Le thème retenu était «Le Moyen-Âge au Pays de Galles et en Bretagne» (1) mais la discussion porta aussi sur l'avenir et ses promesses. C'était la deuxième journée de débat organisée depuis la nomination du Professeur Dafydd Johnson comme Directeur du Centre des Hautes Études Galloises et Celtiques de l'Université d'Aberystwyth (voir le site) . Elle réunissait les membres de ce centre gallois à ceux du Centre de Recherche Bretonne et Celtique de l'Université de Bretagne Occidentale de Brest (voir le site) .
Le désir de multiplier ce type d'échange et de collaboration entre Abersytwyth et Brest s'est fait entendre. Hélène Tétrel, spécialiste de littérature médiévale comparée, passe actuellement une année sabbatique à Reykjavik en Islande où elle étudie la version en vieux nordique de «Historia Regum Britanniae» de Geoffroy de Monmouth, les légendes arthuriennes et la «Tristams saga ok Isöndar», seul texte complet, en prose toutefois, du «Tristran» de Thomas de Bretagne.
Madame Tétrel lança un appel afin de créer des programmes communs ou de collaboration en études médiévales. “Plusieurs étudiants de maîtrise apprennent en ce moment le moyen gallois en France”, dit elle. «Nous avons besoin de plus de personnes ayant une connaissance plus large des langues, par exemple ceux qui connaissent le vieux nordique.» L'internet, les forums de discussion pourraient être des outils utiles en ce qui concerne la traduction et les échanges de points de vue.
«Tout le monde a entendu parler d'Aberystwyth, sauf peut-être en France» m'a-t-elle dit. Je lui ai fait savoir qu'un ancien professeur d'anglais de l'université d'Aberystwyth, Gwyn Jones, avait traduit plusieurs sagas islandaises en anglais et en avait été récompensé par l'obtention de la distinction suprême en Islande, l'Ordre du Faucon.
Elle m'a répondu que «l'ancienne Présidente d'Islande, Mme Vigdis Finnbogadóttir, seul chef d'État que j'ai rencontré, et qui doit avoir plus de 70 ans, encourage vivement la traduction d'œuvres de littérature islandaise dans les autres langues».
Le discours de bienvenue du Dr Ann Parry Owen fut suivi de deux contributions fascinantes des participants gallois. Le Professeur Dafydd Johnson, se référant aux œuvres du grand poète gallois du Moyen Âge, Dafydd ap Gwilym, considéra les méthodes de recréation de poèmes originaux, aujourd'hui disparus, à partir de versions plus tardives disponibles dans les manuscrits.
«La simple étude des tout premiers manuscrits n'est pas nécessairement la meilleure technique ou même celle qui est la plus appropriée», dit-il. Certaines études effectuées à l'Université de Swansea, où le Dr Johnston était professeur de gallois avant son transfert à Aberystwyth, peuvent être consultées sur (voir le site)
La Guerre de Cent Ans
Le Dr Barry Lewis, quant à lui, parla des réactions des poètes gallois envers les Anglais durant la guerre de cent ans, se concentrant avant tout sur Guto'r Glyn, dont l'œuvre fait maintenant l'objet d'une étude détaillée au Centre de Recherches d'Aberystwyth (voir le site) . L'œuvre de Guto'r Glyn offre une image colorée et détaillée de la vie de la noblesse galloise au Moyen Âge. C'était un compositeur professionnel d'élégies qui travaillait pour les Lords des Marches anglaises et soutenait donc le roi anglais. Il devait donc exposer leur point de vue, qui n'était pas nécessairement celui de tous les Anglais. Il est bon de mentionner son estime pour les Français en tant qu'adversaires respectables. Ironiquement, son contemporain, Hywel Swrdwal, poète gallois d'ascendance anglo-normande, montrait de moins bonnes dispositions envers les Anglais.
L'architecture
Dans sa communication sur les maisons médiévales en Bretagne, Jean-François Simon, directeur du Centre de Recherche Bretonne et Celtique, parla de l'intérêt récemment suscité par l'architecture locale et des traces concrètes laissées par les petites gens du Moyen Âge.
Les fouilles de villages désertés entre le début du XIIe siècle et le milieu du XIVe siècle, dont certains sont ensevelis sous le sable côtier tandis que d'autres avaient été bâtis sur un sol de piètre qualité, ont rendu possibles des recherches archéologiques faites principalement dans les années 1970 et au début des années 1980.
Les patronymes
Au Pays de Galles où règne l'uniformité des noms de familles (Jones, Davies, Evans, Thomas etc..), la richesse des patronymes bretons est une source constante de joie et de curiosité. Beaucoup de lecteurs connaissent déjà les patronymes bretons ayant pour origine des noms de lieux (Tremadec, Lannurien), ou de professions (Baraer, Le Goff), ceux qui sont préfixés par « ab » (fils de) comme dans Abalan, Abiven, ceux qui se réfèrent à une caractéristique physique ou morale (Le Bihan, Le Meur) mais je dois avouer que je n'avais pas réalisé que Le Quellec voulait dire « gros testicules ».
L'intervention amusante de Gary German sur ce sujet ne pouvait que retenir notre intérêt. Mon attention a toutefois été retenue par un autre type de noms de famille, qui d'après monsieur German ont survécu de l'ancien gallois de Canu Hengerdd. «90 % des noms du Hengerdd ont survécu en grand nombre dans le Sud-Ouest de la Bretagne. Ils reflètent une tradition bardique remontant à l'époque où la Bretagne et le Pays de Galles partageaient un héritage commun», a-t-il affirmé. Il s'agit là de noms tels que Bran et Bleid que les galloisants peuvent reconnaitre immédiatement.
Les Lais
La communication de Fañch Postic portait sur la relation entre les textes médiévaux et la littérature orale. La littérature bretonne médiévale était célèbre dans toute l'Europe mais elle n'a survécu que par les «Lais bretons» de Marie de France et les imitations faites par Chaucer dans un style semblable. Cependant il en reste peu de traces en langue bretonne.
La Villemarqué, le plus célèbre collecteur de chansons traditionnelles et de ballades au niveau international, essaya de faire le rapport entre l'oral et ce qui restait des anciens manuscrits. Il participa à l'Eisteddfod de 1839 à Abergavenny et séjourna chez Lady Charlotte Guest à Dowlais où elle lui proposa de lire sa traduction du «Mabinogion». Le journal de celle-ci se fait l'écho de sa colère lorsqu'elle découvrit l'usage qu'il en avait fait, d'autant plus qu'il négligea de mentionner toute référence à son hôte.
«Quoi qu'il en soit», expliqua monsieur Postic, «il est difficile de reproduire des textes issus de la tradition orale. La Villemarqué et autres ont corrigé les textes au nom du bon goût littéraire alors que les collecteurs plus tardifs ne juraient que par une fidélité absolue à l'oral. C'est là un sujet encore plus complexe que les problèmes mentionnés par le professeur Johnson, qui tente de recréer un texte d'origine qui n'existe plus à partir des manuscrits toujours disponibles !»
Cette journée d'étude a soulevé beaucoup d'espoir et de points de réflexion. Nous espérons tous que le British Council continuera à soutenir ce travail de coopération.
Gwyn Griffiths, traduction Jacqueline Gibson
(voir notre article) : texte original en anglais.
(1) : «Approaching the Middle Ages : Wales and Brittany»
«Golwg ar yr Oesoedd Canol : Cymru a LLydaw».