne décident des impôts qui vont assurer la sécurité militaire.
Jusqu'à la moitié du XIX siècle l'ouest de la France constitue l'archevêché de Tours. Cet archevêché a été installé dans les limites de la 3eme lyonnaise province romaine datant de Constantin le Grand.
Désolé mais l'ouest de la France n'a réellement été fracturé que lors de la création de l'archevêché de Rennes au milieu du XIX. Le clergé de l'évêché de Nantes a refusé de rejoindre le nouvel archevêché argant de l'arrangement de Nominoé avec les vikings. Il les avait laissé piller Nantes contre leur appui dans ses revendications féodales contre Charles le Chauve. Pas franchement glorieux de la part du soit disant «père de la nation» bretonne.
Non ce n'est pas la faute à Pétain.
Historiquement l'ouest de la France est donc bien une seule et unique région.
Nantes est une ville qui a été fondée par les romains et développée par les francs mérovingiens dont témoigne de nombreux noms de cette origine.
Ancenis est un ancien lieu de culte des Andecaves occupants gaulois de l'Anjou. Les Namnètes n'étant qu'un peuple secondaire installé très tardivement à la frontière des territoires des ventes et des Andecaves.

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