Plomelin/Ploveilh.- Suite du journal de campagne de J.C. Perazzi
Dans deux précédentes chroniques (25/02/12 et 19/08/12), on a pu découvrir que les injures, contrevérités et autres amabilités pleuvaient depuis la nuit des temps sur la Bretagne et les Bretons. Et voici que l'humoriste (?) Morin en a remis une couche dans une émission de France-Inter du 6 décembre dernier. Pour faire écho… à l'hommage mérité de l'UNESCO à notre fest-noz. Bravo. Il n'y a pas si longtemps, Berroyer, autre humoriste (?), s'était aussi distingué dans le même registre. A croire que c'est une manie à Paris.
M. Morin l'ignore peut-être. Voici donc à son intention, pour de prochaines chroniques -on ne sait jamais, un humoriste aussi talentueux peut être à cours d'inspiration- quelques avis, propos aimables et jugements divers émis à propos de la Bretagne ces cinquante dernières années.
« Pas de place pour les langues régionales »
En 1970, Georges Pompidou est à la tête de l'Etat français. Et aucune autre ne doit dépasser dans notre belle république. Il tient à le faire savoir : « Il n'y a pas de place pour les langues régionales dans une France destinée à marquer l'Europe de son sceau. » Rompez.
Le député (Breton) Jacques Cressard partage cet avis. La preuve. En 1979, il annonce tout de go du haut de son siège du Conseil régional: « Diwan passe son temps à critiquer l'Etat et à apprendre aux enfants des maternelles qu'ils sont soumis à une domination colonialiste. »
Quelques années auparavant (1971), on pouvait lire dans « Histoire des populations française », sous la plume de Philippe Ariès : « Le Breton de l'intérieur, le plus nombreux, est resté l'homme d'un autre âge, réfractaire aux habitudes modernes. En lui survit l'héritage des temps reculés où l'homme n'avait pas encore repensé la nature, ni à engager l'avenir suivant une méthode rationnelle et réfléchie. » Un vrai plouc, en somme.
Jérome Savary, dans un article du « Monde », remet une couche deux ans plus tard : « Notre société se nourrit de stéréotypes car elle n'est plus capable d'inventer ; on ressort les bardes bretons et, bientôt, on aura des Robins des Bois conçus sur ordinateur. On appellera ça le régionalisme. »
L'ineffable Jean Dutourd y va à son tour de son commentaire rageur en 1985, dans « France-soir magazine ». Sur le ton de l'indignation : « Monsieur Lang ayant créé un Capes de breton, pourquoi pas créer un Capes de mendicité ? Il y a une culture à préserver, comme on dit de nos jours. »
« Le breton n'est pas une langue écrite »
Et c'est au tour du secrétaire d'Etat Robert Pandraud de monter lui aussi au créneau, en 1992 : « S'il faut apprendre une autre langue à nos enfants, ne leur faisons pas perdre leur temps avec des dialectes qu'ils ne parleront jamais que dans leur village. » Transmis à.. France-Inter qui nous abreuve à longueur d'antennes -d'autres antennes aussi- de chansons anglo-saxonnes de qualité très souvent plus que discutables. Une sorte de mise en conditionnement destiné à nos gosses ?
En 1996, Dan ar Braz est invité à interpréter une chanson en breton au concours de l'Eurovision. Insupportable aux oreilles de Monique Rousseau, député du Doubs qui adresse au ministre de la Culture une question écrite au ton presque comminatoire : « Ne conviendrait-il pas que, dans les organisations internationales, nos représentants s'expriment en français ? Lorsque la langue française est menacée, ils est choquant de voir la France représentée par le breton. On n'est pas Breton ou Français. On est Français et Breton. » Gast ha gast !
Georges Sarre, député de Paris (evel just) juge intolérable, en 1999, que la France puisse signer la Charte européenne des langues régionales : « En 1996, 110 000 élèves fréquentaient les cours de langues régionales. Est-il encore nécessaire de renforcer l'enseignement de langues inutiles économiquement ? » Bien vu. Hors de l'économie, du français et de l'anglais, point de salut.
Arlette Laguiller se plante de façon magnifique lors une interview à TV Breizh (financée par Murdoch, Berlusconi, Le Lay et consorts !), en 2002 : « On n'est pas capable d'apprendre en breton la philosophie (…) Le français est une langue bien plus riche. Supérieure ? Oui. Le breton n'est pas une langue écrite. » Texto.
Enfin Bertrand Poirot-Delpech, de l'Académie française, cette même année, enfonce un peu plus le clou dans un article du « Monde » : «Plus grave, parce que plus gribouille, la politique apparemment consensuelle en faveur des parlers régionaux, lesquels viendraient au secours du français à peu près comme le « réduit breton » devait selon l'état-major déjà replié à Bordeaux, arrêter les panzers (…) L'avenir serait donc aux vieilleries rustiques, aux cendres que l'on tisonne. »
Fin d'un florilège loin d'être complet. On vous l'offre, M. Morin, pour une suite à votre chronique. Ne nous remerciez pas. C'est cadeau.
Jean-Charles Perazzi
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