Pâté Hénaff change de cap

Chronique publié le 17/05/19 2:31 dans Agrobusiness par Philippe Argouarch pour Philippe Argouarch
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Loïc Hénaff
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Verrines bio

Le groupe Jean Hénaff continue sa diversification et sa direction vers le bio et le durable suite à plusieurs événements survenus ces dernières années remettant en cause ses produits et ses fournisseurs de porcs. Tout d'abord il y a eu des reportages anxiogènes comme celui sur les nitrites dans la charcuterie en général, présenté par Cash investigation en septembre 2016. L'OMS avait quelques temps auparavant déclaré que les nitrites, ces conservants ajoutés aux produits de charcuterie, mais rares dans les produits Hénaff, étaient «probablement» cancérigènes. La consommation de charcuterie a diminué en France de 4% juste en 2017 (source BFM-TV)

Coup tordu

En juin 2017, l'association L214 éthique et animaux, une association française végane et de défense des droits des animaux, s'en prend directement à l'entreprise Jean Hénaff dans un montage vidéo associant des images de maltraitance avec des boîtes de pâté Hénaff. Ces images tournées clandestinement par L214 dans deux élevages de porcs pour l'entreprise Hénaff font alors le buzz sur internet et sur les télévisions nationales. Elles montrent des conditions d'élevage ne respectant pas les règlements d'hygiène animale de base. D'autres témoins ont signalé l'utilisation de pesticides dans les cultures de maïs destinés à nourrir les porcs élevés dans des fermes qui fournissent l'entreprise.

Coup dur

En 2016, trois jeunes de la région parisienne lancent une application mobile gratuite capable de lire les barcodes des produits alimentaires et d'indiquer leur qualité au niveau diététique et nutritionnels. Vous pouvez utiliser votre smart phone dans les rayons du super-marché pour scanner le barcode et vous informer sur un produit avant de le glisser dans le caddie. De plus en plus de consommateurs le font. En mars 2018, l'application Yuka figure dans le top 20 de l'App Store .L’application compte près de 9 millions d’utilisateurs (en mars 2019, source wikipédia). On peut bien sûr contester les critères utilisés par Yuca pour déterminer si un produit est «excellent» , «bon», «médiocre» ou «mauvais» mais, quoiqu'il en soit, nous avons testé les pâtés, terrines et rillettes Hénaff au supermarché et tous les résultats donnés par Yuca étaient «médiocre». Un désastre pour l'image de la prestigieuse marque bretonne.

BE GOOD

Face à cette série noire, l'entreprise centenaire de Pouldreuzic a réagi d'abord par une diversification des produits. En août 2017, ce fut le rachat de Globe Export, une entreprise d'algues alimentaires de Rostrenen, créée par Christine Le Tennier, une pionnière des algues alimentaires en Bretagne. En juillet 2018, Hénaff poursuit la diversification de son groupe dans le bio avec le rachat de Kervern, une entreprise de charcuterie bio basée au Grand Fougeray. Puis ce fut l'apparition du pâté Hénaff bio (voir notre article) avec de nouveaux contenants en verre. Puis l'épicerie fine, et l'introduction du commerce équitable avec une série d'épices dont du poivre équitable produit en Afrique avec des fonds Hénaff, enfin la réintroduction du poisson en novembre 2018 via un partenariat avec APAK de Lorient (voir notre article). Reintroduction, car Hénaff a fait des boîtes de sardines jusqu'en 1972.

Le 15 mai 2019, le Groupe Jean Hénaff(*) a présenté à Rennes ses résultats annuels 2018 et sa nouvelle stratégie d'entreprise à l'horizon 2030 intitulée Be Good 2030. Il s'agit de continuer la diversification autour de 3 grands piliers : 1/3 de produits de charcuterie conventionnels seulement, 1/3 de produits de la mer et 1/3 de produits bio selon les demandes des consommateurs. Selon Loïc Hénaff il s'agit de produire bien, bon et sain. «Nous avons une vision très simple : nous entrons dans un nouveau monde dans lequel il faudra produire bien, produire bon, produire sain», a-t-il déclaré. Be Good 2030 est une stratégie ambitieuse. Elle prend en compte les enjeux du développement durable et «intègre des objectifs de long terme mesurables. »Nous ne sommes pas les premiers à intégrer ce changement de paradigme, mais nous souhaitons ouvrir la voie pour d’autres. Le Groupe Jean Hénaff, fort de son histoire, entend continuer à jouer un rôle de poisson pilote" déclare Loïc Hénaff.

Aujourd’hui, il ne suffit plus d’avoir la volonté de bien faire, il faut regarder encore plus loin. Se développer oui, mais pas à n’importe quel prix. J’ai la vision d’une entreprise qui doit s’occuper de son avenir et donc des générations futures autant que de sa rentabilité. Nous ne sommes pas seuls à penser ainsi, mais pour nous ce discours résonne peut-être plus fortement qu’ailleurs. La Bretagne est notre socle, tant géographique que culturel, elle est notre nature.__Loïc Hénaff

Hénaff a bien l'intention de s'intéresser de plus près aux élevages de porcs tout en haut de sa chaîne de production. Les conditions d’élevage des porcs qui fournissent la matière première des produits Hénaff , tout particulièrement au Pays Bigouden, ne peuvent plus être ignorées. Pour 2030, le groupe se fixe l’objectif de 100% de ses approvisionnement en porc sous signe de qualité.

La gastronomie bretonne pour tous

En juin, l'entreprise lance trois nouveaux produits de qualité : la Terrine de Campagne aux algues de Bretagne, la Terrine de Campagne au confit d’oignons roses de Bretagne et curry, et la Terrine de Campagne à l’andouille de Guéméné et aux pommes.

(*) Le groupe Jean Hénaff comprend à ce jour trois PME : Pâté Hénaff, Globe Export et Kervern.


Vos commentaires :
Rafig
Samedi 23 novembre 2024
Le pâté BIO c'est bien ? :

Le problème c'est que pour préserver le climat, limiter la pollution et respecter le bien-être animal, il ne faudrait plus manger de viande.

Donc comment parler d'écologie ou d'actions positives lorsqu'on est un constructeur de voiture, un site de vente par correspondance ou un producteur de porc ? fussent-ils bretons ;-)

Pour ma part je ne mange que des pâtés végétaux mais là encore il peut y avoir de l'huile de palme ! bio evel just.

désolé


Youenn Pibot
Samedi 23 novembre 2024
Demat

Dans le cas de l'entreprise Henaff, l'équation va à mon avis au-delà du BIO (qui n'est qu'une variable permettant d'offrir une solution à l'équation).
BIO certes, mais local... puisque leur matière première vient (exclusivement ?) du Finistère
BIO certes, mais éthique... quant il s'agit de mieux prendre en compte l'animal
BIO certes, mais contraint, par les nouvelles tendances consuméristes (vegan, L214, etc..)

Car le BIO, et j'en sais qqu'chose (étant transformateur BIO/conventionnel), ce n'est pas forcément la meilleure solution, même si je le défend pleinement au final: on ne prend pas en compte le bilan carbone.
Les malts que j'utilise dans ma micro-brasserie sont BIO, mais viennent de plus loin... Quant aux houblons, pour être approvisionné, je dois aller parfois chercher des fournisseurs ... extra-européens !
Avec le Bio, je peux fournir du coup des distributeurs qui sont plus lointains que ma zone de chalandise immédiate. Bref, si je devais faire un peu de provoc', je dirais que ma bière consomme deux fois plus de gazoil ...

Je pense que le véritable enjeu c'est de réussir à produire (et à s'approvisionner) bio ET local
Voir le site


Christian Rogel
Samedi 23 novembre 2024
Il faut relativiser l’impact de Yuka concernant la charcuterie. Conformément à ce que rappellent les nutritionnistes, une consommation importante de produits fortement salés ou gras est peu souhaitable.
Yuka attribue donc des notes médiocres à quasiment toutes les charcuteries salées et grasses.
Hènaff ne peut avoir eu de notations moins bonnes que ses concurrents directs.
Yuka est très utile, surtout pour repérer certains additifs comme le glutamate de sodium.

Naon-e-dad
Samedi 23 novembre 2024
A propos d'écologie et de développement durable, ne pas oublier que:

. l'informatique, à travers la gestion de serveurs géants (big data) est par nature pollueuse - mais oui! - car toute cette machinerie est dispendieuse en consommation électrique. D'où, toute application mobile - et donc YUKA, comme les autres - participe à cette gabegie d'énergie, au niveau mondial. Nota: je n'ai pas de solution, je constate et affirme ce que beaucoup taisent. Mais cette question est centrale.

A propos des animaux.

. parler de droit des animaux, c'est se placer dans une logique juridiste concue par et pour les humains, que je sache. Fort bien. Or dans cette logique, les droits sont placés en symétrique des devoirs. L214 peut-elle nous préciser son point de vue, sur les devoirs des animaux? Ce serait fort intéressant...Quite à donner des leçons, autant développer complètement sa pensée.

Enfin, évidemment je me réjouis de la percée du bio dans l'alimentation contemporaine et à venir (autrefois, on appelait celà, avec fierté et simplicité, «les bons produits de la ferme»). Hénaff a raison de concevoir une stratégie ambitieuse. Les opposants se tairont à mesure qu'elle réussira...

Sur eo e z'aio da get tamm ha tamm ar mouezhioù a-enep ar boued a-vremañ kerkent a ma teuio a-benn hon embregerzhioù da ginnig d'an holl, pe d'ar vuiañ posubl, «produioù mat an atant» !


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