Nantes-Saint-Nazaire en crise : une alternative bretonne

Communiqué de presse publié le 14/04/15 23:30 dans Economie par Michel Bouvier pour Michel Bouvier

Le trafic global des ports de Nantes-Saint-Nazaire est de 26,4 millions de tonnes en 2014 alors qu'il était de 27,7 millions de tonnes en 2013 (encore -4,7 % en un an). Surtout, les différents ports de l'estuaire ont perdu en 6 ans un quart de leur trafic (il était de 34 millions de tonnes en 2006). Cette chute survient au moment où l'essor de la globalisation favorise l'envol du commerce maritime. Dans le monde, ce dernier a doublé entre 2005 et 2014. La mer assure 95 % du commerce mondial des marchandises et toutes les péninsules par définition incontournables voient leur business s'envoler (le port de Busan par exemple, à l'extrémité de la Corée du Sud, est devenu le 3e port mondial pour le trafic de conteneurs). La mer n'est pas une «fin de terre» mais, si l'on sait l'utiliser, la rampe de lancement du négoce. Sur les dix dernières années, le trafic mondial a doublé et l'ensemble des ports bretons a perdu 28 % de ses activités ! Cette situation est d'autant plus invraisemblable que la Bretagne est un quai naturel posé sur la seconde route maritime mondiale qui voit passer un cinquième du trafic mondial des marchandises. La péninsule regarde donc de plus en plus passer des navires toujours plus nombreux sans en tirer bénéfice.

Cette situation interroge l'estuaire de la Loire, porte historique de la Bretagne et pose pour le moins problème. Le trafic nantais est à 71 % consacré aux importations. Le port a bénéficié en 2014 de 8 millions d'Euros d'investissement alors qu'on songe à mettre … 600 millions d'Euros pour la création éventuelle de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. En dehors du Havre puisqu'il est le port de Paris, les infrastructures portuaires françaises sont oubliées. Leur mode de gestion est bien trop lourd, les taxes trop importantes et le poids de certains lobbys font qu'ils ne sont pas compétitifs. Surtout, Nantes-Saint-Nazaire a, dès l'origine, été conçu comme une porte d'entrée énergétique et non comme un espace de rayonnement (le pétrole à Donges, le terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne…). De manière très profonde, à une époque où il fallait assurer suite au déclin du charbon l'approvisionnement de la France (les années 1960 et 1970), Paris a simplement conçu les ports comme des réceptacles énergétiques (pétrole, gaz…) et non comme des plates-formes intégrées et de réels hubs portuaires permettant l'export et la conquête des marchés. La capacité et le potentiel de rayonnement régional n'était même pas évoqué. Le bilan est donc dramatique et illustre une nouvelle fois les effets dévastateurs du centralisme, son incapacité non seulement à croire au potentiel export de régions fortes, mais tout simplement à l'envisager. Parallèlement, les «Pays de la Loire» n'ont eu aussi de cesse de privilégier les raccordements terriens pour unir Nantes à Angers ou Ancenis (13 millions d'Euros sur la seule année pour le T.E.R en 2008 par la seule région !). Pour légitimer un découpage qui n'allait pas de soi, la région dite des Pays de la Loire a sans cesse investi vers l'est (Angers, Le Mans…), abandonné l'estuaire et laissé l'identité maritime de la Loire-Atlantique en friche. Le problème est que les pouvoirs en place investissent pour se pérenniser et non pour bâtir un projet économique. On néglige la génétique territoriale. On oublie la mer. Plus encore que Marseille (qui vient de recevoir 28 millions d'Euros pour le lancement de la plus grande cale sèche en Méditerranée), le port de Nantes/Saint-Nazaire est le grand oublié de l'aménagement du territoire français. Il est à la fois oublié par l'Etat et par sa région alors qu'il ouvre la porte de l'Atlantique et du monde. On marche sur la tête. En négligeant la mer, la liaison Montoir-Gijón est en train de fermer. Les Bretons savent ce qu'est la mer. Chenchomp penn d'ar vazh. Changeons le bâton de côté ! En partenariat avec les autres ports bretons, personne en Bretagne ne refuserait que Nantes/Saint-Nazaire se saisisse enfin d'une véritable stratégie maritime bénéfique pour toute la Bretagne et plus généralement pour l'Ouest de la France. En difficulté, les milieux d'affaires nantais vont-ils se réveiller et analyser enfin ce problème de positionnement, être audacieux plutôt qu'enfermés dans des rouages administratifs qui objectivement ne marchent pas ? Pour contrer un déclin qui peut être systémique, la Bretagne peut être porteuse pour Nantes-Saint-Nazaire d'une espérance et d'un réel succès maritime.

Le Comité de Rédaction de construirelabretagne.org


Vos commentaires :
M.Prigent
Lundi 25 novembre 2024
Ce triste constat est si vrai que le trafic maritime de la Belgique dépasse celui de la France !

Paul Chérel
Lundi 25 novembre 2024
Inutile de pleurnicher, il faut dénoncer haut et fort. Les responsables premiers du désastre maritime de la Bretagne sont les deux Conseils régionaux, non seulement obséquieux du ppuvoir central mais incapables de prendre le pas sur des chambres de commerce obsolètes et des préfets ne servant à rien. Comme le dit Michel (Prigent pas Bouvier) la Belgique est attractive, la France et la Bretagne de moins en moins. Les transitairee export et même la clientèle export préfère passer par Anvers ou Rotterdam que passer , même par Le Havre. Raison toute simple, ports peu adaptés à l'augmentation du trafic et aux manutentions modernes. A cela s'ajoute l'incapacité des deux régions administratives d'unir leurs efforts pour effectuer les travaux et structures nécessaires ENSEMBLE. au lieu de signer les imbécilités édictées par la France sous forme de fallacieux pactes d'avenir. Paul Chérel

Paul Chérel
Lundi 25 novembre 2024
Merci pour la diffusion de mon premier message que j'avais voulu faire court en ne relevant pas les chiffres des deux INVESTISSEMENTS mentionnés dans l'article et surtout le mélange des genres. D'un côté 8 millions d'euros pour les ports, s'agit-il de vrais investissements ou de travaux habituels et bien naturels de maintenance et qui les a fournis ? L'Etat, le CG, la CCI, le gestionnaire ? Et les comparer avec les 600 millions de NDdL ( c'est tout juste si l'auteur n'a pas ajouté les "inutiles et coûteux' claironnés par les opposants) c'est tout simplement de l'escroquerie mal intentionnée ou mal informée. Là, il s'agit vraiment d'investissement. Les 600 millions sont payés en très grande partie par le constructeur et futur gestionnaire de l'aéroport avec petite participation imposée par l'Etat des deux régions administratives, ce qui ressemble plutôt a un droit de vote minime de l'Etat dans le conseil d'administration. Soyons sérieux ! Par ailleurs, le cas de Nantes-Saint-Nazaire est certes inréressant, important, révoltant mais il faut lui ajouter le cas de TOUS les autres ports bretons de Saint-Malo è Lorient, en passant par Saint-Brieuc et Brest. Car là, c'est le désintérêt total de la France pour l'ensemble des affaires maritimes qu'il faut dénoncer haut et fort surtout pour l'occasion ratée par les gouvernants en place d'un commerce maritime en pleine expansion. Paul Chérel.

Philippe Guilloux
Lundi 25 novembre 2024
Il me semble qu'on oublie une chose : investir dans les ports nécessite aussi qu'on investisse dans le transport terrestre pour transporter les marchandises qui transitent par la mer. Vous pourrez investir des milliards d'euros dans un port en façade atlantique (n'oubliez pas Brest), si vous n'avez pas un transport ferroviaire pertinent ensuite, a va être compliqué. Hors, la politique du tout TGV résultant du centralisme à la française (le seul objectif du train depuis 30 ans étant de raccourcir le temps de transport d'une ville vers Paris) fait que le fret a été abandonné. Tous les investissements ont été concentrés sur le TGV et il est difficile d'organiser un traffic où se mêlent des trains à 300 kms heure et des trains de marchandises. Ceci d'autant que la SNCF a été pendant longtemps via ses filiales, le premier transporteur routier de France. Sa présence dans le tour de table de la défunte Ecomouv montrant bien que son intérêt n'es pas dans le transport fret.
C'est ainsi que le lait produit dans la future usine de Carhaix sera transporté par la route jusqu'à Brest pour partir vers la Chine.

Damien Kern
Lundi 25 novembre 2024
A côté d'Antwerpen (195 millions de tonnes) il y a le concurrent encore plus gros : Rotterdam ( 445 millions tonnes ).

Et encore je ne sais comment on comptabilise le fait que quand on envoie un container de Brest pour l'Asie, il passe par Antwerpen !

Oui, il faut une cohérence logistique, route, train, port et aussi fiscalité, personnel ...

Maintenant pour rattraper tout cela, je ne vois pas comment.


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