Nantes en Bretagne ? de Dominique Le Page : Bravo ! mais revoir la copie...

Présentation de livre publié le 8/10/14 16:02 dans Histoire de Bretagne par Philippe Argouarch pour Philippe Argouarch
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Les éditions [[Skol Vreizh]] viennent de publier un petit livre très bien illustré intitulé Nantes en Bretagne ? --avec le point d'interrogation. Écrit par un Breton, professeur d'histoire à l'université de Bourgogne-Dijon, Dominique Le Page, le livre est plein d'informations nouvelles sur les relations entre Nantes et la question bretonne. De ce côté là c'est un excellent livre, très informatif, et destiné à un large public et tout particulièrement, on l'espère, aux Nantais trop souvent lésés par les médias concernant leur histoire commune avec la Bretagne. A ce sujet, on notera la critique courageuse, mais trop brève, de l'édition de Loire-Atlantique du journal Ouest-France (page 119) en ce qui concerne le manque d'infos sur la réunification et tout simplement sur ce qui se passe dans la région administrative voisine. Si le rôle négatif des médias dans le maintien du statu-quo n'est pas suffisamment dénoncé, l'auteur du livre est par contre très clair sur les nombreux sondages effectués indiquant tous le désir de réunification, aussi bien en Loire-Atlantique que dans la région Bretagne.

Le rôle de Nantes dans l'histoire de Bretagne est bien analysé en particulier au moment des guerres de l'indépendance dans un sous chapitre intitulé: «Nantes et les guerres d'indépendance (1487-1491)». La présence du breton dans la presqu'île guérandaise est bien signalée mais ce serait plutôt jusqu'au 20e siècle et non pas le 19e comme indiqué, puisque les derniers locuteurs ont disparu dans les années 1960.

Par contre, Le Page, comme tout universitaire au sujet des relations entre la Bretagne et la France, a des interprétations qui laissent songeur. Sous sa plume, le duché indépendant devient trop souvent un duché autonome. Si la question de l'hommage lige n'est pas abordée, car trop complexe pour ce petit livre, l'indépendance du duché aurait pu être clairement affirmée. Elle est pourtant indiscutable puisque le duché battait monnaie et envoyait des ambassadeurs dans les cours européennes, ce qui n'est mentionné nulle part.

Les socialistes ont créé la région Pays-de-la-Loire

La genèse de la création du territoire [[Pays de la Loire]] est presque parfaite sauf que personne ne mentionne jamais, y compris Dominique Le Page, que ce sont les socialistes qui ont fait ce charcutage de la France. Comme l'a rappelé Christian Rogel, chroniqueur à l'ABP, dans un article récent (voir notre article), c'est le gouvernement du socialiste [[Guy Mollet]] qui a créé les régions économiques et en particulier la région Pays-de-la-Loire. Le découpage en 22 régions est publié au JO le 6 décembre 1956, sous le gouvernement de Guy Mollet, suite à un décret du 30 juin 1955 signé par le président du Conseil des ministres, Edgar Faure, du parti radical-socialiste, alors que son gouvernement était doté de pouvoirs spéciaux, non-démocratiques, conférés pour des réformes économques. On a de plus en plus en plus l'impression que tout le tapage fait autour de la création d'une super-préfecture à Angers par Vichy en 1941, comprenant la Loire-Atlantique (et pas la Vendée), structure territoriale, abolie d'ailleurs en 1944, sert à masquer que des gouvernements socialistes de la 4e République ont créé les Pays de la Loire.

Les archives d'ABP sont pourtant ouvertes à tous

Page 107 : Dominique Le Page oublie de dire que le Conseil régional de la Région Bretagne a renouvelé ses voeux de réunification, le 2 juillet 2001 et de nouveau le 25 juin 2010. Il se contente de mentionner 1986. Il suffit pourtant d'utiliser le moteur de recherche de l'ABP (voir notre article) pour vérifier.

Page 109: Le Page dit que le Conseil général de la Loire-Atlantique a refusé une proposition de réunification en 1968 mais sans détails sur les circonstances, on reste sur notre faim. Par contre l'auteur omet de mentionner les voeux de réunification du même Conseil Général le 22 juin 2001, réitéré le 8 octobre 2004 (voir notre article). Monsieur Le Page, la consultation de ces archives sont pour le moment gratuites, profitez-en !

Les nationalistes pris en grippe

Page 114: L'attentat de Quévert est attribué par l'auteur aux militants clandestins bretons (l'ARB), sans aucune preuve puisqu'il n'y a pas eu d'identification des responsables, ni donc condamnations. On notera cette phrase gratuite, qui n'était pas du tout nécessaire vu la possibilité d'une barbouzerie... pas digne d'un historien : «cet acte odieux qui illustre l'impasse que constitue le nationalisme, tout particulièrement dans le cas de la Bretagne..[...]»

Erreur factuelle ou omission grave ? Dans l'encadré sur Yann Fouéré page 89, l'auteur dit que Fouéré a été condamné en 1947, mais omet de dire qu'en 1955 il a gagné son appel, la condamnation de 1947 a été annulée et Yann Fouéré a été réhabilité.

Page 120: Ronan Le Flécher est zappé en tant qu'un des deux co-fondateurs des [[Dîners celtiques]]. Seul, Yannick Le Bourdonnec est cité. Faudra-t-il aussi le découper des photos avec photoshop ?

On espère que ces corrections seront faites avant la seconde édition. Les 4 000 volumes de celle-ci sont déjà dans les camions et seront en librairie ce week-end ou au plus tard lundi.

Philippe Argouarch

Nantes en Bretagne ?

Dominique Le Page

Editions Skol Vreiz

Distribution Coop Breizh

Publication aidée par la Région Bretagne

150 pages. Plus de 300 illustrations.


Vos commentaires :
M.Prigent
Vendredi 22 novembre 2024
Merci à Mr Argouarc'h d'avoir fait l'autopsie de ce livre écrit par un fonctionnaire de l'Education Nationale qui trop souvent a tendance à ménager la susceptibilité de son employeur.
D'où la présence d'omissions et d'interprétations partiales voire mensongères.
Saluons toutefois l'implication de l'auteur dans la matière de Bretagne.

Marcel Texier
Vendredi 22 novembre 2024
Il y a trop d'omissions graves dans ce livre pour qu'on ne soupçonne pas l'auteur d'une certaine dose de malhonnêteté intellectuelle. Je rejoins donc l'opinion de M.Prigent disant que ce livre est"écrit par un fonctionnaire de l'Education Nationale qui a trop souvent tendance à ménager la susceptibilité de son employeur. Je pourrais ajouter qu'il a aussi le souci de sa carrière. Ceux qui me connaissent pourraient m'objecter que j'ai, moi aussi, fait une carrière dans l'Education Nationale, à cette différence près qu'une partie de cette carrière s'est déroulée à l'étranger et l'autre (23 ans !) dans une école d'ingénieurs dont le directeur, parfaitement au courant de mon engagement breton, s'en souciait comme d'une guigne du moment que je faisais mon boulot.

Monsieur Le Page n'est sûrement pas un héros. Ce n'est pas un monstre non plus. C'est simplement un bon petit soldat de la République le doigt sur la couture du pantalon. Mais, je n'achèterai pas son livre ! Skol Vreizh nous avait habitués à plus de rigueur. C'est dommage.


krystell churie-goal(le)
Vendredi 22 novembre 2024
Monsieur Le Page n'a quitté Nantes que depuis quelques années.
Je viens d'acheter ce livre , je vais le lire .
Je suis moi-aussi très opposée aux nationalismes quels qu'ils soient .(cf.Stefan Sweig :«Le monde d'hier»)
Je pense Monsieur Le Page très sincère et qu'il n'a pas besoin de ça pour sa carrière.
Si ce sont des socialistes qui ont fait cette partition , de nombreux gouvernements de droite auraient pu changer cela depuis . L'ont-ils fait ?
Je suis née en 1953 en Loire inférieure en Bretagne et ce n'est qu'en 1972 qu'est apparu le terme «Bretagne-Pays de Loire» lors de la décentralisation .
La suite nous la connaissons .

Dominique Le Page:
Professeur d'histoire
Université de Dijon
Chercheur associé au Centre de Recherche Bretonne et Celtique (CRBC)
Champs de recherche
Finances et financiers en France sous l'Ancien Régime (XVIe-XVIIe siècles)
Histoire sociale des institutions
Les officiers et les administrateurs en France sous l'Ancien Régime
Les principautés en France (XIVe-XVIe siècles)


Jack Le Guen
Vendredi 22 novembre 2024
@ krystell Un historien de doit pas prendre partie ! vous si, vous en avez le droit, mais pas lui, du moins pas dans un livre d'histoire.

Louis Le Bars
Vendredi 22 novembre 2024
Ces livres sur Nantes et ses relations avec la Bretagne (avec des points d'interrogation) ou sur la réunification, surtout en ce moment c'est un peu de l'argent facile quand même.

D'autant que c'est souvent des ouvrages qui vont pas trop dans le détail...on aimerait par exemple des précisions sur ce qu'est une capitale au XIV-XVème siècle, et une capitale régionale au XXième, les tenants et les aboutissants en terme d'emplois (administratifs et conséquences sur le secteur privé), d'économie, une analyse exhaustive des votes des collectivités sur cette question sur le temps long (XIX-XXème-XXIème siècle), éventuellement des scoops sur les circonstances des découpages opérés en 1941, 56, 72 etc

Je pense qu'il y a un gros vide de la recherche en Sciences Humaines sur cette question...elles sont où les universités bretonnes ? c'est assez éberluant. Des enquêtes sociologiques approfondies dans le 44, en B4, les connaissances des bretons sur leur territoire, leur Histoire etc des études d'impact également en terme économique (et pas juste des agrégations de PIB actuels qui n'ont pas grand sens...puisque ne tient pas compte des impacts et dynamiques éventuelles de la réunification). Cela manque je trouve. On en reste bien souvent à des sempiternels ressassage sur Anne de Bretagne, Traité d'Angers, limites linguistiques, sondages grand public.


P. Argouarch
Vendredi 22 novembre 2024
Le décret Guy Mollet paru dans le JO du 6 décembre 1956 dans lequel apparait pour la première fois le nom «Pays de la Loire» : Voir le site

SPERED DIEUB
Vendredi 22 novembre 2024
L'histoire et la politique ne font pas bon ménage Mais je pense que même l'historien le plus honnête ne peut s 'empêcher de succomber par rapport à ses sensibilités et sans doute faire allégeance à ses maitres ou encore mettre l'histoire au service de causes qu'il défend par ailleurs Mais ici nous avons à faire à une personne qui s'approche bien plus que la moyenne de l'impartialité, il est crédible Et justement il a démontré méthodiquement de manière désintéressée ,sans préméditation comment la Bretagne est devenue française ,c'est une personne de valeur maintenant nul n'est infaillible non plus
lisez
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SPERED DIEUB
Vendredi 22 novembre 2024
Et Guy Mollet il était aussi pour la fusion !!! pas celle Bretagne pdl, mais pour une entité bien plus vaste qui serait nommée la Frangleterre !!! il avait ensuite envisagé l'adhésion de la France au Commonwealth Ah ces socialistes ils débordent vraiment d'imagination !!!
Voir le site

M.Prigent
Vendredi 22 novembre 2024
«...cet acte odieux qui illustre l'impasse que constitue le nationalisme, tout particulièrement dans le cas de la Bretagne..[...]»
Je n'arrive vraiment pas à digérer cette phrase incongrue formulée dans le livre de D.Le Page.
D'abord «...cet acte odieux» que fût l'attentat de Quévert qu'il impute d'emblée à l'ARB alors que celle-ci fût disculpée faute de preuves par la cour de cassation de Rennes et que plusieurs de ses membres mis en cause reçurent des indemnisations pour détention arbitraire par la justice française et par injonction de la Cour Européenne de Justice.
Qu'il aille plutôt fouiller du coté des «barbouzes» ou autre officine «franchouillarde» du genre de celle qui détruisit «à coups de masse» les 4 statues des personnages historiques bretons sises en façade du Parlement de Rennes ou qui par deux fois dévalisa les données informatiques résultant de collectes audio visuelles du patrimoine breton dans des associations (Lu dans le Télégramme du Finistère).
Le reste de la phrase sur le «nationalisme, tout particulièrement dans le cas de la Bretagne » me fait bouillir.
Et pourquoi «tout particulièrement» ? Il y a des nationalismes respectables et d'autres qui ne le seraient pas ?
Je dénie à tout français et encore plus à un historien la légitimité de juger de la respectabilité du nationalisme (supposé ou pas) d'un peuple voire même d'une nation.
Cette phrase de l'auteur est de la même cuvée que le procès en sorcellerie fait à la Bretagne à cause d'une poignée de collabos bretons (80 au maximum) pendant la 2è Guerre Mondiale.
Que pèsent ces 80 collabos face aux 30 000 miliciens de Pétain, aux 10 000 français engagés chez les SS, aux 2 300 décorés de la Francisque, aux raflés du Vel d'Hiv, au «locataires» du camp de Drancy...
Ainsi donc, c'est cette République qui sacralise l'Etat-Nation, imitée par les pays voisins (en lycée un châpître de l'Histoire de France était consacré à «l'Europe des Nations») qui prétend juger de la qualité d'un nationalisme ?
Le Nationalisme des «Nations sans Etat» (Catalogne, Ecosse, Kurdistan, Pays Basque, Bretagne....) serait donc dangereux et iconoclaste.
Le Nationalisme breton...combien de Morts ?
Le Nationalisme français (pardon, le «Patriotisme» dirait Chevènement)...combien de guerres, combien de morts, en Italie, en Espagne, en Europe, dans «nos» ex colonies ?
Ah, c'est que le «Nationalisme» français est vertueux, il oeuvre pour la liberté des peuples et les Droits de l'Homme contrairement à ce que disait le Pt Sanghor du Sénégal: «La France a fait passer son nationalisme pour de l'universalisme.»
Il serait peut-être temps d'actualiser le catéchisme républicain !

Marc Ferroc
Vendredi 22 novembre 2024
L'antinationalisme ? C'est le luxe de l'homme qui a une nation.

Citation de Sorj Chalandon


jocharruau
Vendredi 22 novembre 2024
Il est question de Quévert ci-dessus. peu après cet attentat qui, malheureusement, a coûté la vie d'une jeune femme de 28 ans, au moins deux personnes ont été interrogées dans les locaux de la police au centre Waldeck-Rousseau à Nantes puis expulsées : c'étaient des membres du GAL espagnol. Comme par hasard...
Le GAL un groupe souterrain pro-gouvernemental espagnol a été institué à cette époque pour infiltrer et lutter contre l'ETA.

Maryvonne Cadiou
Vendredi 22 novembre 2024
C'est un monsieur Serge Antoine qui a dessiné les régions.
Voir le site de L'Express , article du 15 mars 2003, titré Réforme territoriale : L'homme qui a découpé les régions et que l'hebdomadaire a rencontré.
Extraits :
- « C'est l'histoire de l'invention des régions françaises et de leur créateur en chef, Serge Antoine, 76 ans aujourd'hui ».
- « Peu à peu, quelques régions apparaissent avec évidence, car toutes les administrations, ou presque, les dessinent de la même manière : la Bretagne, l'Alsace, l'Auvergne, etc.
- »
Il se souvient des cas les plus difficiles : l'Indre et la Dordogne, on l'a dit, mais aussi la Vendée (Pays de la Loire ou Poitou-Charentes ?), les Hautes-Alpes (Rhône-Alpes ou Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse ?), l'Aveyron (Languedoc-Roussillon ou Midi-Pyrénées ?), etc. «
Le cas de la Bretagne est-il dans le etc. ? Pourtant ce n'était pas un cas difficile que de la réunifier...
Notons qu'au milieu des annés 50, la dénomination “Pays de la Loire” mentionnée dans cet article, n'existait pas encore.
Il avait 76 ans en 2003 Voir le site de sa page sur wikipédia.
En juin 2014, Le Monde publie une video Serge Antoine, l'homme qui avait dessiné les régions Voir le site du Monde avec la vidéo d'AFP-TV de 2004. »
C'est un jeune énarque passionné de géographie, Serge Antoine, qui en a élaboré la carte, au milieu des années 1950. Une carte qui, depuis, n'a presque pas changé. Il y a dix ans, l'AFP-TV avait rencontré son auteur, qui est mort en 2006 ".

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